18 mai 2025
Aimez-vous comme je vous ai aimés
Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous présente le rêve que Jésus nous à apporté et dont nous parlent les lectures du jour, un idéal relationnel entre Dieu et toute l’humanité et au sein de l’humanité elle-même : l’Amour !

LIVRE DES ACTES DES APÔTRES (14, 21b-27)
En ces jours-là, Paul et Barnabé, retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche de Pisidie ; ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. » Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui.
Ils traversèrent la Pisidie et se rendirent en Pamphylie. Après avoir annoncé la Parole aux gens de Pergé, ils descendirent au port d’Attalia, et s’embarquèrent pour Antioche de Syrie, d’où ils étaient partis ; c’est là qu’ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils avaient accomplie.
Une fois arrivés, ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN (21, 1-5a)
Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari.
Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. »
Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (13, 31-33a.34-35)
Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
« Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Homélie
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Dans l’évangile de Jean, Jésus ne propose qu’un commandement, celui de l’amour. Quelle chance nous avons ! Ce commandement correspond à notre désir le plus profond. Qu’est-ce qu’une vie sans amour ? Et je ne parle pas que de la vie de couple. L’amour est ce soleil qui permet aux fleurs que nous sommes de s’épanouir. Les poètes ont chanté beaucoup mieux que moi l’amour. Et c’est justement le commandement du Seigneur, nous aimer les uns les autres.
Il ajoute ‘comme je vous aimés’. Tout de suite, nous percevons de quel amour il s’agit. Un amour sans limite, un amour sans frontière. Un amour qui, comme le sien, est capable d’écouter, d’accompagner, de pardonner. Un amour qui prend la place du serviteur au point de laver les pieds de ses disciples. Un amour capable de se donner pour ceux que l’on aime. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Cet amour n’est pas qu’un vague sentiment, un feeling. C’est un engagement qui passe par les mains, les pieds, le temps. Les belles paroles ne suffisent pas. Ce petit ‘comme’ vient sans doute refroidir nos ardeurs et nous rappeler nos limites et la dureté de nos cœurs. Pourtant son commandement est limpide : aimer comme il a aimé les siens, et comme, encore aujourd’hui, il nous aime. Est-ce possible ?
Avant d’aller plus loin, je me permets de modifier la phrase en changeant l’ordre des propositions. Ainsi, ‘aimez-vous les uns les autres, comme je vous aimés’ devient ‘comme je vous aimés, aimez-vous les uns les autres’. Le ‘comme’ peut alors être interprété d’une manière causale : parce que je vous aimés, aimez-vous les uns les autres. Parce que je vous ai aimés, que mon amour transforme vos cœurs. Le soir de Pâques, n’ai-je pas répandu sur l’Église naissante son Esprit ? Vivez donc de mon Esprit, vivez de mon Esprit d’amour. Il vous habite comme il m’a habité. D’ailleurs, comment vivre sans aimer si nous nous réclamons de lui ? Ce sera l’un des enjeux de la première lettre de Jean.
Dans les premières phrases de l’évangile de ce jour, nous entendons Jésus utiliser le mot ‘glorifier’ de différentes façons. Tantôt, c’est Jésus qui glorifie le Père. Tantôt, c’est le Père qui le glorifiera. Comment Jésus peut-il glorifier le Père si ce n’est en le révélant, en le manifestant, en étant son visage. Et quel est ce visage si ce n’est celui de l’amour ? « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils non pour le condamner, mais pour qu’il ait la vie et la vie en plénitude ». Quant à Jésus, par sa résurrection, le Père manifestera qu’il est celui qui prétend être. Il est la révélation de son amour. Le Père rendra victorieux l’amour du Seigneur pour le monde, pour ses brebis. Amour révélant le Père. Le Père révélant à son tour l’amour victorieux donné pour nous en Jésus. Tout n’est qu’amour au point que saint Jean dira : ‘Dieu est amour’.
