Homélie, jeudi de la 5ème semaine du Temps ordinaire

13 février 2025

Une foi digne d'admiration

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., nous explique la dynamique relationnelle entre Jésus et la femme syro-phénicienne qui vient quémander son aide et comment cet événement préfigure l’universalité du Salut.

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Homélie

À quelques reprises dans les évangiles, Jésus félicite des personnes pour la foi qu’elles ont manifestée. Curieusement, son admiration s’exprime le plus fortement en réponse à la foi de personnes venant de l’univers païen. C’est le cas par exemple du centurion romain chez Luc ou aujourd’hui de cette syro-phénicienne qui, par sa foi, semble avoir vaincu les résistances de Jésus.

Il nous arrive de complimenter des gens pour leur beauté, leur intelligence ou un autre avantage. Si nous en sommes l’objet, il n’y a pas à en tirer orgueil puisqu’il n’y entre pas beaucoup de mérite de notre part. Ces paroles flatteuses sont souvent très superficielles, de nature purement sociale, mais il arrive qu’elles soient célébration du don de Dieu. Dans le cas de la foi, comment pourrait-elle s’attirer des compliments alors qu’elle est encore plus évidemment un don de Dieu ? Quelle qualité Jésus a-t-il reconnu en cette femme provenant d’un univers étranger à la foi d’Israël ?

Devant la syro-phénicienne, Jésus avait d’abord été très froid. Il ne manifeste aucune pitié envers cette femme qui s’est jetée à ses pieds, lui expose sa détresse et attend son secours pour la délivrance de sa petite fille. Il reste de marbre. Comme s’il voulait la mettre à l’épreuve. Il ne s’étonne pas qu’elle s’adresse à lui, même si cette démarche déjà aurait dû l’inciter à lui faire bon accueil. Au contraire, il lui laisse entendre, sans aucune parole de sympathie, qu’il a d’autres priorités… Elle ne s’est pas laissé démonter par l’apparente indifférence de Jésus. La femme persiste dans sa demande, une demande de foi qui est basée sur une réponse d’amour d’une mère à sa fille. C’est son amour pour sa fille qui l’incite à insister. C’est sa foi en Jésus qui la guide. C’est son espérance qui lui donne de ne pas abandonner sa recherche de salut.

Jésus lui a servi son image de la nourriture destinée aux enfants. Le ton a quelque chose de cinglant. Notre syro-phénicienne qui venait d’être comparée aux petits chiens saisit la balle au bond et réplique à Jésus qu’il n’a qu’à laisser « les petits chiens » s’emparer de la nourriture qui tomberait de la table. Elle se contente des restes. Elle reconnaît en Jésus une sorte de maître qui tolère la présence des petits chiens autour de cette table abondante, une allusion à la multiplication des pains. Sa volonté de répondre d’abord à Israël reste intacte. Un jour, les païens auront aussi leur tour. La mère syro-phénicienne a réussi à harmoniser son urgence avec le calendrier de Jésus. Elle ne réclame pas un traitement spécial. Sa démarche n’enlève rien aux « enfants », sous-entendu « les enfants d’Israël » pour qui Jésus a d’abord été envoyé. Cette femme préfigure l’élargissement de la mission de Jésus au-delà des brebis perdues d’Israël. Le salut sera bientôt aussi universel que l’acte de création.

La rudesse apparente de Jésus a fondu. Il est maintenant toute bienveillance envers cette femme, pour sa foi toute imprégnée d’amour et d’espérance, pour l’intelligence du cœur qu’elle a manifestée.

Cette rencontre entre Jésus et la syro-phénicienne pourrait-elle justement être abordée du point de vue de l’intelligence. Au lieu d’une relation presque d’adversité, cet épisode pourrait aussi bien relater une complicité spontanée qui s’est établie entre les deux personnages. Le fait que la mère soit très éplorée ne laisse pas trop à penser qu’il y a un jeu entre eux. Quand même l’évangile nous donne cet indice : « une femme entendit parler de lui ». Elle avait son idée sur Jésus et elle s’y est tenue. Pour sa part, Jésus a bien décelé ce qui animait cette femme et l’a accueillie non pas seulement comme une personne en difficulté mais une femme de foi. Tous deux ont été confirmés dans leurs perceptions mutuelles.

Curieusement, la finale de l’évangile précise que, même si le démon est sorti d’elle, « l’enfant est étendue sur le lit ». Ne devrait-elle pas être debout? C’est que Jésus a maintenu son « agenda » : un jour, participante au mystère de mort-résurrection, elle aussi aura part au salut, comme les juifs, elle sera relevée. Pour l’heure, Jésus laisse d’abord les enfants se rassasier.

Depuis Pâques, le signal d’un nouveau temps a été donné. L’heure est venue. La métaphore des petits chiens ne nous convient plus. En Jésus-Christ, nous sommes devenus nous aussi les enfants de Dieu, nous sommes sa grande priorité. Lui, notre Père, n’a rien de plus pressé que de nous montrer son salut, de combler notre espérance, de nous nourrir du pain de vie. Au cours de cette eucharistie, manifestons-lui toute notre reconnaissance.

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Dans ton inlassable tendresse,
nous t’en prions, Seigneur, veille sur ta famille :
elle s’appuie sur la grâce du ciel, son unique espérance ;
qu’elle soit toujours assurée de ta protection.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.