14 décembre 2025
Noël, un beau cadeau ?
En ce troisième dimanche de l’Avent, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à nous rappeler que, malgré tous les désirs qui se manifestent durant le temps des Fêtes, notre cœur espère toujours combler son désir le plus profond. Saurons-nous reconnaître Celui qui peut combler ce désir?
LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (35, 1-6a.10)
Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sarone. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu.
Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie.
Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient.
LETTRE DE SAINT JACQUES (5, 7-10)
En attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche.
Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (11, 2-11)
En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »
Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
« Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »
Prédication
Dans à peine 10 jours, Noël avec l’échange de cadeaux. Les cadeaux : toute une affaire. Je me souviens des longues listes que préparaient mes filleuls – j’en ai quatre. Ados, la liste est devenue plus courte, mais elle coûtait plus cher ! Et pour être certain que le cadeau fasse bien l’affaire, il m’est arrivé de l’acheter ensemble.
Aujourd’hui, la liturgie nous permet de jeter un coup d’œil sur le cadeau que Dieu nous offre à Noël. Plus que ça, en quelque sorte, on le déballe. On peut bien parler du dimanche de la joie. Non seulement le passage du prophète Isaïe lu décrivait la promesse de Dieu, mais l’Évangile nous présente cet Envoyé promis alors qu’il est bien engagé dans sa mission. Au temps de Jésus, le cadeau de Dieu a beaucoup surpris : on s’attendait à bien autre chose. Jésus ne provenait pas des écoles rabbiniques, ni de la caste des prêtres de Jérusalem, mais on le retrouvait parmi les gens ordinaires, les pauvres, pire les pécheurs publics, les prostituées. Jésus offrait un visage de Dieu bien différent auquel on était habitué. Il ne s’agissait plus d’un Dieu venant dans des bouleversements apocalyptiques, mais d’un Dieu déjà présent comme le levain dans la pâte. Il ne s’agissait plus d’un Dieu exigeant au nom de la Loi, mais d’un Dieu appelant à la liberté. Il ne s’agissait plus d’un Dieu allant au-devant des justes, mais d’un Dieu accourant là où la vie risque de se perdre, que ce soit celle du cœur, de l’esprit ou du corps. Il ne s’agissait plus d’un Dieu s’imposant par sa puissance, mais d’un Dieu se mettant au service de tous, se livrant entre nos mains.
Certains ont voulu échanger le cadeau dans l’attente d’un autre. Ils s’en sont débarrassé. Même Jean Baptiste hésite. Ce n’est pas trop surprenant quand on se rappelle l’Évangile de dimanche dernier. « Le jugement est proche, la paille sera brûlée dans un feu qui ne s’éteint pas. » Devant l’imminence du jugement de Dieu et de sa colère contre les impies, Jean appelle à la conversion, car Dieu épargnera ceux qui feront pénitence. Le Dieu de Jean-Baptiste est fort différent du Dieu de Jésus-Christ. Au lieu de jeter le feu sur la terre, Jésus se réjouit d’accueillir le fils prodigue. Pour un prophète, Jésus n’était pas du genre très ascète ! Jésus mange et boit comme tout le monde, mais, plus grave encore, il s’affiche avec n’importe qui. Pas étonnant que Jean s’inquiète, qu’il s’interroge sur la valeur de ce cadeau. Ainsi envoie-t-il des disciples à Jésus avec une question : le Messie, c’est toi, oui ou non ?
Jésus ne répond pas par oui ou par non. Il cite des passages d’Isaïe qui parlent du Messie et lui fait dire : vérifie par toi-même. Sous-entendu : oui, je suis bien le Messie promis, tu ne t’es pas trompé, seulement si tu es surpris ou choqué, creuse en toi ta recherche de Dieu, fais un pas de plus, laisse-toi convertir par mon Dieu, ton Dieu ; va plus loin dans ton désir de justice, d’appel à la conversion : entre dans le désir de Dieu de sauver tous ses enfants qu’il a créés par amour.
Si Jésus dit cela à Jean, le plus grand des enfants des hommes, que nous dirait-il à nous ? Que pensons-nous du cadeau de Dieu ? de ce Jésus ? À quel désir ce cadeau de Dieu répond-il ? Nous dont le cœur est tellement encombré par toutes sortes de caprices ! Un petit exemple. Vous connaissez la loto 6/49. De temps à autre, il y a des gros lots extraordinaires. Si j’ai bien vu, 60 M, tout récemment. Et bien, je connais un dominicain qui achète son billet. Je ne pense pas qu’il rêve de remettre le chèque à son prieur ! Comme tout le monde, l’imagination se met à vagabonder : que ferais-je avec tout cet argent ? J’imagine qu’il ferait beaucoup de bien autour de lui, mais pas mal de bien pour lui aussi. Mais alors, qu’est-ce que cela signifie ? Quel désir porte-t-il ? Je ne veux pas être scrupuleux ni dire de ne pas acheter de billets de loterie, mais quelques fois, certains gestes découvrent nos vrais désirs. Et ces désirs souvent superficiels nous empêchent de découvrir, de voir et d’aimer le cadeau que Dieu nous fait à Noël.
« Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ! » Ce cadeau de Dieu est-il sur notre liste ? Attention, il ne s’agit pas de tuer le désir. Nous ne sommes pas des bouddhistes qui n’obtiennent la paix intérieure qu’au prix d’une longue pratique ascétique après avoir réussi à éliminer tout désir. En régime chrétien, nous n’obtenons la paix intérieure que lorsque notre désir le plus profond a été comblé par celui-là seul qui peut le combler : Dieu et le don de son royaume. Au lendemain des fêtes de Noël, les poubelles seront pleines de ce que nous désirions et aussi des billets de loterie. Saint Augustin disait : « nous devenons par ce que nous désirons ».
Même si nous ne sommes pas Jean-Baptiste, Dieu est bien patient : l’apôtre Jacques nous le rappelle. En plus, il nous fait le cadeau hebdomadaire, voire quotidien, de sa présence dans un peu de pain, un peu de vin pour nous transformer, pour convertir notre désir de sorte que nous pourrons offrir à Dieu à Noël le plus beau cadeau : un cœur de pauvre, un cœur qui le désire. Amen.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Tu le vois, Seigneur Dieu,
ton peuple attend avec foi
la fête de la naissance de ton Fils ;
nous t’en prions,
accorde-nous de parvenir au bonheur d’un tel salut,
et de le célébrer solennellement
avec une joie toujours nouvelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
