Prédication, 31ème lundi du temps ordinaire

L’imagerie religieuse utilise une quantité d’objets à caractère symbolique pour identifier les saints et saintes. L’iconographie servira aussi à illustrer les vertus, l’état social, l’œuvre de la figure sainte ou encore, dans le cas des martyrs, les circonstances de leur mort. Au nombre des associations les plus connues, sainte Thérèse de Lisieux et ses roses, saint Jérôme et son lion, et bien sûr saint Pierre et ses clefs. Autant d’attributs qui proviennent d’épisodes de leur vie ou d’impressions vivaces qu’ils ont laissées.

Les images nous racontent déjà le saint et la sainte en nous offrant une sorte de « capture d’écran » de ce qu’a été sa vie. Les fleurs, les animaux sont souvent mis à contribution. Parfois, ce sera un vêtement pour identifier l’appartenance à une communauté religieuse, un objet pieux comme un livre, un crucifix ou un rosaire pour décrire la dévotion du personnage. Un instrument, comme un bâton, une houlette, une épée serviront à nous situer quant à son métier ou sa fonction.

Il s’agit d’un langage pictural qui possède ses conventions, pas toujours faciles à interpréter pour le profane. Notre saint du jour, saint Martin de Porrès est représenté par un balai ! (en mettant de côté les souris et autres animaux avec lesquels il était lié d’amitié). Si l’iconographie fonctionne, avec l’aide d’un balai, nous devrions tracer les contours de cette figure si attachante et particulièrement vénérée, surtout dans l’Ordre des Dominicains, auquel il appartenait.

Les balais, dans une certaine tradition, sont spontanément associés aux sorcières qui volaient en enfourchant leur balai magique. Mais l’Hallowe’en est passée. Disons seulement que le frère Martin a fait son entrée au ciel à l’aide de son balai !

Le balai nous renvoie aussi à la naissance de Martin et à ses origines modestes. Il est né en 1579. Entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle apparaît la propreté des intérieurs. Le balai trouvait alors un emploi important, associé aux tâches ménagères. L’instrument garant de la propreté des lieux n’a toutefois pas une grande aura de noblesse. Il est volontiers confié au personnel de service. Martin et son balai, c’est le contraire d’un roi avec sa couronne. Enfant illégitime, né d’un père de haute noblesse et d’une esclave noire, Martin a vécu sa petite enfance dans une grande pauvreté. Mais il avait déjà à cœur de soulager la misère de plus pauvres que lui. Adolescent, il se lance dans le métier de barbier qui, à l’époque, faisait aussi office de médecin. Très jeune, il a été proche des malades et faisait des largesses aux pauvres.

À 16 ans, il entre chez les Dominicains de Lima. Membre du tiers-ordre, il exerce les tâches d’entretien du couvent. On ne tarde pas à lui mettre le balai entre les mains pour nettoyer le cloître ! Ce rôle de service, il l’effectuait avec joie. Il prenait aussi soin des malades à l’infirmerie. Son dévouement n’avait d’égal que sa dévotion qui impressionnait l’entourage, lequel n’a pas tardé à lui faire une réputation de thaumaturge. S’il ne peut balayer la douleur, il la partage avec tous les malades et les malheureux.

Le balai de Martin lui aurait-il donné cette liberté intérieure qui lui a permis de balayer les préjugés à son endroit ? Le balai lui aura aussi servi à se garder dans l’humilité, à écarter tout ce qui pouvait le détourner du service du pauvre. Appuyé sur son balai, il les protégeait tous, il n’avait d’autre prétention que d’être leur ami. Il avait suffisamment d’instruction aussi pour balayer l’ignorance des gens qui s’approchaient de lui pour l’entendre parler de Dieu et partager avec lui leurs questionnements.

Avec son balai, Martin a accueilli le Christ dans la pureté du cœur. Il n’aspirait pas aux hauteurs. Il ne réclamait rien pour lui-même et vivait dans le dénuement le plus complet… en ce qui le concerne, il n’avait plus rien à balayer !

À la recommandation du prophète Isaïe, il a accueilli le sans-abri, rendu la liberté aux opprimés, fait disparaître le joug. Il a donné à celui qui a faim, il s’est attaché à combler les désirs du malheureux. Il a indiqué aux tout-petits là où ils trouveront le repos. Rempli de sagesse, doux et humble de cœur, il a su relayer l’invitation de Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ».

En revanche, Martin, comme Jésus, a pu balayer ses propres soucis au contact des pauvres. Avec lui, il bénit le Père et proclame sa louange.

Fr. Raymond Latour, O.P.

PRIÈRE

Dieu qui as conduit saint Martin de Porrès
jusqu’à la gloire du ciel
par les chemins de l’humilité ;
donne-nous de suivre son exemple,
pour être admis avec lui près de toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui règne avec toi et le Saint Esprit
maintenant et pour les siècles des siècles.

∞ Amen.