11 mai 2025
Une Parole vivante
En ce quatrième dimanche du Temps pascal, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous explique comment la première lecture du jour nous révèle le visage de la Parole de Dieu, cette Parole vivante, cette Bonne Nouvelle qui voyage.

LIVRE DES ACTES DES APÔTRES (13, 14.43-52)
En ces jours-là, Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu.
Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les Juifs virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »
En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région.
Mais les Juifs provoquèrent l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN (7, 9.14b-17)
Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main.
L’un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux.
« Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (10, 27-30)
En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
« Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »
Homélie
Jeudi, dans son discours du balcon, Léon XIV a dit : Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire. Et vendredi, dans son homélie : La mission est urgente. La 1ère lecture (Actes) nous parle d’un tel défi, aux origines même de l’Église. Elle nous en apprend beaucoup sur cette mission, sur ses conditions et sa réalité, aujourd’hui comme hier. Je m’attarderai plus sur ce 1er texte, très inspirant.
Nous y voyons Paul et Barnabé en plein travail d’évangélisation dans une ville de Pisidie, à Antioche. Et nous voyons que leur activité suscite des réactions fortes. On pourrait croire qu’ils sont les héros de cette histoire. Mais en fait, c’est un autre personnage qui est au centre de ce récit et qui est mentionné quatre fois (v. 44, 46, 48, 49): la Parole, Parole du Seigneur, Parole de Dieu. Cette Parole semble vivante : elle attire, elle est communiquée, on lui rend gloire, elle se répand. Une Parole qui circule, qui surprend, qui choque certains et qui en réjouit d’autres. Et cette Parole, c’est celle du Seigneur : c’est pourquoi elle transmet une Bonne Nouvelle.
Cette Parole, elle a des traits particuliers, un visage bien à elle.
– D’abord, elle n’aime pas voyager seule, elle préfère être en compagnie. C’est Paul et Barnabé qui l’annoncent. Il est rare, dans les Actes, qu’elle soit portée et communiquée par une seule personne. Ce sont des équipes, des groupes, des couples, des communautés qui la font circuler d’une ville à l’autre.
– Cette Parole, elle ne va pas de soi; elle n’est ni facile ni évidente. Elle pose question, elle appelle à changer, à s’ouvrir à un chemin de bonheur, un chemin surprenant. Aussi il est normal qu’elle puisse être accueillie, ou refusée, ou qu’elle laisse dans l’incertitude. Dans notre texte, elle suscite la joie des uns et l’hostilité des autres, comme aujourd’hui encore.
De plus, ce 1er accueil ou refus n’est pas garanti, car elle revient s’offrir tout au long de nos vies, au moment de crise comme aux temps tranquilles. Paul lui-même l’a déjà refusée et combattue, et maintenant le voici qui en est le porteur et se consacre à son rayonnement. Cela dit aussi que pour l’annoncer, il faut d’abord l’avoir accueillie, comme Paul et Barnabé, être devenus disciples, avoir reçu cette Parole comme une réponse à une vraie quête, l’avoir laissée toucher notre vie.
– Un autre trait de cette Parole vivante, c’est qu’elle aime bien traverser les frontières. Elle n’aime pas être enfermée dans un monde restreint où tous sont pareils. Elle aime la diversité des visages humains et des cultures. Dans le texte des Actes, elle rejoint des juifs, puis des païens convertis déjà au judaïsme et aussi des païens tout court : des gens qui sont très différents par leur mentalité et leur mode de vie. Il y a quelque chose d’universel dans cette Parole, qui rejoint l’être humain radicalement, au cœur de son désir. Aussi est-elle capable, si on lui en donne la chance, de parler tous les langages humains, pour se communiquer. Et rien ne lui plaît tant que de susciter des rapprochements, des rencontres entre ces gens différents. C’est ce qu’elle fait : elle crée des liens fraternels, elle bâtit des communautés, elle construit des ponts (Léon XIV).
– Autre trait : cette Parole ne circule pas dans les airs, hors de la portée de chacun. Si elle réussit, dans ses trajets, à toucher des gens, c’est parce qu’elle passe par les réseaux humains les plus variés, les plus habituels. Ici dans les Actes, une assemblée, à la fois religieuse et ethnique, le jour du sabbat; ailleurs des lieux de travail, des maisonnées, des places publiques, des associations, des groupes d’amis. Dans le Nouveau Testament, on se promène en tous ces lieux et réseaux où des gens se rassemblent, se rencontrent, communiquent. Paul et Barnabé l’ont très bien compris. Pour que la Parole se répande, l’élan enthousiaste ne suffit pas : il faut aussi une attention aux réseaux de relations humaines, propres à un milieu, une compréhension des dynamiques d’une société, d’une culture.
Voilà déjà plusieurs conditions pour la mission : équipe, diversité des réactions, traversée des frontières, langages variés, réseaux des relations. Mais quel est le secret de cette Parole pour qu’elle soit si vivante et touche les gens? Si elle questionne, rejoint, appelle, c’est qu’elle est plus qu’une information à transmettre, même pertinente; plus qu’un sentiment personnel à exprimer, même profond; plus qu’une belle idée à saisir, même éclairante. Cette Parole, elle est Quelqu’un, le Verbe de vie, qui a fait sa demeure parmi nous et qui n’a d’autre moyen de se transporter que le mouvement de ceux et celles qu’habite son Esprit, i.e. nous-mêmes.
Cette Parole, le texte de l’Apocalypse la présente comme un Agneau, et un Agneau bien étrange puisqu’il sera leur Pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et l’Évangile de Jean nous en parle comme d’un Pasteur bon, avec une voix unique, à écouter et à suivre. Cette Parole, cette voix, donne une vie qui demeure, une vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Une Parole fiable, Quelqu’un qui nous tient, qui nous soutient.
Une Église missionnaire a besoin de vocations, i.e. de porteurs, de voyageurs, qui fassent rayonner la Parole. Quand nous regardons nos propres parcours, notre propre vocation, comment cette Parole est-elle venue jusqu’à nous, pour nous toucher et nous mettre en route? Et vers qui sommes-nous envoyés, en mission, pour que cette Parole circule dans des réseaux humains et suscite encore questions et joie?
En cette eucharistie, rendons grâce pour celui qui a été choisi au service de la communion et de la mission de l’Église. Et rendons grâce pour la Parole du Seigneur, qui est notre guide, notre Pasteur, et notre pain de vie. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
guide-nous jusqu’au bonheur du ciel ;
que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse,
là où son Pasteur est entré victorieux.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.