Aimez-vous donc les uns les autres comme je vous aimés, non seulement pour vous, non seulement parce que l’amour est la seule véritable raison de vivre qui vaille la peine, mais pour que le monde croie, pour que tous les oiseaux du ciel viennent se réfugier dans le magnifique arbre de la communauté chrétienne. Alors que le ‘je, me, moi’ domine dans notre société, alors qu’un grand nombre de personnes sont tellement isolées qu’elles sont sans attache, le besoin d’un lieu, d’un espace, d’une communauté où chacun, chacune peut être accueilli, entendu, écouté, accepté, en somme, être aimé, me semble criant. Les jeunes, qui découvrent la foi, vivent l’expérience de la joyeuse appartenance à la communauté de disciples. Et cela est important pour eux. Je vois ces jeunes universitaires qui viennent ici à la messe le dimanche soir et qui se retrouvent au centre étudiant pour un bon repas. Ils y vont, non seulement parce qu’ils ont trouvé une communauté de prières, mais aussi une communauté de frères et sœurs où ils se sentent accueillis.
La première lecture nous fait entrevoir une communauté chrétienne dont l’amour est tel qu’elle ne connaît pas de limite. Ce récit permet le passage entre l’annonce de la Bonne Nouvelle aux communautés de la diaspora juive à l’ensemble des païens. Dieu n’est pas que le Dieu des Juifs. Il est le Dieu de tout être humain. Déjà nous pouvons entendre Paul affirmant « qu’il n’y a plus ni juif, ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28). Amour sans limite, communauté chrétienne sans limite. Un rêve me direz-vous ? Mais un rêve que nous célébrons bien humblement dans chacune de nos eucharisties et que nous espérons de tout notre cœur !
Un jour notre rêve d’une véritable communauté dans l’amour se réalisera comme le montre la deuxième lecture extraite du livre de l’Apocalypse dans l’image prophétique de la Jérusalem nouvelle descendant du ciel. L’ancien monde fait place à un nouveau monde inauguré par la résurrection du Christ. Les antagonismes, les luttes de pouvoir font place à la solidarité entre les êtres humains et à l’amour. Cette Jérusalem qui descend du ciel, cette demeure de Dieu avec l’ensemble de l’humanité, avec tous les peuples, sera une demeure de paix où l’amour sera la Loi. Il n’y aura plus de larme, plus de deuil, ni de cri, ni de douleur : la mort sera vaincue ! C’est là où Dieu peut réaliser son rêve qui était le sien depuis le tout début de la Genèse lorsqu’il se promenait dans ce que nous appelons le paradis terrestre à la recherche d’Adam et d’Ève. Enfin Dieu pourra demeurer avec les humains et devenir leur Dieu.
Notre défi consiste de vivre dans l’horizon de ce monde nouveau qui vient. Il s’agit de construire peu à peu, malgré les ressacs de l’histoire, malgré les ressacs de nos vies, des communautés toujours plus vivantes, animées de l’amour qui nous fait vivre.
Aimer comme Jésus, aimer parce que Jésus nous a aimés. Aimer parce que Dieu est amour peut paraître complètement utopique, complètement irréaliste. Mais Pâques a brisé toutes les limites que nous impose une soi-disant réalité. Si nous croyons vraiment que le Christ est ressuscité, qu’il est vivant, qu’il continue de répandre son Esprit sur nous et sur le monde, soyons réalistes. Croyons en son amour. Vivons de son amour. N’ayons pas peur, nous sommes, comme il le dit dans l’Évangile, ses petits-enfants.
Alors que nous faisons mémoire de l’amour du Seigneur qui nous a tout donné en rompant le pain et en partageant la coupe, dans l’attente de sa manifestation glorieuse où tout l’univers sera enfin réconcilié en Dieu, vivons de cet amour. Qu’il devienne nôtre, qu’il devienne source de notre agir pour qu’en nous voyant, nous ses disciples, d’autres soient atteints de cette heureuse blessure de l’amour du Christ pour eux ou pour elles. Amen.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
continue d’accomplir en nous le mystère pascal ;
soutiens et protège ceux que tu as voulu renouveler
dans le saint baptême :
qu’ils portent beaucoup de fruits
et parviennent aux joies de la vie éternelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.