9 octobre 2025
« Vous disiez? ... »
Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., adresse la question épineuse que voici : Dieu s’offense-t-Il des choses blessantes que l’on dit dans son dos?
LIVRE DU PROPHÈTE MALACHIE (3, 13-20a)
« Vous avez contre moi des paroles dures, – dit le Seigneur. Et vous osez demander : “Qu’avons-nous dit entre nous contre toi ?” Voici ce que vous avez dit : “Servir Dieu n’a pas de sens. À quoi bon garder ses observances, mener une vie sans joie en présence du Seigneur de l’univers ? Nous en venons à dire bienheureux les arrogants ; même ceux qui font le mal sont prospères, même s’ils mettent Dieu à l’épreuve, ils en réchappent !” »
Alors ceux qui craignent le Seigneur s’exhortèrent mutuellement. Le Seigneur fut attentif et les écouta ; un livre fut écrit devant lui pour en garder mémoire, en faveur de ceux qui le craignent et qui ont le souci de son nom. Le Seigneur de l’univers déclara : « Ils seront mon domaine particulier pour le jour que je prépare. Je serai indulgent envers eux, comme un homme est indulgent envers le fils qui le sert fidèlement. Vous verrez de nouveau qu’il y a une différence entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui refuse de le servir.
« Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, – dit le Seigneur de l’univers –, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (11, 5-13)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.” Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.” Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
« Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.
« Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Prédication
Vous causez avec des amis, vous parlez de façon un peu critique de telle ou telle personne, et voici que cette personne surprend votre conversation. Léger malaise. « M’a-t-il, m’a-t-elle entendu ? », vous demandez-vous, rempli(e) de confusion. Si vous aviez su que la personne était toute proche, sans doute n’auriez-vous pas tenu ces propos. On voudrait se voir à six pieds sous terre ! Situation très inconfortable… Ou bien, vous-même entendez quelqu’un déblatérer sur votre compte. Allez-vous passer à l’offensive ou faire comme si vous n’aviez rien entendu ?
Heureusement, nous ne songeons pas souvent que Dieu nous écoute, qu’il nous entend. Nous avons exorcisé cette image d’un Dieu qui est partout, qui voit tout, un Dieu espion, qui nous épie et à qui rien n’échappe. De façon plus ou moins inconsciente, amour propre oblige, nous préférons un Dieu discret, capable de faire la sourde oreille à nos propos intempérants.
Dans la première lecture, le prophète Malachie nous présente un Dieu qui surprend des paroles prononcées à son propos et qui ne se fait pas faute de les resservir pour confronter ses détracteurs. « Vous disiez ? »
« Vous avez dit contre moi des paroles dures », déclare le Seigneur… Nous n’aimons pas trop que les gens parlent dans notre dos, et il semble que cela ne soit pas non plus du goût du Seigneur. Le prophète Malachie, en son nom, ne manque pas de recadrer ces gens, de leur faire rentrer les paroles dans la gorge. À l’avenir, ils vont surveiller leur langage !
Serait-il possible que Dieu ait à se plaindre du langage que nous tenons (entre nous) à son endroit. « Servir Dieu n’a pas de sens », voilà les propos qui étaient parvenus à ses oreilles. Aujourd’hui, beaucoup de nos contemporains ne tiennent-ils pas le même discours. Pourquoi faudrait-il se soucier de Dieu ? Dieu, à quoi bon ?
C’est l’interrogation séculaire à laquelle les croyants et croyantes devront toujours répondre, qu’elle monte de leur propre cœur ou qu’elle leur soit transmise par le milieu ambiant, avec ou sans hostilité.
On a beau dire, on a beau faire. On y revient toujours. Quand le malheur frappe à l’improviste, quand la maladie nous jette dans l’inquiétude, quand, de quelque manière, nous perdons notre belle maîtrise des choses, le recours à Dieu s’impose. Vous l’aviez mis de côté, par indifférence, par orgueil ou désir d’émancipation, allez, on oublie tout cela ! Peu importe son indigence, on frappe à sa porte !
Par bonheur, et peut-être à notre étonnement, Dieu n’est pas comme nous. Il ouvre à qui frappe. Il donne à qui demande. Sans poser de question. Sans nous rappeler nos fières postures, nos petites prétentions à être comme des dieux. Non, Dieu n’est pas mesquin. Il donne plus que nous n’osons demander. Dieu, toujours prêt à dépanner, même au milieu de la nuit, s’il le faut.
La prière du Notre Père nous l’apprenait déjà. Le pain quotidien, c’est son affaire. Nous n’avons même pas à prendre la précaution de lui présenter nos demandes comme un « emprunt » – « prête-moi trois pains » – Dieu ne prête pas, il donne ! Et c’est heureux, car nous serions bien incapables de rembourser nos emprunts !
Dans la découverte d’un Dieu Père qui donne de bonnes choses à ses enfants, nos paroles dures se changeront en actions de grâce. Le Dieu-dépanneur s’estompera pour faire place au Dieu-communion, celui que nous aurons tous les jours le bonheur de servir.
Fr. Raymond Latour, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu, Créateur du monde,
c’est toi qui régis le cours des temps ;
dans ta bonté, accueille nos supplications :
accorde à notre temps la paix et la tranquillité,
pour que nous puissions louer ta miséricorde
dans l’exultation d’une joie sans fin.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
