26 février 2025
Une Grâce sans limites
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous met en garde, en tant que chrétiens et catholiques, contre la tentation de monopoliser le Bien et la Grâce de Dieu, comme si ceux-ci ne pouvaient agir en dehors du cadre donné par notre religion.

LIVRE DE BEN SIRA LE SAGE (4, 11-19)
La sagesse conduit ses fils à la grandeur, elle prend soin de ceux qui la cherchent. L’aimer, c’est aimer la vie ; ceux qui la cherchent dès l’aurore seront comblés de bonheur ; celui qui la possède obtiendra la gloire en héritage ; là où il entre, le Seigneur donne sa bénédiction. Ceux qui rendent un culte à la sagesse célèbrent le Dieu saint, ceux qui l’aiment sont aimés du Seigneur ; celui qui l’écoute jugera les nations, celui qui s’attache à elle sera en sécurité dans sa demeure.
S’il se confie en elle, il en prendra possession, et tous ses descendants la recevront en héritage. Pour commencer, elle le conduira par des chemins sinueux, elle fera venir sur lui la peur et l’appréhension, elle le tourmentera par la sévérité de son éducation, jusqu’à ce qu’elle puisse lui faire confiance ; elle l’éprouvera par ses exigences. Puis elle reviendra tout droit vers lui, elle le comblera de bonheur en lui dévoilant ses secrets. Mais s’il s’égare loin d’elle, elle l’abandonnera et le laissera aller à sa perte.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (9, 38-40)
En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »
Homélie
Le petit récit évangélique d’aujourd’hui vient nous rappeler que les apôtres ont eu de la difficulté à saisir l’ampleur du projet de Jésus. En conséquence, ils n’ont pas facilement été les collaborateurs lucides que Jésus aurait sans doute souhaités. Un signe de leur myopie missionnaire, c’est celle de vouloir posséder en exclusivité le droit d’utiliser le nom de Jésus pour chasser les démons et guérir des malades. Ils cherchaient à être les seuls utilisateurs du nom de Jésus. Cet objectif, ils l’ont révélé quand ils ont dit à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom; nous l’en avons empêché… ». À travers cet aveu, ils faisaient clairement allusion à un exorciste juif qui n’appartenait pas officiellement au cercle des proches de Jésus mais qui connaissait Jésus et sa renommée de guérisseur. Il est évident que cet exorciste avait une telle confiance au pouvoir de guérison de Jésus qu’il l’invoquait dans ses propres interventions. Or, sa façon de faire a choqué les apôtres. Ils ont interprété sa manière de se comporter comme une forme de vol ou comme un emprunt illicite. Eux, ils se voyaient comme les seuls dépositaires du droit de guérir au nom de Jésus. Pourtant, les faits leur faisaient voir que la puissance de Jésus se manifestait aussi en dehors de leur cercle restreint, que la lutte efficace contre le mal débordait leur champ d’intervention. Leur tentation, c’était de voir la lutte contre les diverses formes de mal comme un champ qui leur appartenait.
Face à leur attitude réductrice et myope, il n’est pas surprenant que Jésus leur ait dit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi : celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». En d’autres mots, Jésus venait inviter ses disciples à se réjouir du bien qui se réalisait en dehors de leur cercle restreint. Il les invitait surtout à ne pas voir leur mission comme une chasse-gardée.
La tentation des apôtres, nous la retrouvons régulièrement au long de l’histoire de l’Église. Que de communautés chrétiennes n’ont pas pu reconnaître le bien qui pouvait s’exprimer et se vivre dans des milieux qui n’avaient pas été marqués par le christianisme. Pensons ici aux grandes entreprises colonisatrices européennes, à partir du XVe siècle en particulier, qui ne parvenaient pas à vraiment discerner le bien que l’on rencontrait dans les sociétés indigènes qu’elles venaient soumettre militairement et économiquement. Cela s’est vu tant en Amérique latine qu’en Amérique du Nord par exemple. Les pays colonisateurs dits chrétiens ont régulièrement visé à remplacer les institutions et les cultures autochtones par des structures et des coutumes propres aux sociétés occidentales de l’époque. Tout près de nous, en plein XXe siècle, lors du Concile Vatican II, beaucoup de catholiques ont réagi négativement quand ils ont été informés du discours que les pères du Concile avaient tenu concernant les personnes rattachées à des religions non-chrétiennes. Ils pouvaient lire, dans la déclaration Nostra Aetate de 1965 : « (Nous exhortons les catholiques à) reconnaître, protéger et promouvoir les biens spirituels et moraux ainsi que les valeurs socioculturelles que l’on trouve parmi eux, (les adeptes d’autres religions) ». C’était là affirmer avec force que la grâce de Dieu ne se manifeste pas que là où se trouvent des catholiques et des chrétiens. Les catholiques n’ont pas le contrôle de la grâce de Dieu. Ils doivent reconnaître que les chemins que Dieu prend peuvent être différents de ceux qu’eux-mêmes seraient portés à prendre. Car, au fond, c’est lui qui est le sauveur de l’humanité, c’est lui qui attribue à des hommes et à des femmes de différentes allégeances spirituelles ou humanistes une lucidité et un amour capables de lutter ouvertement contre les forces du mal. Sachons nous en réjouir et en rendre grâce !
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Dieu tout-puissant, nous t’en prions,
accorde-nous de conformer à ta volonté
nos paroles et nos actes
dans une inlassable recherche des bien spirituels.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.