15 avril 2025
Conduis-moi, Douce Lumière
Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à nous rassurer du fait que Jésus comprend nos souffrances et nos désespoirs, des plus mondains aux plus intenses, et à continuer de nourrir notre espérance avec la lumière que Jésus lui-même nous offre comme guide.

LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (49, 1-6)
Écoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs ! J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom. Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m’a protégé par l’ombre de sa main ; il a fait de moi une flèche acérée, il m’a caché dans son carquois.
Il m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur. » Et moi, je disais : « Je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. » Et pourtant, mon droit subsistait auprès du Seigneur, ma récompense, auprès de mon Dieu.
Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (13, 21-33.36-38)
En ce temps-là, au cours du repas que Jésus prenait avec ses disciples, il fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » Les disciples se regardaient les uns les autres avec embarras, ne sachant pas de qui Jésus parlait.
Il y avait à table, appuyé contre Jésus, l’un de ses disciples, celui que Jésus aimait. Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler. Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus lui répond : « C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote. Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Mais aucun des convives ne comprit pourquoi il lui avait dit cela. Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d’acheter ce qu’il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres. Judas prit donc la bouchée, et sortit aussitôt. Or il faisait nuit.
Quand il fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
« Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux Juifs : “Là où je vais, vous ne pouvez pas aller”, je vous le dis maintenant à vous aussi. »
Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard. » Pierre lui dit : « Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi ! » Jésus réplique : « Tu donneras ta vie pour moi ? Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m’aies renié trois fois. »
Homélie
La présence des disciples dans les Évangiles est pour moi, et j’imagine pour vous aussi, une grande source de réconfort. Ils ne sont pas parfaits. Ils ont beau suivre le Christ, mais, comme nous, ils sont lents à comprendre. Leurs réactions sont tellement semblables aux nôtres. Mais aujourd’hui, c’est Jésus qui manifeste qu’il partage notre humanité. Comme nous pouvons l’être, il est profondément perturbé. « Jésus fut bouleversé en son esprit » avons-nous entendu au tout début de notre évangile. Alors qu’il mangeait avec ses disciples, il voit Judas qui le trahira, Pierre qui le reniera pour, finalement, se retrouver seul, abandonné de tous. Comment ne pas être désemparé ?
Un tel bouleversement, dans l’Évangile de Jean, est mentionné à deux autres occasions. Rappelez-vous : alors qu’il est devant la tombe de son ami Lazare, non seulement pleure-t-il mais, le texte nous dit ‘qu’il fut profondément ému et bouleversé’ (Jn 11, 33). Ailleurs, alors qu’il pense au sort qui l’attend, il s’exclame : « Maintenant, mon âme est bouleversée » (Jn 12,27). Il faudra une voix venant du ciel pour le rassurer.
Ici, il ne s’agit pas des disciples qui seraient troublés mais de Jésus lui-même. À sa manière, le serviteur souffrant de la première lecture est lui aussi fortement découragé. « Et moi, je disais : ‘Je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces’ » (Is 49, 4).
Si Jésus et le serviteur souffrant peuvent éprouver de tels sentiments, combien nous aussi, devant les épreuves, pouvons-nous nous sentir abattus, découragés, déprimés ! Nous ne savons que trop que la foi ne nous retire pas de la condition humaine. Comme tous, nous portons notre lot de souffrances, d’échecs et d’adversités. J’ai presqu’envie de dire qu’en regardant Jésus nous avons le droit de nous sentir, à certains moments, découragés, démoralisées, déprimés.
Un souvenir. Lors du décès de ma mère, il y a un peu plus de 15 ans, j’ai reçu un message de sympathie d’un frère qui se concluait par ces mots : ‘sois convaincu que ta mère maintenant est comblée auprès du Père d’un amour que tu ne pourras jamais lui offrir’. Je le savais mais étaient-ce les meilleures paroles pour me consoler alors que j’étais en plein deuil et que j’avais fait tout ce que j’avais pu pour l’accompagner ? Rassurez-vous, ce frère n’est pas de notre province. La foi, en tous les cas pour moi, n’agit pas comme la baguette magique d’une bonne fée !
S’il y a un temps où nous sommes abattus n’oublions pas, toutefois, ce que nous dit saint Paul, « nous ne sommes pas sans espérance » (1 Th 4, 13). Jésus est troublé devant l’abîme qui s’ouvre devant lui mais il accepte de boire à la coupe, en communiant, par amour, à nos destins afin de nous conduire de nos ténèbres vers la vie, la paix et la joie véritables, que rien ni personne ne pourront nous ravir. Non seulement le Christ ouvre dans la noirceur de notre ciel une brèche de lumière, mais lui, qui a été profondément bouleversé, peut nous comprendre et s’offre pour porter avec nous notre joug.
Il y a quelque temps, on me remettait la très belle prière d’abandon du bienheureux Charles de Foucauld.
« Mon Père, je m’abandonne à toi,
fais de moi ce qu’il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
Pourvu que ta volonté se fasse en moi ».
Puis-je vous dire que cette prière me fait peur ? Je n’ai certainement pas atteint un tel niveau de sainteté et d’abandon pour faire de cette prière la mienne totalement. Personnellement, je me sens beaucoup plus vrai avec moi-même, plus authentique avec la prière du saint cardinal Newman dont je vous ai déjà parlé :
« Conduis-moi, douce Lumière,
À travers les ténèbres qui m’encerclent.
Conduis-moi, Toi, toujours plus avant !
[…]
Garde mes pas : un seul pas à la fois.
C’est bien assez pour moi ».
Un seul pas à la fois, c’est bien assez pour moi ! Malgré l’épreuve continuer à marcher. Le pas peut être très petit mais l’important est d’avancer. Marcher, toujours marcher. La lumière peut être faible, vacillante mais avancer même d’un pas parce que nous croyons que, comme le dit Isaïe, Dieu a fait de son serviteur la lumière des nations pour que son salut parvienne jusqu’à nous, jusque dans nos ténèbres. Douce lumière conduis-nous toujours plus avant, un pas à la fois, vers ta Pâque et vers notre Pâque. Amen.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Accorde-nous, Dieu éternel et tout-puissant,
de célébrer les mystères de la passion du Seigneur
de telle sorte que nous obtenions le pardon.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.