Homélie, jeudi, 1ère semaine du Carême

13 mars 2025

Demandez et vous donnerez !

En ce temps de Carême, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite à constater nos limitations et notre petitesse et à entrer dans une dynamique de parent-enfant dans nos demandes à Dieu, confiants, humbles, reconnaissants et prêts à l’imiter.

demandez-et-vous-donnerez

Homélie

Le Carême nous propose un séjour au désert, pays qui nous confronte à nos vulnérabilités, qui nous fait prendre conscience de nos soifs profondes, qui nous révèle notre état de fragilité. C’est pourquoi, en temps normal, nous évitons ce lieu.

Au désert, nous découvrons la vérité de notre être, un être de besoins qui doit renoncer à la toute-puissance. Dans la solitude du besoin éprouvé, nous faisons l’expérience que cette pauvreté fondamentale nous lie à Dieu et aux autres ; qu’elle peut devenir lieu de communion. Nous nous situons devant Dieu comme ses enfants, devant les autres, comme des frères et sœurs partageant les mêmes limites humaines. Nous sommes des êtres de besoins, et nous sommes dans l’incapacité de les satisfaire par nous-mêmes. Il nous faut demander. Nous y sommes parfois contraints. Voilà une illustration de ce qui constitue pour nous un séjour au désert : devoir se tourner vers quelqu’un pour obtenir le salut.

La demande est au cœur des lectures que nous venons d’entendre. La demande de la reine Esther s’adresse au Seigneur, comme à un dernier recours après avoir épuisé toutes les autres sources de soutien : « Et maintenant, aide-moi, car je suis solitaire et je n’ai que toi, Seigneur mon Dieu ». C’est une prière de demande : que Dieu soit sa force. Esther a bien compris que personne d’autre que le Dieu d’Israël ne pourrait la secourir dans l’angoisse mortelle où elle se trouve. Elle joue gros, elle le sait. Elle attend de Dieu qu’il l’aide à renverser son ennemi, à sauver le peuple tout entier. Par-delà toutes les intrigues de palais, sa prière sera exaucée.

Le psaume se fait l’écho de sa reconnaissance : « Quand je crie vers toi, Seigneur, tu réponds à mon appel » ; « le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force ». La demande confiante se change en prière d’action de grâces.

L’évangile reprend ce thème de la demande et en offre trois applications. Il semble que l’on puisse y trouver une certaine gradation. La première est formulée de façon impersonnelle : quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira ». Il y a là comme un automatisme. La demande même appelle une réponse, et du moins au temps de Jésus, cet optimisme paraissait aller de soi, peut-être en raison d’un code d’honneur respecté par tous quant aux règles de l’hospitalité.

Le deuxième cas de demande est situé dans un rapport de parents à enfants : les enfants sont demandeurs et les parents donnent de bonnes choses à leurs enfants. C’est tout naturel. Le contraire surprendrait. L’attente de l’enfant ne sera pas déçue, car elle s’appuie sur l’amour des parents. Cette illustration servira de pivot à la demande envers Dieu : n’est-il pas notre Père ? Ne donnera-t-il pas le meilleur à ses enfants ? Voilà un motif de confiance on ne peut plus solide : « si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ! » On ne s’offusquera pas d’être décrits comme « mauvais » si cela peut mettre en relief la bonté de Dieu.

Dans les rapports humains, il peut être gênant de se trouver en situation de demandeur. Mais cela n’est pas le cas dans le rapport enfant-parents. L’enfant ne se sent aucunement diminué de demander sa nourriture à ses parents. Le plus souvent, il n’a pas à formuler la demande puisque les parents la préviennent. N’en est-il pas de même avec Dieu notre Père ? Chaque demande que nous lui faisons nous enracine dans notre relation filiale. Nous ne la vivons pas comme une dépendance. Nous savons seulement de Dieu ce que les enfants savent de leurs parents : c’est Dieu qui nous nourrit, c’est lui qui veut notre bien et c’est dans l’ordre des choses que nous nous tournions vers lui, puisque nous ne pourrions obtenir par nos propres forces ce qui nous maintient dans l’existence. La prière nous en fait prendre conscience au quotidien : « donne-nous notre pain de ce jour » demande l’enfant à son Père des cieux. Rien d’humiliant là-dedans. Plutôt la joie de redécouvrir sans cesse l’amour prévenant de notre Dieu.

Dieu n’est pas un guichet automatique. Il n’est pas une machine distributrice. On ne retire rien de son cœur qu’il ne soit déjà disposé à nous donner. La prière nous aide à nous approcher de cette générosité, à enregistrer le don de Dieu à notre endroit, à découvrir peu à peu la richesse de ses grâces. Les parents insistent auprès de leurs enfants : il faut dire « s’il vous plaît » et « merci ». Cela vaut aussi pour notre rapport à Dieu. Cette attitude d’enfant fera grandir en nous la foi et l’amour. Pour finir, il y a une dernière demande dans cet évangile. Elle nous invite à la cohérence, même avec nos demandes implicites : « faites pour les autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous ? » Ou encore : ne pourriez-vous pas avoir pour les autres le même amour que celui que Dieu manifeste à votre endroit ? Il y a comme une logique de la demande. Elle peut conduire à la charité ! Demandez et vous recevrez. Demandez et vous donnerez.

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur, nous t’en prions,
inspire-nous de toujours penser ce qui est juste
et de l’accomplir avec empressement ;
et puisque sans toi nous ne pouvons exister,
fais-nous vivre en accord avec toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.