Homélie, vendredi dans l’octave de Pâques C

25 avril 2025

La pêche pastorale

Aujourd’hui, le frère Ghislain Paris, O.P., nous invite à lire le récit de la deuxième pêche miraculeuse d’un point de vue pastoral.

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Homélie

(Lecture de la première partie de l’évangile, versets 1-7)

Je ne suis pas un amateur de pêche, un pêcheur ni sportif ni professionnel, un pécheur (oui). Mais je suis un amateur d’histoires de pêche. J’aime bien écouter quelqu’un raconter ses exploits à la pêche. J’aime bien déceler le moment où ça dérape, où ça accroche, le moment où le conteur en met et en remet ! J’ai toujours ce reflexe-là en lisant l’évangile de ce matin.

Est-ce que c’est une vraie histoire de pêche ? Pierre et d’autres avec lui sont des professionnels. « Ils ont passé la nuit sans rien prendre ! » « Ils jetèrent le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons » et bientôt, on lira : « le filet plein de gros poissons : il y en avait 153 (cent cinquante-trois) ».

Non seulement, c’est une histoire de pêche, mais c’est aussi une histoire de pastorale, une vraie : la pastorale du premier siècle et nos projets de pastorale à nous. Les mailles du récit sont tricotées serrées. Il faut savoir prendre la mer des symboles pour être inspirés et pour aborder sur le rivage de la foi ! Voici comment faire !

Simon-Pierre prend l’initiative ; c’est le chef, le leader, le patron : « Je m’en vais à la pêche ! » et les autres le suivent : « Nous aussi, nous allons avec toi ». C’est une petite barque de 7. Pour nous, c’est un petit groupe, c’est peu. Pour eux, c’est parfait ! Dans nos petits groupes, dans nos projets actuels, nous retrouvons les mêmes personnalités : l’autorité – un évêque ou la Curie ou le pape lui-même/le douteur systématique – notre jumeau, Thomas (on l’a déjà fait ou essayé ; ça ne marchera pas)/le pur de ligne Nathanaël, qui sait tout, bien renseigné/les 2 fils du tonnerre, au tempérament assez fort – ils vont tout prendre en main/et enfin 2 anonymes, 2 recrues, 2 nouveaux qu’on a réussi à intéresser.

Et nous voilà à ramer tous ensemble, avec eux ! Nous nous sommes embarqués dans un projet d’Église. Et comme souvent, le projet de pastorale ne va nulle part, il tourne à vide ! On connaît la crise, une crise de nourriture. Nous avons passé la nuit sans rien prendre. Une pêche de nuit, dans la frustration et peut-être le découragement !

Au lever du jour, au petit matin, à l’improviste, un autre prend l’initiative, le relais. Il suggère de changer de direction. Et la pêche tourne à l’abondance. « Les enfants » (pas les adultes, les gens en formation, pas encore matures dans la foi). « Jetez le filet à droite » vers la bénédiction et « vous trouverez ».

Comme dans nos groupes, quelqu’un voit clair, il saisit la présence mystérieuse d’une autre dimension à l’œuvre. C’est le Seigneur. Il a pris les choses en main. « Le disciple que Jésus aimait dit à Pierre ». Et Pierre accepte le rôle de l’autre : pas de compétition, mais une complémentarité. Pierre se met au diapason avec la volonté d’un autre sur le rivage, par terre. Qui parle. Avant il jetait le filet, maintenant il se jette lui-même à l’eau… tout habillé ! Il reste dans son monde – la mer – mais il se laisse apprivoiser vers la terre !

(Lecture de la deuxième partie de l’évangile, versets 7-14)

Jésus guide Pierre, le transforme. Il avait plongé en pêcheur, il sort de l’eau comme un pasteur. Nous sommes initiés à une autre manière d’être et de travailler. Nos efforts doivent se concentrer autrement. Simon Pierre tire sur une terre inconnue le filet que les autres disciples aussi dans la barque avaient peine à bouger. Pierre ramène à terre le filet ; il le tire sans le déchirer : pas de schisme. « Malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré ». Les autres sont appelés à changer la dynamique de leurs efforts. Eux aussi vont agrandir leur vision, leur point de vue. Des gens de partout : 153 ! Il ne s’agit plus de pogner des gens, d’attraper des poissons. Il s’agit maintenant de dresser la table, de partager un repas, de nourrir des sujets, à partir de nos talents. L’aventure pastorale prend une tout autre dimension : se rassasier soi-même d’abord, et nourrir les autres ensuite. Contempler le Seigneur qui se donne dans le pain. Qui nous invite à faire de même !
Dites, si c’était vrai… cette histoire de pêche ou/et de pastorale en nos groupes. Encore maintenant, le Ressuscité ne nous appelle-t-il pas à vivre l’Église autrement ?!

Fr. Ghislain Paris, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
par le mystère pascal,
tu as rétabli l’humanité dans ton alliance ;
accorde-nous d’exprimer par nos actes
la foi que nos célébrations proclament.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.