Prédication, 27ème dimanche du temps ordinaire

5 octobre 2025

La foi?

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous démontre que de nombreux personnages bibliques ont su faire appel, par leur foi, à Dieu et à l’Esprit-Saint à travers l’adversité et nous invite à faire de même dans la confiance et l’espérance.

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Prédication

Jésus n’est pas très rigolo dans cet évangile que je viens de proclamer. Il nous rappelle quand même quelques vérités : la première, nous ne sommes pas Dieu. Nous devrions être déjà très heureux de le servir en collaborant à son œuvre. Combien de fois, lisons-nous, particulièrement dans les psaumes, que toute la création, et donc nous-mêmes, n’est qu’un grain de sable par rapport à Dieu ? Alors, calmons-nous le pompon, nous dit Jésus.

Quant à la réponse de Jésus à ses apôtres qui lui demandent d’augmenter leur foi, elle frise le mépris. Replaçons leur demande dans son contexte. Jésus vient de leur dire que, dans leurs communautés, il y aura des membres qui seront cause de scandale (en passant, nous pouvons comprendre la remarque de Jésus avec tous ces cas d’abus qu’on ne cesse de dévoiler). De plus, Jésus leur demande de toujours pardonner à ceux qui les auront offensés. « Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras (Lc 17, 4) ». Devant les scandales auxquels ils seront exposés et le pardon qu’ils devront accorder, je comprends très bien qu’ils demandent au Seigneur d’augmenter leur foi ! Combien ont quitté l’Église justement à cause des scandales que j’évoquais. Qui se sent capable de pardonner sans cesse ? Et Jésus qui ne trouve que, comme réponse, cette affirmation de la puissance de la foi, si petite soit-elle !

Est-ce que Jésus est conscient que croire n’est pas facile? Il n’y a pas que le pardon et les scandales. Il y a la vie avec sa fragilité, ses souffrances et ses épreuves. Il y a le monde avec sa méchanceté, sa haine et toutes ses injustices. La foi, ce n’est pas facile !

C’est l’expérience du prophète Habacuc qui a vécu au VIIe siècle avant notre ère. Il est le témoin impuissant de la violence sans mesure de l’empire des Babyloniens dont son peuple est la victime. Il en est profondément révolté d’où son appel au secours. Il n’en peut plus. Mais, pire que tout, il ne comprend pas le silence de son Dieu. « Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? Crier vers toi, sans que tu sauves ? »

Et Dieu va lui répondre, et vraiment lui répondre. Il prend au sérieux sa plainte. Il ne le blâmera pas de l’avoir mis au pied du mur. Il l’invite même à mettre par écrit sa vision, car ce dont Habacuc est le témoin se répétera jusqu’au temps du jugement. En effet, « chaque génération pourra y reconnaître la violence qu’elle observe dans sa propre actualité, elle pourra partager la révolte du prophète, mais aussi ses questions concernant l’absence de réaction de Dieu. La nôtre y compris. » Je me permets de citer les versets omis où Dieu promet la ruine qui attend immanquablement les violents.

« Ne vont-ils pas se dresser soudain, tes créanciers, et se réveiller, ceux qui te feront trembler ? Par eux, tu seras mis au pillage ! Comme tu as dépouillé de nombreuses nations, tout le reste des peuples te dépouillera à cause du sang de l’homme, à cause de la violence faite au pays, à la cité et à tous ses habitants. (Ha 2, 7-8)

Ainsi, même si l’anéantissement des violents se fait attendre, il ne manquera pas d’advenir – cela aussi, l’histoire l’enseigne. Mais que faire, entre-temps ? C’est au verset 4 que se lit la réponse : « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité ». Face à l’insoutenable, la révolte ne mène à rien, seule la confiance et la foi même vacillantes permettent d’apercevoir, à travers les terribles nuages de l’orage, une lueur et de continuer à marcher! Seule la foi permet de ne pas être totalement anéantis par la violence ou l’absurdité qui frappent!

La deuxième lettre de Timothée est intéressante à cet égard. Paul est en prison. Il sait que ses jours sont comptés. Malgré les difficultés qui, immanquablement, marqueront le ministère de Timothée, il l’invite à raviver le don gratuit de Dieu qu’il a reçu. Quel est donc ce don si ce n’est l’Esprit? « Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force et d’amour ». Si Paul demande à Timothée de réveiller l’Esprit en lui, c’est qu’il est peut être endormi, assoupi. Si avec Habacuc, Dieu nous fait comprendre qu’il aura le dernier mot et qu’il nous faut donc garder vive notre foi en lui, nous faisons un pas de plus avec Paul : l’Esprit nous est donné! S’il semble être plus ou moins recouvert de cendre, il est là. Il couve sous la cendre comme une braise qui n’attend qu’à nous embraser. Rien ne peut l’éteindre complètement car c’est l’Esprit de Dieu. Grâce à cet Esprit, comme Thimoté, nous pouvons porter notre lot de souffrances!

Et nous revoilà à l’Évangile avec la réponse de Jésus à ses disciples pour le moins surprenante! En fait, je me demande s’il n’est pas possible d’interpréter la réponse de Jésus sur la foi comme un encouragement. Comme si Jésus disait, ‘vous avez raison de demander plus de foi, mais sachez que la foi, si petite soit-elle, est capable de faire des choses qui semblent impossibles, impensables, folles même’. La foi, même toute petite, est comme une tornade! Elle peut déraciner un arbre puissant aux fortes racines et le précipiter dans la mer. Si on attribue à Napoléon le dicton « le mot impossible n’est pas français », nous pourrions dire « avec la foi, rien d’impossible ». Je dis bien la foi. Pas une demande de magie. Jésus lui-même quand il eut faim dans le désert a refusé la proposition de Satan de changer les pierres en pain. Sur la croix, il a résisté à la tentation d’en descendre pour prouver qu’il était bien le Messie. La foi ce n’est pas chercher à s’évader de sa condition, mais essayer de la transformer, si possible, et surtout de continuer à marcher en sachant que la présence de Dieu en nous, la présence de son Esprit, est une force de vie et une énergie qui dynamise.

Chaque prédicateur a ses marottes. La mienne est de citer une prière de Saint John Henry Newman, qui sera déclaré docteur de l’Église par le pape Léon le 1er novembre.

Conduis-moi, douce lumière,
au milieu des ténèbres :
je t’en prie, conduis-moi.

La nuit est sombre, et je suis
loin de la maison :
je t’en prie, conduis-moi.

Veille sur mon chemin.
Je ne demande pas
à voir le but lointain :
un seul pas me suffit.

Un seul pas me suffit. Un seul pas à la fois! C’est cela la foi! Un pas à la fois même s’il coûte! Telle est la foi, qui, un pas à la fois, peut déplacer les montagnes. Au-delà des découragements, elle nous rend capables de travailler à créer une Église où les scandales n’ont plus leur place. Elle change notre cœur en le rendant capable de pardonner. Elle nous pousse à nous engager comme des serviteurs du Royaume. Elle nous tient debout intérieurement même quand la maladie ou l’épreuve semblent avoir raison de nous. C’est elle qui, ultimement, nous déracinera de ce monde de mort et de haine pour nous transplanter dans la bonne terre du Paradis. Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
dans ta tendresse inépuisable,
combles ceux qui t’implorent,
bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ;
répands sur nous ta miséricorde
en délivrant notre conscience de ce qui l’inquiète
et en donnant plus que nous n’osons demander.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.