Homélie, mardi de la 6ème semaine du Temps ordinaire

18 février 2025

« Vous ne comprenez pas encore ? »

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous aide à comprendre Jésus et son Père qui, dans les écritures du jour, sont exaspérés, eux qui donnent toujours dans leur amour excessif.

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Homélie

« Vous ne comprenez pas encore? »

Si l’extrait de l’évangile de ce matin se termine par cette question, manifestant une exaspération profonde de Jésus face à l’incompréhension de ses disciples, Dieu, dans le châtiment qu’il pense infliger à l’humanité, est habité par un sentiment semblable. Il est exaspéré. L’humanité ne comprendra jamais. Lui qui avait rêvé d’une humanité poursuivant son œuvre, d’une humanité créée à son image à qui il avait confié le riche et magnifique jardin de la création, aujourd’hui, il déchante amèrement. Il se repent de son œuvre et passe à un cheveu de la détruire. Lui qui connaît toutes choses a vu Noé qui a trouvé grâce à ses yeux. Et voilà que Dieu, en protégeant Noé, est prêt à poursuivre l’aventure, comme l’enseignante qui reprend la craie et essaie, d’une autre manière, de faire comprendre ses élèves.

La suite de l’évangile de ce matin ne nous dit rien de la réaction des disciples de Jésus à la remarque bien sentie de Jésus. Ils poursuivent leur route malgré leur cœur endurci, leurs yeux qui ne voient pas et leurs oreilles qui n’entendent pas. Comme le bon maître d’école, Jésus les prend comme ils sont en espérant qu’un jour ou l’autre, ils comprendront. En fait, ce n’est qu’à la lumière de la Résurrection qu’ils commenceront à comprendre qui est Jésus et ce que signifie marcher à sa suite.

Merci à l’évangéliste Marc de nous avoir présenté les disciples de Jésus comme ils sont et la peine de Jésus, la peine qu’il se donne pour les enseigner et la peine qu’il éprouve devant leurs incompréhensions. Nous nous retrouvons en eux. Il nous permet aussi de prendre conscience que nous ne sommes pas défavorisés par rapport aux générations précédentes, même celle qui a vu, entendu et touché Jésus. Nous pouvons donc, malgré nos duretés de cœur, poursuivre notre marche à la suite de Jésus.

Cela est réconfortant, mais est-ce que cela nous excuse?

Je suis frappé dans le discours de Jésus par l‘abondance, l’excès, non de ses paroles, mais des signes qu’il mentionne. Vous vous inquiétez pour un morceau de pain? Mais, combien de corbeilles avez-vous ramassées quand j’ai rompu cinq pains pour cinq mille personnes? Combien de corbeilles encore lorsque j’en ai rompu sept pour quatre mille personnes?

Le don de Dieu pour le monde n’est pas seulement suffisant, mais excessif. Regardons la création, regardons le ciel étoilé avec ces millions de millions d’astres. Regardons la diversité de la nature. Contemplons la beauté même de la neige qui, ces derniers jours, est tombée abondamment! Examinons la complexité du corps humain! Et pourtant.

Dieu est excessif! Le Christ est excessif! Malgré ce que nous sommes, malgré le mal dont nous sommes capables, Dieu nous donnera son Fils qui accepte d’être livré aux forces du mal pour nous en libérer et nous donner en partage sa vie.

Alors que nous sommes petits, inquiets pour presque rien, un petit bout de pain, Dieu, lui, sème abondamment. Aujourd’hui, l’Église fait mémoire d’un enfant qui ne comprend pas grand-chose aux arguties théologiques, mais qui voit une dame dans la fente d’un rocher et qui, sur son ordre, trouvera une source d’eau symbole de la source d’eaux vives jaillissant du cœur du Christ. Depuis, des millions de personnes viendront se confier à elle, découvrir, dans leurs épreuves mêmes, qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils sont aimés.

L’Ordre, quant à lui, célèbre un des siens, le bienheureux Fra Angelico, qui nous ouvre à l’excès de la beauté de Dieu et de son projet. Quand nous entrons dans le couvent San Marco de Florence où il a vécu et où il a peint plusieurs fresques, comment ne pas être frappé par ce Christ en croix qui nous accueille qui respire la paix et par le regard de Dominique transpercé par cet amour livré pour lui. Dans le regard de Dominique, j’entends Paul ‘ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi’ (Gal 2, 20). Toujours dans ce couvent, dans une salle, une magnifique descente de la croix où nous contemplons le Christ reposant sur le sol et le regard que pose sa mère sur lui. Je n’oublierai jamais ce regard. Je pourrais poursuivre encore longtemps en évoquant, entre autres, ces annonciations que Fra Angelico a peintes. L’excès !

L’excès, ce matin, de la table eucharistique où un peu de pain rompu et un peu de vin partagé deviennent l’expression de l’amour excessif du Christ pour nous auquel nous pouvons communier.

« Vous ne comprenez pas encore ? »

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu tout puissant, par un don merveilleux de ta grâce,
le bienheureux Angelico a contemplé et représenté,
avec une douceur pénétrante, les mystères du Verbe incarné;
par son intercession, daigne nous accorder,
à nous qui te connaissons déjà par la foi,
d’être conduits jusqu’à la claire vision de ta splendeur.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.