27 avril 2025
La paix et la foi soient avec vous!
En ce deuxième dimanche de Pâques, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous transmet le message de paix et de miséricorde du Christ que l’évangile de Jean nous dédie, nous les croyants qui avons peur, qui hésitons et qui cherchons encore à fortifier notre foi.

LIVRE DES ACTES DES APÔTRES (5, 12-16)
À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient dans le peuple.
Tous les croyants, d’un même cœur, se tenaient sous le portique de Salomon. Personne d’autre n’osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge ; de plus en plus, des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachaient au Seigneur.
On allait jusqu’à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des civières et des brancards : ainsi, au passage de Pierre, son ombre couvrirait l’un ou l’autre. La foule accourait aussi des villes voisines de Jérusalem, en amenant des gens malades ou tourmentés par des esprits impurs. Et tous étaient guéris.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN (1, 9-11a.12-13.17-19)
Moi, Jean, votre frère, partageant avec vous la détresse, la royauté et la persévérance en Jésus, je me trouvai dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus.
Je fus saisi en esprit, le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, pareille au son d’une trompette. Elle disait : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. »
Je me retournai pour regarder quelle était cette voix qui me parlait. M’étant retourné, j’ai vu sept chandeliers d’or, et au milieu des chandeliers un être qui semblait un Fils d’homme, revêtu d’une longue tunique, une ceinture d’or à hauteur de poitrine. Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, ce qui va ensuite advenir. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (20, 19-31)
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Homélie
C’est aujourd’hui le dimanche de la miséricorde. Le pape François, dont les funérailles ont été célébrées hier, fut un témoin privilégié de cette miséricorde par ses paroles et par ses gestes auprès de tant de personnes, de communautés, de peuples, favorisant la fraternité entre tous, fratelli tutti. En septembre 2023 à Marseille, lors des Rencontres méditerranéennes sur les migrants, il disait : « Proximité, compassion, tendresse… Ne laissez jamais ceux qui souffrent manquer de votre proximité, attentive et discrète« . Les migrants, les prisonniers et les malades, et la terre elle-même, notre maison commune, ont particulièrement bénéficié de sa proximité attentive.
Le pape François fut aussi un témoin de la foi, du croire, ce dont nous parle l’évangile de Jean où deux rencontres de Jésus le Ressuscité avec ses disciples sont présentées. Il y a celle, célèbre, avec Thomas le sceptique, qui veut voir et toucher pour croire ; mais d’abord il y a celle avec les disciples, sans Thomas. Des disciples rassemblés le 1er jour de la semaine, comme nous, mais plus craintifs que nous, car les portes sont barrées. Ils se méfient, ils ont peur. De qui ? Des autres, de ceux qui ne partagent pas leur foi. On les comprend quand même un peu. Ils ne sont pas prêts pour la mission, pour annoncer. Qu’est-ce qui leur manque ? Ils n’ont pas de souffle, ils ont besoin d’être renouvelés du dedans pour devenir capables d’être témoins. Comme nous.
Et c’est ce que le Christ ressuscité va faire pour eux, en eux. Il va les envoyer en mission ; il va faire de ces disciples des apôtres, i.e. des envoyés. Et pour cela, Jésus va souffler sur eux, leur donner son souffle, qui est l’Esprit, qui est lui-même présent en eux, autrement, comme un souffle intérieur. Et quand cet Esprit anime des disciples de l’intérieur, ils deviennent responsables, ils ont une autorité, remise à tous les disciples rassemblés, celle de lier et délier ; celle d’appeler à suivre le Christ et à accueillir son pardon. Cette scène ressemble étrangement à celle de la création dans la Genèse, où Dieu souffle et crée l’être humain à son image. Ici, c’est comme si les disciples, par le don de l’Esprit, étaient recréés, cette fois-ci à l’image du Fils, car c’est son Esprit qu’ils reçoivent.
