11 novembre 2025
Jour du Souvenir !
En ce Jour du Souvenir, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à garder espoir malgré les horreurs de la guerre, à célébrer ceux et celles qui ont su faire preuve d’humanité dans des situations inhumaines et à protéger en nos cœurs ce petit morceau du Bon Dieu qui préserve la beauté de nos vies et du monde.
LIVRE DE LA SAGESSE (2, 23 – 3, 9)
Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.
Mais les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait.
Après de faibles peines, de grands bienfaits les attendent, car Dieu les a mis à l’épreuve et trouvés dignes de lui. Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; comme une offrande parfaite, il les accueille. Au temps de sa visite, ils resplendiront : comme l’étincelle qui court sur la paille, ils avancent. Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour les siècles.
Qui met en lui sa foi comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (17, 7-10)
En ce temps-là, Jésus disait : « Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
« De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »
Prédication
11 novembre, Jour du Souvenir. Dans de nombreux pays, dont le nôtre, nous nous souvenons de tous les hommes et de toutes les femmes qui ont donné leur vie pour nos pays lors de conflits armés. Il y a quelques années, un 11 novembre, je me suis retrouvé dans un petit village français. J’étais avec la plupart des habitants autour de leur monument aux morts pour nous recueillir et nous rappeler tous ceux qui étaient tombés au champ d’honneur, comme on dit. Sur le monument étaient inscrits tous les noms des soldats morts. J’ai vu la liste. Des noms de famille se répétaient : plusieurs frères ou cousins avaient été tués. Quel prix la France a-t-elle payé, même si elle fut vainqueure !
Je suis convaincu que nous ne nous rendons pas compte de notre chance. Certes, nous avons participé à des guerres, mais jamais sur le sol de notre pays. La guerre, ce ne sont pas seulement les soldats tués, blessés, disparus ou faits prisonniers. Mais ce sont aussi ces longues cohortes de réfugiés, ces destructions, ces femmes et ces enfants blessés, violentés et morts. On dit que les guerres tuent davantage de civils que de militaires ! Et parmi les civils, les femmes et les enfants sont les premières victimes. Les conflits actuels malheureusement confirment ce constat.
Alors que nous pleurons nos morts, le livre de la Sagesse nous rappelle aujourd’hui que Dieu aura le dernier mot. Son projet est un projet de vie. Il a créé l’être humain en vue de l’incorruptibilité. C’est l’ennemi, le diable, qui a fait entrer dans notre monde la haine qui tue ! « Mais les âmes des justes sont dans la main de Dieu ». Oui, l’humanité connaît l’épreuve, mais Dieu ne la laisse pas à la mort. « Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus ». Devant toutes les horreurs de la guerre, nous pouvons désespérer. Nous ne pouvons que nous appuyer sur sa promesse réalisée dans la mort et la résurrection du Christ Jésus.
Voilà pourquoi, en cette journée, alors que nous confions à Dieu toutes les victimes de la guerre ainsi que ce monde défiguré par les conflits armés, notre espérance doit briller et surtout notre charité. Aujourd’hui, l’Église célèbre un saint très célèbre : Saint Martin de Tours. Il a vécu au IVe siècle. Il était légionnaire dans l’armée romaine. Il est connu pour avoir partagé son manteau avec un pauvre transi de froid. La nuit suivante, le Christ lui apparaît en songe vêtu de ce même pan de manteau. « Tout ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ! »
Si, durant les guerres, des êtres humains se comportent d’une manière abjecte, barbare, ignominieuse au point de commettre des crimes contre l’humanité, d’autres, au contraire, font preuve de solidarité, de générosité et de charité, souvent au risque de leur vie. Ils se sont fait les prochains des souffrants, des blessés et des persécutés.
Si Jésus, dans l’Évangile, nous demande de ne pas nous enfler d’orgueil lorsque nous accomplissons la volonté de Dieu, le comportement de ces héros, pour la plupart anonymes, ne peut être qu’honoré et célébré. Par eux, Dieu est présent au cœur même des ténèbres du mal.
Comme disait Etty Hillesum, cette Juive morte en 1943 à Auschwitz :
Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi,
mais je ne puis rien garantir d’avance.
Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire :
ce n’est pas toi qui peux nous aider,
mais nous qui pouvons t’aider
– et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes.
C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque
et c’est aussi la seule chose qui compte :
un peu de toi en nous, mon Dieu.
Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre à jour
dans les cœurs martyrisés des autres.
Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation
finalement indissociable de cette vie.
Je ne t’en demande pas compte,
c’est à toi au contraire
de nous appeler à rendre des comptes un jour.
Il m’apparaît de plus en plus clairement
à chaque pulsation de mon cœur
que tu ne peux pas nous aider,
mais que c’est à nous de t’aider
et de défendre jusqu’au bout
la demeure qui t’abrite en nous.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
tu as été glorifié par la vie et la mort du bienheureux évêque Martin ;
renouvelle en nos cœurs les merveilles de ta grâce,
pour que ni la mort ni la vie ne puissent nous séparer de ton amour.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
