Homélie, mercredi des Cendres C

5 mars 2025

Creusons à l'essentiel !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à utiliser ce temps de carême pour désencombrer nos cœurs et ainsi laisser la première place à l’Amour de Dieu, Lui qui vit déjà et pour toujours au plus profond de nous-mêmes.

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Homélie

« Revenez à moi de tout votre cœur », s’écrie Dieu par l’entremise de son prophète Joël. Et le psalmiste de répondre : « Rends-moi la joie de ton salut! » Un appel pressant et une réponse tout aussi pressante. Dieu insiste. Son peuple doit revenir à lui. Le psalmiste souhaite vraiment la joie du salut, mais il est bien conscient que l’action de Dieu est d’une nécessité absolue. Dieu seul peut lui rendre la joie de son salut. Le psalmiste est dans le même état d’esprit que le disciple de Jésus s’exclamant: « Seigneur, je crois! Viens au secours de mon manque de foi » (Mc 9, 24).

C’est le début et un début nécessaire ! Comme le soutient la dominicaine française, Anne Lécu, dans un article récent « le salut commence lorsque nous prenons conscience que nous n’y croyons pas tout à fait et que nous supplions le Père de nous aider à croire que sa promesse de salut est bien faite pour nous, qu’elle est bien offerte à toutes et à chacun, où qu’il en soit de sa vie ». Commencer par croire que la promesse du Père est bien pour nous. Commencer par croire qu’il nous destine à la joie ! Commencer par croire que Dieu nous accompagne sur le chemin du salut. Comme dit saint Paul, « laissez-vous réconcilier ». Abandonnez-vous dans les bras du Père.

Car, comme le dit encore Anne Lécu : « le salut s’ouvre devant nous quand nous commençons à nous ouvrir, à dépasser un moi trop encombrant qui prend souvent trop de place, sinon toute la place » pour faire la place à l’essentiel, au Dieu de la promesse, au Dieu de la vie, au Dieu de la joie.

Voilà pourquoi le carême nous offre une période de 40 jours pour nous désencombrer de nous-mêmes. Le jeûne, la prière et l’aumône ne visent pas à nous imposer des pénitences, à nous prouver quoi que ce soit, ce serait alors pur hypocrisie, mais à nous ‘évider du dedans’, à creuser en nous pour faire place au Dieu toujours nouveau. Nous jeûnons, nous prions, nous partageons pour aller au plus profond de nous-mêmes, pour créer un espace, celui de la rencontre, celui de l’accueil de Celui qui peut nous transformer. Si le cri de ralliement du président Trump est ‘Drill, drill and drill more’, ‘fore, fore et fore toujours davantage’, ainsi devons-nous en ce temps béni forer, creuser en nous-mêmes pour laisser jaillir une présence, une source, un puit d’amour, de vie et de joie! « Rends-nous la joie de ton salut »!

Ce mouvement de forage et d’évidement n’est-il pas ce qu’a vécu Jésus et que nous méditerons durant la semaine du grand passage? « Lui, de condition divine, s’est vidé de lui-même, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort sur la croix » (Ph 2, 6-11). Il s’est vidé de lui-même pour laisser place et nous montrer le cœur du Père et, finalement, pour nous donner une place afin de vivre en lui.

Ce mouvement d’évidemment a conduit le Christ à sa passion même. Comme dit saint Paul, ce matin, « Celui qui n’a pas connu de péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions des justes de la justice même de Dieu ». Il se vide de lui-même au point d’être identifié à ce qui lui est complètement opposé, le péché. Ainsi, se retrouvera-t-il maudit, cloué sur une croix, entre deux criminels. Plus personne ne peut être maudit. La dernière place, il l’a prise. Personne ne peut la lui ravir. Il ne s’agit plus pour nous de nous complaire morbidement sur nos faiblesses, mais de contempler au cœur de nos ténèbres cet homme, cet amour qui, par sa résurrection, est devenu le cœur du monde. Le Crucifié, le maudit, est le centre du monde, et non pas nous ! Il est au centre, au cœur de notre cœur. « Il nous revient alors d’accepter, d’accepter d’être pris par lui ».

C’est seulement dans ce décentrement de nous-mêmes, dans cet évidemment que nous trouverons la joie, la joie du salut promis. L’imposition des cendres nous rappellera que nous sommes bien peu de choses, en fait, nous ne sommes que cendre et poussière! Et pourtant ces cendres et cette poussière sont l’objet d’un amour fou et d’une promesse inouïe de Dieu qui s’évide lui-même au point de les faire siennes pour que sa vie et sa joie deviennent notre salut.

Bon forage ! Bon carême !

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Accorde-nous, Seigneur,
de savoir commencer saintement par le jeûne
l’entraînement au combat spirituel :
que nos privations nous rendent plus forts
pour lutter contre l’esprit du mal.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.