Un signe de la présence du Christ vivant est la paix qui l’accompagne. Par deux fois Jésus la souhaite, la donne à ses disciples rassemblés. Cette paix, qui brise la crainte, l’enfermement, qui pacifie ces lieux en nous-mêmes remplis d’inquiétudes et de méfiances. Cette paix qui n’est pas comme celles que le monde offre, qui ne durent pas et camouflent les injustices. Cette paix du Christ n’enlève pas les souffrances et les défis. Elle garde les yeux ouverts. Mais elle installe en nous une source d’eau vive à laquelle aller se rafraîchir, pour faire face aux divers désordres et sécheresses qui nous assaillent.
Cette paix, on la retrouve mentionnée à nouveau dans la scène avec Thomas, celui qui passe du doute au croire, personnage qui ressort des Évangiles, comme Pierre le fougueux inconstant, Judas celui qui trahit, ou le disciple bien-aimé qui interprète les signes. Thomas, d’où son attrait pour nous, n’est pas un modèle comme ce disciple qui voit ce qui n’est pas visible. Il ne peut adhérer qu’à ce qu’il peut voir et toucher. Déjà dans Jean, c’est lui qui avait dit à Jésus annonçant son départ (Jn 14,5) : Nous ne savons pas où tu vas, comment saurions-nous le chemin ? Réaction de bon sens mais un peu étroite ! Mais Thomas est capable aussi d’élan et de don, même quand il ne comprend pas Jésus. Quand celui-ci annonce la mort de Lazare, Thomas dit (11,16) : Allons et mourons avec lui.
Et en plus, ici, Thomas ne se fie pas à la parole des autres ; il ne se fie qu’à lui-même, à ses perceptions. En cela il nous ressemble, gens du 21e siècle, souvent enfermés dans notre petit monde individuel, n’acceptant que ce qui est immédiat, vérifiable, et niant tout ce qui nous dépasse un peu. Comme si la réalité n’était que ce qui nous entoure, comme si n’était vrai que ce qui se prouve, ce qui est concret, tout de suite.
Et bien, ce Thomas, il est une figure encourageante, car il va finalement dépasser ses blocages, il va vivre le passage à une foi vivante et personnelle. Et sa confession de foi est la plus forte de l’évangile de Jean : mon Seigneur et mon Dieu. Et il ne touche pas Jésus, il n’a plus besoin : ses yeux de croyant se sont ouverts. C’est la parole de Jésus (cesse d’être incrédule et deviens croyant) et sa présence de paix qui l’amènent à croire.
Mais le plus beau de ce récit, en un sens, est la béatitude qui le termine. Les disciples et même Thomas finalement deviennent croyants au Christ vivant, mais cette expérience ne leur est pas réservée. Cette béatitude, elle est pour nous : Heureux ceux qui croient sans avoir vu. C’est de nous qu’il s’agit ici, nous à qui la parole de Jésus, sa présence et sa paix sont toujours accessibles, à qui aussi le témoignage des autres est accessible. Ces signes ont été écrits pour que vous croyez et qu’en croyant, vous ayez la vie : Jean s’adresse à ses lecteurs. Ce vous, aujourd’hui, c’est qui ? C’est à nous qu’il s’adresse.
Rassemblés en ce premier jour de la semaine, heureux sommes-nous de croire sans tout voir. De recevoir le souffle qui nous recrée et nous envoie, de recevoir cette paix qui donne confiance. Rendons grâce au Dieu vivant pour tous les croyants, comme le pape François, qui nous ont transmis la joie de l’Évangile. Et rendons grâce par Jésus le ressuscité, le Premier et le Dernier, le Vivant, présent au milieu de nous en sa parole, en notre assemblée fraternelle et dans le pain et la coupe partagés. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu d’éternelle miséricorde,
chaque année, par les célébrations pascales,
tu ranimes la foi du peuple qui t’est consacré :
fais grandir le don de ta grâce,
afin que tous comprennent vraiment quel baptême les a purifiés,
quel Esprit les a fait renaître, et quel sang les a rachetés.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.