Homélie, mardi de la 5ème semaine du Temps ordinaire

11 février 2025

Quelle est notre image de Dieu?

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à surveiller l’image que nous nous faisons de Dieu, car celle-ci justifie parfois les attitudes destructrices de l’être humain envers son prochain et envers le reste de la création…

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Homélie

Voltaire, qui n’était pas un Père de l’Église, disait : « Dieu a créé l’être humain à son image et l’être humain le lui a bien rendu ». À voir cette controverse entre Jésus et les scribes et les pharisiens, nous pouvons bien nous demander quelle est leur image de Dieu. S’attacher aux détails tout en négligeant l’essentiel. Non pas que les détails ne soient pas importants. Mais un attachement inconsidéré peut manifester une faille importante. Qu’est donc ce Dieu à qui il faut obéir ainsi ? Un Dieu tatillon, tracassier, pinailleur ? Un Dieu qui a à l’œil l’être humain, le surveille, l’épie ? Qui donc est ce Dieu qui accepte de n’être honoré que des lèvres ? Jésus leur dit clairement : « vous vous trompez de Dieu ». Ce n’est pas son Dieu. Il n’est pas ce Dieu rapetissé, ratatiné que nous présente le livre de la Genèse. Dieu est tout autre !

Il est grand. Il est puissant certes, mais la profusion de sa création montre qui il est : un être généreux, un être bon, un être qui fait confiance. Il est le Dieu de la vie : un don fourmillant, foisonnant en faisant apparaître une multiplicité d’espèces différentes. Tous, y compris l’être humain, sont gratifiés par Dieu d’une bénédiction qui les invite à fructifier et à se multiplier pour emplir les espaces qui leur sont propres. Quand Dieu donne la vie, il le fait avec prodigalité, avec générosité laissant un espace pour que la vie s’épanouisse sans qu’il ait à intervenir directement. Et il s’en réjouit. Il n’est pas que le Dieu qui déploie sa puissance pour ordonner, transformer, produire, mais pour se réjouir ! Et Dieu vit que cela était bon.

Est-ce le Dieu des interlocuteurs de Jésus ?

Finalement, Dieu crée l’être humain. Vous avez remarqué les mots image et ressemblance. Leurs sens ne sont pas identiques. Dieu, en créant l’humanité, a fait sa part. Lui seul peut créer. Mais une fois l’être humain debout, tout n’est pas encore ‘fait’. Tout n’est pas encore accompli. Que reste-t-il à faire ? Que l’image devienne ressemblance en devenant un homme et une femme véritables. J’ai lu une interprétation intéressante du ‘Faisons l’homme à notre image’. Selon cette dernière, Dieu ne se parlerait pas à lui-même, mais s’adresserait à l’être humain lui-même que sa parole est en train de créer et, par-là, à nous les auditeurs, pour que nous coopérions à notre achèvement.

Est-ce le Dieu des interlocuteurs de Jésus ?

Finalement, Dieu prend congé le septième jour. Il se reposa, nous dit le texte, de toute l’œuvre de création qu’il avait faite. Pourtant, selon la traduction littérale, il faudrait lire : « Et il se reposa de toute l’œuvre qu’il avait créée pour faire » (2,3b). « L’œuvre qu’il avait créée pour faire » : expression étrange. Cela ne signifie-t-il pas que lorsque Dieu a achevé « toute son œuvre » en se retirant, tout n’est pas fait ? Paradoxe d’un Dieu qui peut tout, mais prend le risque de laisser des points de suspension, laissant de la place à l’autre et en particulier à l’être humain pour qu’il continue son œuvre.

« Vous annulez la parole Dieu par la tradition que vous transmettez ».

J’aimerais terminer en évoquant une autre manière de trahir Dieu qui nous a créés à son image : traiter la création sans respect, la prenant pour acquis comme si elle était nôtre, complètement à notre service. Alors que Dieu crée avec prodigalité, en faisant de la place à sa création, en se faisant, en quelque sorte, discret pour qu’elle advienne, l’être humain au nom d’une soi-disant toute-puissance s’isole de la création, se voit à son sommet pour la dominer. Nous en voyons les résultats : les espèces animales, végétales disparaissant les unes après les autres. Telle est l’image mortifère de Dieu à laquelle l’humanité, dans les faits, s’est identifiée.

C’est avec raison que le pape François affirme dans Laudato si (no 67) :

Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée. Cela permet de répondre à une accusation lancée contre la pensée judéo-chrétienne : il a été dit que, à partir du récit de la Genèse qui invite à “dominer” la terre (cf. Gn 1, 28), on favoriserait l’exploitation sauvage de la nature en présentant une image de l’être humain comme dominateur et destructeur. Ce n’est pas une interprétation correcte de la Bible, comme la comprend l’Église. S’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens avons mal interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures. [… Au contraire, existe] une relation de réciprocité responsable entre l’être humain et la nature. Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de sa fertilité pour les générations futures ; car, en définitive, « au Seigneur la terre » (Ps 24, 1), à lui appartiennent « la terre et tout ce qui s’y trouve » (Dt 10, 14).

Quelle est l’image de notre Dieu ?

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu as voulu que toute la loi de sainteté consiste à t’aimer
et à aimer son prochain :
donne-nous de garder tes commandements,
et de parvenir ainsi à la vie éternelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.