9 février 2025
Avancer au large
En ce dimanche, Sylvie Latreille, L.O.P., nous explique la posture d’enseignement que Jésus aime adopter pour transmettre la Parole aux foules, puis nous explique l’analogie de la pêche que Jésus utilise pour rejoindre Pierre dans son quotidien et le préparer à sa mission de pêcheur d’hommes.
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LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (6, 1-2a.3-8)
L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée.
Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! » L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. »
J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS (15, 1-11)
Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants.
Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort –, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis.
Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi.
Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (5, 1-11)
En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth. Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules.
Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. » Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient.
À cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.
Homélie
Avez-vous déjà remarqué quelle posture physique adoptent vos professeur.e.s pour enseigner ? Jadis, à la Faculté de théologie de l’UdeM, un professeur enseignait, marchant de long en large et fumant une cigarette très odorante. Belle distraction pour la classe plus attentive à la cigarette qu’à l’enseignement. D’autres profs. prenaient le temps d’installer le lutrin, déposer leurs notes de cours et se tenir debout tout au long de l’enseignement. Enfin, plusieurs s’assoyaient et enseignaient sans bouger de leur chaise. Aujourd’hui, est-ce que les profs. adoptent d’autres postures pour enseigner en raison de nouvelles technologies ? Jésus, lui, quelles postures a-t-il favorisées ?
Jésus se tient au bord du lac de Génésareth. Il monte dans la barque de Simon. Il lui demande de s’écarter un peu du rivage. Alors, que se passe-t-il ? « Jésus s’assit, et de la barque, il enseignait les foules. »
D’entrée de jeu, soulignons l’importance accordée à la parole. Saint Luc spécifie qu’une foule se presse autour de Jésus. Pourquoi ? « Pour écouter la Parole de Dieu. » L’enseignement de Jésus concerne la Parole de Dieu. Peut-être oserions-nous dire que c’est son champ de spécialisation.
S’asseoir et enseigner. Cette posture pour enseigner n’est pas banale dans la tradition biblique. L’évangéliste Saint Matthieu introduit ainsi Le Sermon sur la montagne : « À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit (…) prenant parole, il les enseignait. » (Mt 5, 1b-2). Pour marquer l’importance de son enseignement, Jésus prend le temps de s’asseoir avant de proclamer son discours inaugural sur les Béatitudes.
Rappelons-nous que les parents de Jésus le retrouve dans le Temple, à l’âge de 12 ans, « assis au milieu des maîtres, à les écouter et les interroger. » (Lc 2, 46b). Ultimement, à la fin de son évangile, Saint Marc écrit : « le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. » (Mc 16, 19). S’asseoir et enseigner renvoient au rôle du maître qui a autorité et sagesse.
Lorsque Jésus finit d’enseigner aux foules, il adresse la parole à Simon. Il engage une conversation avec lui. Il lui dit : « Avance au large ». Simon, de par son métier et son expérience de pêcheur, sait ce que signifie « avancer au large ». Quitter la sécurité du rivage, prendre le risque face aux éléments déchaînés de la mer, revenir bredouille après une longue nuit de travail, ressentir la fatigue au retour et laver les filets.
Justement, jetez vos filets pour la pêche. Jésus sait ce que signifie la symbolique des filets. Dans l’évangile de Saint Matthieu, Jésus compare le « Royaume des cieux à un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de poissons. » (Mt 13, 47). Annoncer l’avènement du Royaume de Dieu est le message central de l’enseignement de Jésus de Nazareth.
Reconnu à titre de maître, Jésus lance un appel personnel à Simon. La réponse de ce dernier étonne : « sur ta parole, je vais jeter les filets ». Il pose un acte de foi dans la parole du Maître. N’a-t-il pas été témoin de son enseignement à bord de sa barque ?
Imaginez le grand effroi éprouvé à la vue de la surabondance des poissons au risque de déchirer les filets. Après une nuit de travail sans succès, le contraste est saisissant. Simon ne panique pas. Que fait-il ? Il fait signe aux compagnons de l’autre barque de venir à l’aide. Détail très intéressant. L’appel de Jésus à Simon porte écho auprès des autres pêcheurs, ses compagnons, de même qu’auprès de Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses associés. C’est ensemble « qu’ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles s’enfonçaient. » La dimension communautaire entre en scène dans le récit de la pêche miraculeuse.
Comment est-il possible de vivre une telle expérience sans reconnaître la puissance salvatrice de Jésus et reconnaître sa propre condition de pécheur pour s’approcher de lui ? Tel est le cri de foi de Simon-Pierre. Il ignore qu’un changement de mission vient de lui être donné. Changement souligné par le changement de son nom. Cette expérience ouvre un horizon insoupçonné. « Sois sans crainte Simon-Pierre, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » De plus, il ne sera pas le seul à recevoir cette nouvelle mission. En effet, Simon-Pierre, Jacques et Jean suivirent Jésus « après avoir ramené les barques au rivage et laissant tout derrière eux. »
À l’instar du prophète Isaïe dans la première lecture, ils répondent à la voix du Seigneur. « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? »
Le prophète de répondre : « Me voici : envoie-moi ! » À l’instar de Paul dans la deuxième lecture, sa lettre aux Corinthiens, Simon-Pierre, Jacques et Jean répondent de la grâce du Seigneur. « Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »
Entre vous et moi, le récit évangélique ne vise pas à faire la promotion de la pêche et ce, même pour le CéDum. Déjà, beaucoup d’activités y sont offertes. Peut-être que plusieurs pourraient en être intéressés ?
Le récit vise autre chose et ça concerne aussi le Centre étudiant : Jésus vient chercher Simon dans l’ordinaire de son quotidien. Simon est un homme simple. Il exerce un métier connu. Jésus emprunte son langage et ses représentations pour entrer en dialogue avec lui. Son appel vient s’ancrer dans l’expérience de vie de Simon. Désormais, Jésus le Seigneur se fait proche de Simon-Pierre dans tout le mystère de son être. Mais en même temps, il le bouscule sérieusement. Il lui demande d’être pêcheur d’hommes. Une telle mission comporte des défis et des risques et, à première vue, dépasse Simon-Pierre complètement.
Comment le Seigneur s’y prend-il pour s’approcher de nous là où nous sommes dans chacune de nos vies ? Il nous invite à avancer au large. Comme il est difficile de quitter nos zones de confort pour aller de l’avant en eaux profondes à la suite de Jésus. Poser cet acte demande audace, patience, espérance au souffle de l’Esprit du Christ Ressuscité.
Mais vous n’êtes pas seul.e.s. Souvenez-vous toujours de la présence de votre communauté. Elle vous aide à suivre le Seigneur tout comme pour Simon-Pierre, Jacques et Jean dans la simplicité de vos quotidiens. De la table de la Parole, passons à la table de l’Eucharistie, demandons-lui, la grâce de Dieu d’être toujours avec nous.
Sylvie Latreille, L.O.P.
PRIÈRE
Dans ton inlassable tendresse,
nous t’en prions, Seigneur,
veille sur ta famille :
elle s’appuie sur la grâce du ciel, son unique espérance ;
qu’elle soit toujours assurée de ta protection.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.