Homélie, vendredi après les Cendres

7 mars 2025

Le jeûne des invités aux noces de l'Époux

Aujourd’hui, Gustavo Adolfo Garay Ortega nous rappelle le sens profond du jeûne pour les invités aux noces de l’Époux, à Pâques, un sens qui se détache de la souffrance vide pour se tourner vers une intériorité qui porte du fruit d’Amour.

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Commentaire

Nous avons débuté le temps du carême ce « mercredi des Cendres » avec l’invitation de Jésus aux disciples à retrouver une vie spirituelle plus intérieure, plus authentique, dans laquelle s’exprime davantage la foi, l’espérance et la charité. Par la pratique de ces trois vertus théologales, c’est donc notre engagement baptismal qui doit s’épanouir davantage à travers les trois formes traditionnelles de pénitence que sont l’aumône, la prière et le jeûne. Et tout cela dans une discrétion totale : « ton Père qui voit au plus secret te le rendra ».

Aujourd’hui, le passage évangélique de la liturgie nous propose le sujet du jeûne. Les disciples de Jean le Baptiste questionnent Jésus sur la raison pour laquelle ses disciples ne jeûnent pas du tout alors qu’eux et les pharisiens observent le jeûne selon la tradition. Même de nos jours, certains considèrent encore comme scandaleux ceux et celles qui ne pratiquent pas strictement le jeûne mais qui se disent chrétiens. La réponse de Jésus est pourtant très claire ! Les amis de l’Époux, ceux et celles qu’il a invités aux noces, ne peuvent pas jeûner pendant que l’Époux, Jésus lui-même, est avec eux. Et il ajoute, « des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront. ». Cependant, les chrétiens, au fil du temps, ont fini par comprendre que Jésus est toujours avec eux. L’évangile de Matthieu se termine même ainsi : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (28, 20). Nous parlons ici de sa présence réelle dans le sacrement de l’Eucharistie : « ceci est mon corps… ceci est mon sang… ».

J’interprète que Jésus veut nous recentrer sur l’essentiel : la vie, le salut ! Et vraiment, sa présence transforme nos tristesses, nos désespoirs et nos peurs en joie, en fraternité et en célébration. Alors, ce que nous devons faire c’est imiter Jésus, vivre comme il a vécu. Voilà notre chemin pour ces quarante prochains jours… En revanche, c’est vrai que sa présence n’est pas toujours évidente pour tous et c’est pour cela que l’Église propose la pratique du jeûne, de l’aumône et de la prière comme moyens pour mieux vivre cette préparation à la grande célébration de Pâques : la résurrection du Christ et la nôtre !

Dans la tradition catholique, il ne faut pas l’oublier, les pratiques ascétiques ont mené à des extrêmes. À plusieurs époques de l’histoire de l’Église, bien des baptisés ont visé à réaliser des performances ascétiques dangereuses. Au Moyen-Âge, par exemple, dans le but de communier à la Passion de Jésus, ils sont allés jusqu’à mettre en danger leur vie. Ils faisaient vraiment violence à leurs corps. Au-delà des jeûnes excessifs, ils se flagellaient avec des fouets, ou encore, ils portaient des ceintures munies de pointes de métal qui les blessaient physiquement. Inspirés par des spiritualités du mépris du monde et du corps, ils affirmaient qu’il fallait souffrir dans son corps pour préparer l’union de l’âme à Dieu. De telles pratiques excessives ne sont plus du tout encouragées dans l’Église. Elles ont engendré trop d’effets pervers. D’ailleurs, avec Jésus, c’est l’amour du prochain qui est la voie par excellence pour plaire à Dieu. Les œuvres de charité et les démarches liées à l’approfondissement de la foi ont, heureusement, de nos jours, remplacé le recours à la souffrance physique pour plaire à Dieu.

En parlant du jeûne et des privations volontaires, Jésus désire que nous apprenions à ne pas être esclaves de nos envies et à purifier nos désirs, afin que grandissent en nous l’espérance ainsi que la faim et la soif d’une vie meilleure. C’est pour cela que les invités ne peuvent pas jeûner au même titre que les pharisiens le faisaient ! La nouveauté que Jésus apporte, celle du Royaume de Dieu, ne repose pas sur de sévères pratiques ascétiques. La vie en communion avec Dieu est avant tout un don à accueillir et à faire fructifier en soi. Le prophète Isaïe le disait très clairement dans la première lecture.

Nous aussi, chrétiens d’aujourd’hui, nous jeûnons et nous devons jeûner dans l’objectif de toucher notre vulnérabilité et de tourner notre cœur pour laisser la miséricorde de Dieu nous parler. Nous jeûnons pour être attentifs aux circonstances de notre monde : briser les chaînes de l’injustice et des préjugés, rendre la liberté aux opprimés, partager le pain avec l’affamé, accueillir et prendre soin de ceux dans le besoin qui nous entourent. Que chaque eucharistie vienne nous enraciner dans la conviction que c’est à travers le don de soi et le service des autres que l’accueil de la grâce de Dieu se manifeste vraiment ! Que ce temps de carême soit rempli d’expériences de cœur à cœur avec Dieu, qu’il soit une occasion pour réchauffer notre vie intérieure et pour mourir à nos manques d’amour (le péché), afin de ressusciter avec le Christ !

Gustavo Adolfo Garay Ortega

 

PRIÈRE

Que ta bienveillance nous accompagne, Seigneur,
durant ce temps de pénitence qui vient de commencer,
afin que la discipline imposée à notre corps
soit aussi pratiquée d’une cœur sincère.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.