Homélie, dimanche, 5e semaine du Carême

6 avril 2025

Va !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous parle de cette miséricorde de Jésus qui nous relève et nous pousse à aller de l’avant, pleins d’amour et d’espoir, vers l’avenir.

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Homélie

Sans approuver l’adultère, comment ne pas être choqué par le traitement infligé à cette femme victime de ces hommes aveuglés par leur haine pour Jésus ? Aucun souci pour cette femme ! Aucun souci pour la Loi elle-même qu’ils souhaitent voir appliquée dans toute sa rigueur. Elle n’est qu’un prétexte pour prendre au piège Jésus. Ou bien la Loi, ou bien la miséricorde ! En passant, où est l’homme, le comparse ? Si elle a été prise en flagrant délit, il devrait y avoir un homme ! Il semble s’être évanoui. N’oublions pas que, selon la Loi, tous les deux devaient être mis à mort.

Jésus n’est pas dupe. Il ne se laisse pas enfermer dans ce dilemme. Tout d’abord, il essaie de calmer le jeu en se penchant et en écrivant sur le sol. Et comme ses détracteurs insistent toujours, il leur lance cette parole qui les atteint en plein cœur comme une pierre et les terrasse : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ! » Jésus élargit le sens de la Loi. Celui qui exige une application rigoureuse de la Loi ne doit-il pas se l’appliquer à lui-même ? En outre, lapider c’est, en quelque sorte, prendre la place de Dieu en faisant disparaître le péché qui fait obstacle à son dessein. Mais, si on est lucide sur soi-même, qui peut tenir sous le regard de Dieu et, encore plus, prendre sa place ? Tous ne doivent-ils pas en appeler à la miséricorde de Dieu ? Par cette question, Jésus coince les accusateurs de la femme adultère en les renvoyant à leur vérité à la lumière de ce Dieu qu’ils veulent servir. Alors, ils quittèrent, l’un après l’autre, en commençant par les plus vieux !

Ne restent plus que Jésus et la femme. Comme le dit si bien saint Augustin « relicti sunt duo, misera et misericordia ». Ils ne restèrent plus que deux, la misère et la miséricorde. Entendons-nous, non une miséricorde exigeant aveu ou une demande de pardon, mais une miséricorde toute gratuite qui redresse, qui ne condamne pas et qui ouvre le chemin de la vie à cette femme qui ne voyait devant elle qu’un tas de pierres la conduisant à la mort. Va ! Va et désormais ne pèche plus ! Va et vis dans une nouvelle fidélité au Dieu de la vie.

Comme le dit le pape François, Jésus permet à cette femme « de se tourner vers l’avenir avec espérance et à être prête à se remettre en route. Désormais, si elle le désire, elle pourra “vivre dans l’amour” (cf. Ep 5, 2). Revêtue de la miséricorde, même si la condition de faiblesse du péché demeure, elle sera comme recouverte par l’amour qui permet de regarder plus loin et de vivre autrement ».

Va, je fais toute chose nouvelle pour toi. Combien de fois, ce commandement de Jésus résonne aux oreilles des paralytiques qu’il a guéris et de tous les pécheurs pardonnés ! Va, prends ton grabat et marche. J’aime beaucoup le sacrement de la réconciliation parce que justement j’entends le Seigneur me réitérer sa confiance en me disant « relève-toi, marche, va de l’avant, je suis toujours avec toi ». Va de l’avant.

Notre Dieu est un Dieu qui nous appelle à aller toujours de l’avant. Le passé c’est le passé. Dans le cas de la femme adultère, il était un passé qui emprisonnait, mais il peut être un passé glorieux comme le passage de la mer Rouge évoqué dans la première lecture. Le prophète Isaïe demande à ses compatriotes de ne pas s’attarder mélancoliquement aux hauts faits passés de Dieu, mais de croire que celui qui a libéré leurs pères est toujours à l’œuvre, même alors qu’ils sont exilés loin de la Terre promise.

En effet, le Dieu des déportés de Babylone n’est pas seulement le Dieu d’hier. Il est le Dieu d’aujourd’hui présent au creux de la mort que son peuple connaît. Il est également le Dieu de demain qui se prépare à lui rendre vie. Dieu est Dieu au point que la mort est le lieu où il travaille en secret pour que germe la vie nouvelle.

Saint Paul éprouvera dans sa vie même ce bouleversement qu’apporte Jésus. Nous savons qu’il était fidèle parmi les fidèles. Au moment de la lapidation du diacre Étienne, il était aux premiers rangs. Les lapideurs venaient même déposer leurs vêtements à ses pieds. Sa vie a été complètement bouleversée, retournée quand le Ressuscité lui est apparu sur le chemin de Damas. Ce n’est pas la Loi qui rend juste, mais l’amour du Christ pour le Père et pour nous. Ce n’est pas la Loi qui fait toute chose nouvelle, mais l’Esprit du Ressuscité. Au contraire, c’est à cause de la Loi que Jésus a été mis à mort. Voilà pourquoi Paul considère ce à quoi il croyait si fortement comme des ordures. Il a compris que c’est seulement le Christ qui permet à l’être humain d’atteindre sa plénitude. « Oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle dans le Christ Jésus ». Voilà pourquoi il veut saisir toujours davantage celui qui l’a saisi. Sa vie n’a pas pris fin avec la découverte de ce Jésus qu’il persécutait. Au contraire, il est lancé sur les routes du monde ! Va de l’avant, s’entend-il dire par le Christ ! Tu seras mon témoin auprès des païens.

Alors que nous approchons de la grande fête de Pâques, ces paroles, ce midi, sont pour nous des paroles de Résurrection. Nul n’est jamais rendu si loin, si bas que le regard de Jésus ne puisse l’atteindre et l’inviter à faire route à nouveau en changeant le cap de sa vie ! « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ! »

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Viens à notre secours, Seigneur notre Dieu :
accorde-nous de marcher avec joie
dans la charité de ton Fils
qui a aimé le monde jusqu’à donner pour lui sa vie.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.