Prédication, 33ème dimanche du temps ordinaire

16 novembre 2025

Vigilance attentive et résistance confiante

Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous dit que, plus qu’annoncer une catastrophe, Jésus éduque ses disciples, d’hier et d’aujourd’hui, à ce qu’il faut faire pour ne pas se laisser emporter par les temps des crises et pour rester fort et lucide.

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Prédication

L’hiver se fait proche. Ces derniers temps, le ciel fut plus couvert qu’ensoleillé. Et aujourd’hui, voici que Jésus, qui est avec ses disciples, fait un discours assez inquiétant! Il le fait au Temple de Jérusalem, le lieu saint par excellence. « Des jours viendront, dit-il, où ce temple que vous admirez sera détruit. Des jours viendront où vous vivrez des temps de troubles et de confusion. Et en plus, des jours viendront où vous ferez face à la persécution. » Il y a de quoi inquiéter les disciples et nous aussi!

De fait, au temps où Luc écrit son évangile, ce temple a été détruit par le pouvoir romain commandé par le général Titus en l’an 70. À Rome, sur le forum, le célèbre Arc de Titus le rappelle, montrant la Menorah et les objets du culte amenés en triomphe. Je l’ai revu en septembre. La tradition juive s’en remettra : elle se concentrera sur les synagogues. Tout sera détruit, dit Jésus. En fait, il reste un mur, dit des Lamentations, source de vénération et de controverses. Le Pape François s’y est recueilli en mai 2014, comme l’avaient fait Benoit XVI et Jean-Paul II.

Les troubles de toutes sortes et les persécutions annoncés par Jésus sont advenus et ils vont continuer d’arriver. Jésus dit ces paroles troublantes non pour faire peur au monde mais pour appeler ses disciples à la vigilance et à la résistance. La vigilance : restez éveillés, les yeux bien ouverts, l’esprit alerte. Dans les temps de crise, les faux prophètes abondent, aujourd’hui comme hier, qui nous annoncent la fin imminente ou la solution miracle. Nous en voyons de tous genres sur nos écrans. Les consignes de Jésus sont claires : prenez garde, ne suivez pas, n’ayez pas peur. Ne vous laissez pas avoir par n’importe quelle histoire excitante ou stupéfiante. Gardez l’œil ouvert, tenez-vous debout, avec cette confiance lucide qui regarde de près et qui voit plus loin. Dans la 2ème lecture, nous avons un écho de ces troubles dans la communauté de Thessalonique. Les gens s’énervent (cf. l’expression bien trouvée : affairés sans rien faire), ils ne veulent plus travailler, la fin est proche. Paul les rappelle sur terre, la vie quotidienne continue avec ses responsabilités et l’entraide communautaire.

Jésus parle des troubles mais aussi des persécutions. Les disciples de Jésus ont affronté l’hostilité de leurs proches et des pouvoirs publics assez rapidement. Déjà au temps de la mission de Pierre et Paul dans les années soixante, des milliers de chrétiens ont été éliminés. Dans la suite de l’histoire, les périodes de calme et d’adversité se sont succédées, variables selon les régions et les régimes politiques. Au 20ème siècle, les États totalitaires, au nom de l’athéisme ou du néo-paganisme, ont cherché à détruire toute source de résistance, de pensée différente. Les Églises chrétiennes, parmi d’autres groupes, ont payé un lourd prix en vies humaines et souffrances. Cela n’est d’ailleurs pas terminé. Aujourd’hui encore, des chrétiens sont persécutés par des fanatiques politico-religieux dans plusieurs pays. En d’autres endroits, leur liberté religieuse est réduite au minimum. Un organisme ecclésial, avec une branche canadienne, porte le souci de ces situations : Aide à l’Église en détresse.

Ici, dans notre pays, nous ne vivons pas ces conditions extrêmes. L’approche est différente; il s’agit plutôt d’un certain harassement ou de mépris face aux traditions religieuses. Ce rôle est exercé en partie par des grands médias qui, ayant remplacé l’Église et la famille comme définisseurs du sens et de la rectitude, tolèrent peu de voix dissidentes. Et maintenant l’État en rajoute. Pour que tous participent allègrement dans le grand marché mondial du divertissement ou dans l’identité nationale, il vaut mieux tasser dans le coin ou ridiculiser tout ce qui fait signe de croyances religieuses. Les clichés, les mythes et les stéréotypes se mêlent aux faits historiques pour alimenter cette dérision.

Les consignes de Jésus face à l’hostilité rencontrée dans le monde privé ou public sont elles aussi encourageantes. Il appelle à ne pas s’énerver! Il invite même à saisir l’occasion pour rendre témoignage.

Ce n’est pas facile, évidemment, car cela suppose de résister aux nouveaux conformismes ambiants, d’oser faire entendre une autre voix dans le chœur de la pensée unique. Mais cette résistance est possible, nous dit Jésus, parce que nous ne sommes pas seuls, abandonnés. Le Vivant demeure parmi les siens pour leur inspirer les paroles de sagesse.

Peut-être n’osons-nous pas assez y faire appel ou hésitons-nous trop à plonger. Nous ne sommes pas sûrs de la présence d’un sauveteur près de l’eau! Ou nos mots semblent si fragiles pour annoncer une joyeuse nouvelle. Pourtant, cette longue aventure spirituelle de plus de 2000 ans, qui tient encore la route, n’a pas commencé autrement que par des paroles d’espoir, des gestes de bonté et des témoins qu’un souffle intérieur a rendus audacieux.

La clé qui permet d’ouvrir ces portes de la vigilance et de la résistance pour en tirer des trésors est donnée à la fin. Il s’agit d’un mot riche, un peu oublié, et chargé d’avenir : la persévérance, ou la constance (upomonè), qui est faite d’attente et de ténacité, de patience et de fidélité. Un mot que Paul utilise fréquemment dans ses lettres, quand il parle de situations de détresses et d’épreuves. Au bout du chemin, ou plutôt sur le chemin même, elle donne naissance à l’espérance.

En cette eucharistie, rendons grâce au Dieu vivant pour les témoins anciens et actuels de cette vigilance attentive et de cette résistance confiante. Rendons grâce par Jésus le Soleil de justice qui s’est levé, lui qui nous éclaire et nous réchauffe, en ces temps incertains, nous apportant la guérison et la paix. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu, nous t’en prions :
accorde-nous la joie de t’appartenir sans réserve,
car c’est un bonheur durable et profond,
de servir constamment le créateur de tout bien.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.