12 octobre 2025
Merci pour la reconnaissance !
En cette veille de l’Action de grâce, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite à garder notre cœur ouvert à l’étranger pour ainsi mieux faire communauté et mieux faire preuve de gratitude envers le Seigneur… ensemble !
DEUXIÈME LIVRE DES ROIS (5, 14-17)
En ces jours-là, le général syrien Naaman, qui était lépreux, descendit jusqu’au Jourdain et s’y plongea sept fois, pour obéir à la parole d’Élisée, l’homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ! Il retourna chez l’homme de Dieu avec toute son escorte ; il entra, se présenta devant lui et déclara : « Désormais, je le sais : il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ! Je t’en prie, accepte un présent de ton serviteur. »
Mais Élisée répondit : « Par la vie du Seigneur que je sers, je n’accepterai rien. » Naaman le pressa d’accepter, mais il refusa. Naaman dit alors : « Puisque c’est ainsi, permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël. »
DEUXIÈME LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE À TIMOTHÉE (2, 8-13)
Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle.
Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (17, 11-19)
En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Prédication
À la veille de la fête de l’Action de grâce, la liturgie de la Parole ne pouvait être mieux adaptée. Saint Paul nous invite à nous souvenir de Jésus Christ ressuscité d’entre les morts : c’est cette mémoire qui est au cœur de toutes nos célébrations eucharistiques. Et « cet étranger » qui revient sur ses pas pour remercier Jésus pour la guérison obtenue nous rappelle l’importance de dire merci, de reconnaître la source des bienfaits qui nous sont prodigués.
« Merci », pour un service, « merci » aussi en guise d’appréciation d’une présence. Dire « Merci d’être là pour moi » c’est toujours une promesse d’être là pour l’autre. Ce merci pour tout ce qui nous nourrit devient encouragement mutuel à persévérer dans le don de soi. « Merci pour votre merci », me répondait récemment un correspondant.
La reconnaissance peut aussi être un acte de foi comme le démontre notre Évangile.
Au départ, ils sont dix lépreux, indifférenciés. Leur maladie est leur dénominateur commun. Ils forment un groupe, unis dans une même démarche, ils ont une seule voix quand, pour conserver la distance nécessaire, ils crient en direction de Jésus : « Jésus, maître, prends pitié de nous ». La maladie les a rendus solidaires les uns des autres. Ils étaient une communauté de malades, de lépreux ; devant Jésus, ils sont une communauté de priants, de suppliants. Grâce à l’intervention de Jésus, ils sont devenus une communauté de guéris.
On se serait attendu à ce qu’ils suivent tous l’exemple de Naaman, ce lépreux syrien, un païen guéri de la lèpre à la parole du prophète Élisée. Naaman a aussitôt célébré le Dieu unique et voulu remercier pour sa guérison.
Dans la suite de l’Évangile, un seul agit de la sorte. Les 9 autres se sont éclipsés, disparus ! Il faut supposer qu’ils ont suivi la consigne de Jésus et sont allés voir le prêtre pour faire attester leur guérison et être ainsi réintégrés dans la communauté dont la maladie les avait exclus. Du même pas, ils ont rompu la communion improbable qui s’était nouée avec le Samaritain, à la faveur de cette même maladie.
Heureusement, il s’en est trouvé un pour manifester sa reconnaissance. Et c’est là que l’on découvre son identité : c’était un Samaritain, un étranger. Il est le seul à être retourné sur ses pas, glorifiant Dieu. Il rend grâce à Jésus et, par son non verbal, semble lui reconnaître une qualité divine : « il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus ». Presque une prosternation.
Jésus constate donc devant les témoins de la scène, que c’est cet étranger, et uniquement lui, qui est revenu sur ses pas… Cet étranger, ce Samaritain, objet de mépris pour les juifs bien portants et bien-pensant, cet étranger, celui que l’on tient à distance, le voilà dans un rôle exemplaire. Et les 9 autres ? demande Jésus laissant entendre qu’ils auraient pu faire la même démarche que le Samaritain : ensemble dans la supplication, ensemble dans l’action de grâce. Cela n’a pas été le cas. Les autres ont suivi les prescriptions de la Loi. Le Samaritain a suivi les prescriptions de son cœur. Il a reconnu la source de la guérison. Il est allé au-delà du signe pour accéder au salut qui est plus qu’une guérison, l’établissement d’une relation avec celui qui apporte le salut.
Dans nos sociétés prêtes à toujours tout mettre sur le dos des immigrants, « cet étranger » nous parle encore. Il nous révèle à nous-mêmes : si nous savons le reconnaître, nous serons avec lui dans une même action de grâce. Il nous révèle à nous-mêmes : si nous refusons de l’accueillir, nous serons séparés, retranchés de notre humanité. Une communion sera blessée. N’avons-nous pas tous part à une même guérison, un même salut ? Cette conviction pourrait aussi réconcilier des peuples.
La semaine dernière, la date du 7 octobre ramenait au premier plan l’attaque du Hamas contre Israël et la réponse dévastatrice qui a suivi, affligeant toute la population de la Palestine, déplacée, affamée et assiégée. Comme les dix lépreux de l’Évangile, avec toutes les nations et personnes soucieuses d’un juste règlement de ce conflit et de tous ceux qui affectent notre planète, nous implorons « prends pitié de nous! » … Les espoirs d’une paix durable refont surface mais l’avenir de la Palestine reste un sujet de grande inquiétude.
Savoir dire merci élargit notre cœur, le purifie de la lèpre de l’exclusion et de celle de l’égoïsme. Tous, nous sommes humains, êtres de besoins. Nous ne pouvons vivre isolés, sans le secours les uns des autres. Quand nous nous rassemblons en Église, nous nous rappelons que l’action de grâce fait notre unité, que c’est elle qui nous rassemble. Et ce « merci » rendu à Dieu nous ouvre à l’amour exemplaire du Fils de Dieu. Il nous propulse à proclamer la parole de Dieu que rien ne peut enchaîner. Nous nous souvenons ensemble de Jésus Christ, celui qui a tout donné pour que nous ayons la vie. En lui, il n’y a plus d’étranger, seulement des frères et des sœurs à aimer.
Ensemble, en cette fête d’Action de grâce, bénissons le Seigneur !
Fr. Raymond Latour, O.P.
PRIÈRE
Nous t’en prions, Seigneur,
que ta grâce nous devance
et qu’elle nous accompagne toujours,
pour nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
