7 septembre 2025
Porter nos croix ensemble
Aujourd’hui, le frère Mateus Domingues da Silva, O.P., nous explique ce que signifie « porter sa croix » et faire l’expérience de la souffrance tout en suivant le Christ.

LIVRE DE LA SAGESSE (9, 13-18)
Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées.
Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ?
C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE À PHILÉMON (9b-10.12-17)
Bien-aimé, moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus, j’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ. Je te le renvoie, lui qui est comme mon cœur. Je l’aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l’Évangile. Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers.
S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c’était moi.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (14, 25-33)
En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
« Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !”
« Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
« Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Homélie
Tôt ou tard, chaque être humain doit affronter l’expérience de la souffrance. Elle peut prendre la forme d’une maladie grave, d’un accident imprévu, de la mort, de l’absence prévue ou imprévue ou de la séparation d’un proche – l’évangéliste cite « père », « mère », « enfants », « frères » et « sœurs », et la liste pourrait être allongée sans fin.
La souffrance peut aussi venir des conséquences d’une faute ou d’une erreur, de malentendus persistants, de la persécution, de l’exil, de situations de détresse sociale, ou encore de blessures intérieures difficiles à nommer. Dans tous ces cas, une question se pose : que faire face à la souffrance ?
Certains choisissent la révolte. Ils protestent contre l’injustice de la situation. Cette réaction exprime une légitime indignation, mais elle enferme souvent la personne dans une tension qui intensifie encore la douleur, jusqu’à l’épuisement ou au désespoir.
D’autres se replient dans le silence et l’isolement. Ils se consacrent uniquement à leur peine, refusant tout réconfort et toute parole. Cette posture a quelque chose de noble et d’altruiste, mais elle menace d’autodestruction.
D’autres encore se définissent comme victimes : ils exhibent leur malheur, recherchant la compassion du monde entier. Il y a là un désir de justice et un cri sincère, mais le risque est de transformer la souffrance en instrument de manipulation, qui empêche de grandir.
Jésus appelle ses disciples à une attitude différente. Le chrétien ne doit pas aimer la souffrance ni la rechercher, ni pour lui ni pour les autres. À la suite de Jésus, il est appelé à lutter de toutes ses forces contre ce qui détruit la vie. Mais lorsque la souffrance devient inévitable, il s’agit alors de « porter sa croix ».
Cette expression ne désigne pas une résignation stoïcienne ni une résignation fataliste, pas plus qu’une explication artificielle qui verrait en toute douleur une punition ou une épreuve imposée du dehors. Le Dieu prêché par Jésus n’est pas un tyran cruel qui tirerait plaisir de la douleur. L’Évangile de Jésus refuse toute conception de ce type.
« Porter sa croix » signifie découvrir, au cœur même de l’épreuve, la possibilité de vivre une vérité plus profonde. La souffrance reste une réalité à combattre, mais, vécue ainsi, elle devient le lieu où s’exprime l’espérance la plus radicale et la communion la plus authentique avec les autres qui souffrent. Elle arrache à l’illusion de l’autosuffisance et ouvre à la solidarité.
Dans cette perspective, la croix est le contraire de l’égoïsme. L’égoïsme cherche son propre bien en rompant avec autrui. Porter sa croix, c’est au contraire s’ouvrir avec confiance à l’humanité, partager le poids de l’existence, et se tenir aux côtés des frères et sœurs en humanité dans l’absence de bonheur et de sens. La croix devient alors non pas le signe d’un destin subi, mais l’espace où la vie humaine, dépouillée de ses illusions, peut être donnée et reçue dans telle qu’elle est.
Fr. Mateus Domingues da Silva, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
par toi nous vient la rédemption,
par toi nous est donnée l’adoption filiale ;
dans ta bonté, regarde avec amour tes enfants ;
à ceux qui croient au Christ,
accorde la vraie liberté et la vie éternelle en héritage.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.