22 mars 2025
La véritable richesse
Aujourd’hui, Gustavo Adolfo Garay Ortega nous propose d’examiner les cheminements des deux frères dans la parabole du fils prodigue qui les mènent du manque à la découverte d’une richesse insoupçonnée.

LIVRE DU PROPHÈTE MICHÉE (7, 14-15.18-20)
Seigneur, avec ta houlette, sois le pasteur de ton peuple, du troupeau qui t’appartient, qui demeure isolé dans le maquis, entouré de vergers. Qu’il retrouve son pâturage à Bashane et Galaad, comme aux jours d’autrefois ! Comme aux jours où tu sortis d’Égypte, tu lui feras voir des merveilles !
Qui est Dieu comme toi, pour enlever le crime, pour passer sur la révolte comme tu le fais à l’égard du reste, ton héritage : un Dieu qui ne s’obstine pas pour toujours dans sa colère mais se plaît à manifester sa faveur ? De nouveau, tu nous montreras ta miséricorde, tu fouleras aux pieds nos crimes, tu jetteras au fond de la mer tous nos péchés ! Ainsi tu accordes à Jacob ta fidélité, à Abraham ta faveur, comme tu l’as juré à nos pères depuis les jours d’autrefois.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (15, 1-3.11-32)
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.
« Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
« Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”
« Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
« Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”
« Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »
Commentaire
Vous avez probablement déjà entendu dire qu’il faut profiter de ce qu’on a plutôt que de continuer à rêver de ce qu’il nous manque. Cependant, en tant qu’êtres humains, nous pouvons devenir des plus réticents à goûter le moment présent et devenir ainsi aveuglés par tout ce que nous désirons ou ce que nous ne possédons pas, sans prendre en compte que ce que nous avons est peut-être mieux que ce qui nous échappe. Ma grand-mère usait parfois d’un proverbe de la sagesse populaire : faites-le maintenant que je suis en vie, mon fils ! Aujourd’hui, quand ma mère me le répète, ces paroles résonnent beaucoup plus fortement en moi, peut-être parce que je suis loin de la maison familiale et que je manque pratiquement tous les anniversaires des membres de ma famille et de mes chers amis, ainsi que d’autres événements importants dans leurs vies depuis longtemps. Avec les réseaux sociaux, je peux partager un peu de mes activités d’ici et admirer ce qu’ils font là-bas, mais le sentiment de manque se fait quand même sentir. Malheureusement pour moi, je dois avouer que parfois mes excuses abondent pour ne pas être le premier à communiquer, un peu comme dans la parabole que nous offre la liturgie du jour.
Considérée comme une des trois paraboles de la miséricorde, la « Parabole du Père miséricordieux » (anciennement connue comme celle de « l’enfant prodigue ») est, nul doute, bien connue de tous, abondamment riche en son contenu et magistralement développée par de nombreux commentateurs. Aujourd’hui, ce que j’aimerais humblement souligner c’est un point en commun avec les deux fils (l’aîné et le jeune) : le manque et l’excuse !
Même s’il est dans la maison de son père, le fils cadet manque de quelque chose, c’est pour ça qu’il veut partir ailleurs. Le père lui donne l’argent de son héritage pour partir en liberté, mais le jeune fils rapidement dissipe sa fortune et sa vie de désordre ne le mène pas au bonheur qu’il cherchait. Il est coincé, forcé de travailler et incapable de se nourrir. Au milieu de cette misère, il réalise que ce qui lui manque vraiment (le bonheur) et ce qui lui manque en ce moment précis (la nourriture), chez son père, existent en abondance. Il est prêt à retourner à la maison et à demander pardon à son père, mais il ne se sent pas digne d’être son fils et veut être accueilli comme un de ses ouvriers.
De son côté, le fils aîné, contrairement à son jeune frère, est resté chez son père de son propre gré pour être à son service. Et voilà qu’il se met en colère lorsque le père décide de réagir amoureusement au retour de son frère. Le fils aîné avait tout et pourtant il reproche à son père de ne jamais avoir organisé un festin en son honneur. Aucune tendresse ou affection pour son frère, aucune sympathie pour la joie que son père vit lorsqu’il retrouve en vie ce qui était mort.
Les deux enfants ressentent un manque par rapport à des choses auxquelles ils pensent avoir droit sans se rendre compte qu’ils possèdent quelque chose de plus grande valeur encore : l’amour et la miséricorde de leur père. Même si la demande à propos de l’héritage vient du jeune fils, le texte nous dit que « le père leur partagea ses biens ». Le fils aîné a donc lui aussi profité de la distribution et ne devrait pas s’inquiéter de ce qui lui appartient, mais il est jaloux. Il pense que se mettre au service de son père et suivre le moindre de ses ordres lui donne le droit de le bouder et de lui reprocher sa miséricorde envers son petit frère qui est rentré en lui-même pour revenir et demander pardon.
Le fils aîné ne connait pas les pensées de son petit frère, mais il se laisse aller à ses préjugés, sans tenir compte que la vraie richesse que son père avait à offrit. Encore une fois, l’argent n’est pas la source du bonheur ! Face aux deux fils, le père sort à leur rencontre : il habille le plus jeune et l’accueille comme son fils ; c’est-à-dire que le père lui rappelle sa dignité et reconnaît la conversion de son cœur, même s’il a fallu perdre une part de sa fortune. Est-ce que le jeune fils va recevoir une autre part d’héritage à la mort de son père ? On ne sait pas ! Ce que le texte nous invite à considérer c’est le cheminement qu’il a dû faire pour reconnaître la richesse dans laquelle il vivait déjà depuis sa naissance : celle d’avoir un père miséricordieux ! Quant au plus vieux, le père sort pour l’inviter à rentrer dans la fête et se réjouir avec lui, un bon point de départ pour son propre cheminement vers la reconnaissance de sa propre richesse.
La parabole ne conclut effectivement pas en disant si finalement le fils aîné est entré dans la fête, mais bien avec les paroles d’allégresse du père qui s’exclame, car il a retrouvé son fils mort et revenu à la vie. Voilà une des caractéristiques des paraboles : susciter un questionnement chez l’auditeur.
Donc, chez les deux fils, nous pouvons identifier la recherche du bonheur, mais ni l’un ni l’autre n’est vraiment capable de trouver le bonheur parce que leur aveuglement les empêche de voir l’essentiel. Tandis que le père, son vrai bonheur est de combler le manque de ses enfants et de les combler de son amour sans limites !
Maintenant, quelles excuses pourrons-nous trouver pour ne pas reconnaître notre dignité comme enfants de Dieu et humblement nous laisser accueillir par la miséricorde toujours présente du Père ? Il va à la rencontre de ceux ou celles qui ont tout perdu et de ceux et celles qui en possédant tout ne sont pas capables de voir que le vrai trésor c’est la miséricorde ! Comment aimerais-tu terminer la parabole ? Alors, vas-y et fais-le, comme dirait ma grand-mère : faites-le maintenant que je suis en vie, mon fils !
Gustavo Adolfo Garay Ortega
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
par les secours de ta grâce divine,
tu nous associes déjà aux biens du ciel
alors que nous sommes encore sur la terre ;
nous t’en prions :
dirige-nous toi-même en cette vie
afin de nous conduire jusqu’à cette lumière où tu demeures.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.