25 mars 2025
L'Amour se communique à nous !
En cette fête de l’Annonciation du Seigneur, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique que l’Incarnation de Dieu fait partie de la réponse à la question de sa volonté et qu’elle est l’intersection entre la volonté de l’humain et la volonté divine.

LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (7, 10-14 ; 8, 10)
En ces jours-là, le Seigneur parla ainsi au roi Acaz : « Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu, au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. » Acaz répondit : « Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. »
Isaïe dit alors : « Écoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel, car Dieu est avec nous. »
LETTRE AUX HÉBREUX (10, 4-10)
Frères, il est impossible que du sang de taureaux et de boucs enlève les péchés. Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre.
Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (1, 26-38)
En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Homélie
Dans les lectures, il est beaucoup question de volonté et d’obéissance. Le roi Acaz ne veut pas désobéir à Dieu en le tentant. Le psaume est tout centré autour du thème de l’obéissance : « tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande, alors j’ai dit : voici que je viens ». La lettre aux Hébreux reprend littéralement le psaume pour l’appliquer au Christ Jésus qui dit lui-même qu’il est venu en ce monde pour faire la volonté de Dieu. Quant à l’évangile, celui-ci se termine par l’acquiescement de Marie à la volonté de Dieu exprimée par l’archange Gabriel en se présentant comme l’humble servante du Seigneur.
Ce thème de la volonté et de l’obéissance correspondante peut heurter les sensibilités contemporaines. Il me semble que la fête de l’Annonciation nous offre une merveilleuse occasion de nous interroger sur le sens de cette volonté divine.
Que célébrons-nous aujourd’hui ? Le oui de Marie ? D’accord, mais ne nous intéressons pas d’abord au projet auquel il lui est demandé de collaborer ? Et quel est ce projet de Dieu ? Aujourd’hui, le Verbe de Dieu se fait chair et comme nous le dirons dans le Credo, aujourd’hui « pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme’.
Quand nous affirmons que le Verbe s’est fait chair, nous disons beaucoup plus que Dieu a adressé une parole à l’humanité, si sublime soit-elle, ou qu’il lui a indiqué un chemin de vie ou encore qu’il lui a communiqué quelques vérités le concernant. Nous affirmons beaucoup plus, car nous soutenons que c’est Dieu lui-même, Dieu dans sa plénitude qui se communique. Le Dieu trois fois saint, le Dieu, ce mystère sacré, cet Au-delà de tout, s’autocommunique. Il ne donne pas quelque chose de différent de lui. L’homme Jésus est la communication que Dieu fait de lui-même. Non seulement Dieu se dit en Jésus, mais il se donne.
Telle est la sainte volonté de Dieu : dans son amour ineffable qui surpasse toute compréhension, par pure grâce, il se communique lui-même sans se perdre lui-même dans cette communication.
Nous pouvons même aller plus loin. Cette volonté de Dieu est l’accomplissement de ce premier projet de Dieu que fut la création de l’humanité. Qu’est l’être humain ? Comme saint Augustin le dit, « tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en toi ». Combien de philosophes, de penseurs et de sages ont compris que l’être humain, malgré ses limites et ses faiblesses, est habité par une soif de l’infini, par un désir qui ne peut être satisfait ultimement par le créé. L’être humain a été créé pour la rencontre avec Dieu, pour que l’incarnation se réalise. L’être humain est la question dont Dieu est l’unique réponse. Un grand théologien du XXe siècle ose affirmer : « Quand Dieu veut être non Dieu, l’homme apparaît ». Quand Dieu veut se donner dans la finitude, l’être humain advient.
Aujourd’hui, deux désirs se rencontrent : le désir de Dieu pour l’être humain et celui de l’être humain pour Dieu. Permettez-moi de me faire mathématicien. Que fait 1 divisé par 2 ? une demie ; 1/3 ? un tiers ; 1/10 ? un dixième ; 1/100 ? un centième ; 1/1 000 000 ? un millionième. Vous remarquez qu’au fur et à mesure que le dénominateur augmente, la fraction devient de plus en plus petite sans égaler 0. Les mathématiciens disent que le 1 sur quelque chose, tend vers 0 sans égaler 0. Ceci s’appelle en langage mathématique une asymptote.
On pourrait dire que le désir de l’être humain est tel qu’il souhaite s’approcher de Dieu, mais sans l’atteindre. Mais voici qu’en ce jour de l’annonciation, nous affirmons que l’asymptote est atteinte.
Si Dieu a modelé de la terre pour former Adam en lui insufflant le souffle de la vie, aujourd’hui, à partir de la terre vierge qu’est Marie, son Fils, par le souffle du Dieu vivant, devient l’un de nous.
Marie consent à accueillir celui qui sera pour Dieu le ‘Oui’ inconditionnel de l’humanité et pour nous le ‘Oui’ inconditionnel de Dieu, du Père qui devient notre Père.
Ainsi, aujourd’hui, comme Marie, Dieu nous invite à l’accueillir dans nos vies. Telle est sa volonté. Telle est sa joie ! Tel est notre désir ! Telle est notre joie !
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
tu as voulu que ton Verbe prît chair en toute vérité
dans le sein de la Vierge Marie ;
puisque nous reconnaissons en lui notre Rédempteur,
à la fois Dieu et homme,
accorde-nous d’être participants de sa nature divine.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.