Homélie, 4ème dimanche de Pâques C

11 mai 2025

Une Parole vivante

En ce quatrième dimanche du Temps pascal, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous explique comment la première lecture du jour nous révèle le visage de la Parole de Dieu, cette Parole vivante, cette Bonne Nouvelle qui voyage.

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Homélie

Jeudi, dans son discours du balcon, Léon XIV a dit : Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire. Et vendredi, dans son homélie : La mission est urgente. La 1ère lecture (Actes) nous parle d’un tel défi, aux origines même de l’Église. Elle nous en apprend beaucoup sur cette mission, sur ses conditions et sa réalité, aujourd’hui comme hier. Je m’attarderai plus sur ce 1er texte, très inspirant.

Nous y voyons Paul et Barnabé en plein travail d’évangélisation dans une ville de Pisidie, à Antioche. Et nous voyons que leur activité suscite des réactions fortes. On pourrait croire qu’ils sont les héros de cette histoire. Mais en fait, c’est un autre personnage qui est au centre de ce récit et qui est mentionné quatre fois (v. 44, 46, 48, 49): la Parole, Parole du Seigneur, Parole de Dieu. Cette Parole semble vivante : elle attire, elle est communiquée, on lui rend gloire, elle se répand. Une Parole qui circule, qui surprend, qui choque certains et qui en réjouit d’autres. Et cette Parole, c’est celle du Seigneur : c’est pourquoi elle transmet une Bonne Nouvelle.

Cette Parole, elle a des traits particuliers, un visage bien à elle.

– D’abord, elle n’aime pas voyager seule, elle préfère être en compagnie. C’est Paul et Barnabé qui l’annoncent. Il est rare, dans les Actes, qu’elle soit portée et communiquée par une seule personne. Ce sont des équipes, des groupes, des couples, des communautés qui la font circuler d’une ville à l’autre.

– Cette Parole, elle ne va pas de soi; elle n’est ni facile ni évidente. Elle pose question, elle appelle à changer, à s’ouvrir à un chemin de bonheur, un chemin surprenant. Aussi il est normal qu’elle puisse être accueillie, ou refusée, ou qu’elle laisse dans l’incertitude. Dans notre texte, elle suscite la joie des uns et l’hostilité des autres, comme aujourd’hui encore.

De plus, ce 1er accueil ou refus n’est pas garanti, car elle revient s’offrir tout au long de nos vies, au moment de crise comme aux temps tranquilles. Paul lui-même l’a déjà refusée et combattue, et maintenant le voici qui en est le porteur et se consacre à son rayonnement. Cela dit aussi que pour l’annoncer, il faut d’abord l’avoir accueillie, comme Paul et Barnabé, être devenus disciples, avoir reçu cette Parole comme une réponse à une vraie quête, l’avoir laissée toucher notre vie.

– Un autre trait de cette Parole vivante, c’est qu’elle aime bien traverser les frontières. Elle n’aime pas être enfermée dans un monde restreint où tous sont pareils. Elle aime la diversité des visages humains et des cultures. Dans le texte des Actes, elle rejoint des juifs, puis des païens convertis déjà au judaïsme et aussi des païens tout court : des gens qui sont très différents par leur mentalité et leur mode de vie. Il y a quelque chose d’universel dans cette Parole, qui rejoint l’être humain radicalement, au cœur de son désir. Aussi est-elle capable, si on lui en donne la chance, de parler tous les langages humains, pour se communiquer. Et rien ne lui plaît tant que de susciter des rapprochements, des rencontres entre ces gens différents. C’est ce qu’elle fait : elle crée des liens fraternels, elle bâtit des communautés, elle construit des ponts (Léon XIV).

– Autre trait : cette Parole ne circule pas dans les airs, hors de la portée de chacun. Si elle réussit, dans ses trajets, à toucher des gens, c’est parce qu’elle passe par les réseaux humains les plus variés, les plus habituels. Ici dans les Actes, une assemblée, à la fois religieuse et ethnique, le jour du sabbat; ailleurs des lieux de travail, des maisonnées, des places publiques, des associations, des groupes d’amis. Dans le Nouveau Testament, on se promène en tous ces lieux et réseaux où des gens se rassemblent, se rencontrent, communiquent. Paul et Barnabé l’ont très bien compris. Pour que la Parole se répande, l’élan enthousiaste ne suffit pas : il faut aussi une attention aux réseaux de relations humaines, propres à un milieu, une compréhension des dynamiques d’une société, d’une culture.

Voilà déjà plusieurs conditions pour la mission : équipe, diversité des réactions, traversée des frontières, langages variés, réseaux des relations. Mais quel est le secret de cette Parole pour qu’elle soit si vivante et touche les gens? Si elle questionne, rejoint, appelle, c’est qu’elle est plus qu’une information à transmettre, même pertinente; plus qu’un sentiment personnel à exprimer, même profond; plus qu’une belle idée à saisir, même éclairante. Cette Parole, elle est Quelqu’un, le Verbe de vie, qui a fait sa demeure parmi nous et qui n’a d’autre moyen de se transporter que le mouvement de ceux et celles qu’habite son Esprit, i.e. nous-mêmes.

Cette Parole, le texte de l’Apocalypse la présente comme un Agneau, et un Agneau bien étrange puisqu’il sera leur Pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et l’Évangile de Jean nous en parle comme d’un Pasteur bon, avec une voix unique, à écouter et à suivre. Cette Parole, cette voix, donne une vie qui demeure, une vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Une Parole fiable, Quelqu’un qui nous tient, qui nous soutient.

Une Église missionnaire a besoin de vocations, i.e. de porteurs, de voyageurs, qui fassent rayonner la Parole. Quand nous regardons nos propres parcours, notre propre vocation, comment cette Parole est-elle venue jusqu’à nous, pour nous toucher et nous mettre en route? Et vers qui sommes-nous envoyés, en mission, pour que cette Parole circule dans des réseaux humains et suscite encore questions et joie?

En cette eucharistie, rendons grâce pour celui qui a été choisi au service de la communion et de la mission de l’Église. Et rendons grâce pour la Parole du Seigneur, qui est notre guide, notre Pasteur, et notre pain de vie. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
guide-nous jusqu’au bonheur du ciel ;
que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse,
là où son Pasteur est entré victorieux.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.