23 novembre 2025
Un amour qui sauve
En cette joyeuse Solennité du Christ-Roi et ce dernier dimanche de l’année liturgique, le frère Peace Michael A. Mushimiyimana, O.P., nous explique ce que les trois lectures du jour nous apprennent sur la royauté de Jésus et nous invite à nous demander si celui-ci est vraiment le Roi de nos cœurs et de nos vies.
DEUXIÈME LIVRE DE SAMUEL (5, 1-3)
En ces jours-là, toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t’a dit : “Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.” » Ainsi, tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël.
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX COLOSSIENS (1, 12-20)
Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.
Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (23, 35-43)
En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Prédication
Alors que nous achevons l’année liturgique C, l’Église nous invite à contempler le Christ sous un titre à la fois solennel et déroutant : Roi de l’univers. Cette appellation, loin d’être une simple métaphore, nous plonge au cœur du mystère chrétien. Mais de quelle royauté parlons-nous exactement ? Les textes de ce dimanche de Samuel, de Paul aux Colossiens, et de l’évangile selon saint Luc nous offrent une triple lumière pour mieux comprendre cette royauté singulière.
Dans le deuxième livre de Samuel, les tribus d’Israël viennent reconnaître David comme roi, scellant une alliance qui inaugure une dynastie. « Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël. » Cette scène évoque déjà, la promesse d’un règne qui ne passera pas. Or, cette promesse trouve son accomplissement plénier dans le Christ. En effet, saint Paul affirme que le Christ est « l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature », celui en qui tout a été créé et par qui tout subsiste. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en toute la primauté. Ainsi, sa royauté dépasse les limites du temps et de l’espace : elle est éternelle, cosmique, vivante.
Cependant, cette royauté ne se manifeste pas selon les critères habituels du pouvoir. L’évangile de Luc nous présente un roi crucifié, moqué, apparemment vaincu. Et pourtant, c’est précisément sur la croix que Jésus révèle la vérité de son règne. Tandis que les chefs se moquent de lui et que les soldats le défient, un condamné, un homme brisé, reconnaît en lui le roi d’un royaume invisible : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » À cette supplication, Jésus répond par une promesse bouleversante : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Ainsi, la croix devient le trône d’un roi dont le pouvoir s’exerce dans le pardon et la miséricorde.
Par ailleurs, il est essentiel de comprendre que la royauté du Christ implique une relation de dépendance librement consentie. Dans l’Antiquité, le roi était celui dont dépendait la paix, la justice, la prospérité du peuple. Il garantissait les conditions du bonheur. De manière analogue, mais transfigurée, le Christ est pour les croyants la source du sens, des valeurs, des priorités qui orientent l’existence. Vivre sous son règne, c’est recevoir de lui l’Esprit Saint, c’est s’ouvrir aux promesses de la vie divine, c’est marcher à sa suite vers la plénitude de la communion avec Dieu.
Néanmoins, à la différence des rois de ce monde, le Christ ne s’impose pas. Sa royauté ne relève pas d’un régime autoritaire ou héréditaire. Elle est l’objet d’un choix, d’une option personnelle. Comme il le dit à Pilate : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » Autrement dit, l’appartenance au Christ repose sur un acte de foi, libre et éclairé. Il ne règne que sur ceux qui acceptent de l’écouter, de le suivre, de s’en remettre à lui. Et ce choix, loin d’être réservé à une élite spirituelle, est accessible à tous, même au dernier instant, comme en témoigne le bon larron.
Pour nous, étudiants et chercheurs de sens, dans un monde où les pouvoirs passent, où les idéologies s’effondrent, où les promesses politiques déçoivent, la royauté du Christ nous invite à une autre espérance. Non pas celle d’un pouvoir qui domine, mais d’un amour qui sauve. Non pas celle d’un règne imposé, mais d’une alliance libre. Non pas celle d’un roi lointain, mais d’un Dieu proche, crucifié et ressuscité.
Alors, en ce dimanche, posons-nous cette question : qui règne véritablement sur ma vie ? À quelle voix est-ce que je prête l’oreille ? Et si, comme le larron, nous osions dire aujourd’hui : « Jésus, souviens-toi de moi », peut-être entendrions-nous cette parole qui transforme tout : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Fr. Peace Michael A. Mushimiyimana, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
tu as voulu récapituler toutes choses
en ton Fils bien-aimé, le Roi de l’univers ;
dans ta bonté, fais que, libérée de la servitude,
toute la création serve ta gloire
et chante sans fin ta louange.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
