Homélie, dimanche de la 5ème semaine du Temps ordinaire

9 février 2025

Avancer au large

En ce dimanche, Sylvie Latreille, L.O.P., nous explique la posture d’enseignement que Jésus aime adopter pour transmettre la Parole aux foules, puis nous explique l’analogie de la pêche que Jésus utilise pour rejoindre Pierre dans son quotidien et le préparer à sa mission de pêcheur d’hommes.

avancer-au-large

Homélie

Avez-vous déjà remarqué quelle posture physique adoptent vos professeur.e.s pour enseigner ? Jadis, à la Faculté de théologie de l’UdeM, un professeur enseignait, marchant de long en large et fumant une cigarette très odorante. Belle distraction pour la classe plus attentive à la cigarette qu’à l’enseignement. D’autres profs. prenaient le temps d’installer le lutrin, déposer leurs notes de cours et se tenir debout tout au long de l’enseignement. Enfin, plusieurs s’assoyaient et enseignaient sans bouger de leur chaise. Aujourd’hui, est-ce que les profs. adoptent d’autres postures pour enseigner en raison de nouvelles technologies ? Jésus, lui, quelles postures a-t-il favorisées ?

Jésus se tient au bord du lac de Génésareth. Il monte dans la barque de Simon. Il lui demande de s’écarter un peu du rivage. Alors, que se passe-t-il ? « Jésus s’assit, et de la barque, il enseignait les foules. »

D’entrée de jeu, soulignons l’importance accordée à la parole. Saint Luc spécifie qu’une foule se presse autour de Jésus. Pourquoi ? « Pour écouter la Parole de Dieu. » L’enseignement de Jésus concerne la Parole de Dieu. Peut-être oserions-nous dire que c’est son champ de spécialisation.

S’asseoir et enseigner. Cette posture pour enseigner n’est pas banale dans la tradition biblique. L’évangéliste Saint Matthieu introduit ainsi Le Sermon sur la montagne : « À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit (…) prenant parole, il les enseignait. » (Mt 5, 1b-2). Pour marquer l’importance de son enseignement, Jésus prend le temps de s’asseoir avant de proclamer son discours inaugural sur les Béatitudes.

Rappelons-nous que les parents de Jésus le retrouve dans le Temple, à l’âge de 12 ans, « assis au milieu des maîtres, à les écouter et les interroger. » (Lc 2, 46b). Ultimement, à la fin de son évangile, Saint Marc écrit : « le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. » (Mc 16, 19). S’asseoir et enseigner renvoient au rôle du maître qui a autorité et sagesse.

Lorsque Jésus finit d’enseigner aux foules, il adresse la parole à Simon. Il engage une conversation avec lui. Il lui dit : « Avance au large ». Simon, de par son métier et son expérience de pêcheur, sait ce que signifie « avancer au large ». Quitter la sécurité du rivage, prendre le risque face aux éléments déchaînés de la mer, revenir bredouille après une longue nuit de travail, ressentir la fatigue au retour et laver les filets.

Justement, jetez vos filets pour la pêche. Jésus sait ce que signifie la symbolique des filets. Dans l’évangile de Saint Matthieu, Jésus compare le « Royaume des cieux à un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de poissons. » (Mt 13, 47). Annoncer l’avènement du Royaume de Dieu est le message central de l’enseignement de Jésus de Nazareth.

Reconnu à titre de maître, Jésus lance un appel personnel à Simon. La réponse de ce dernier étonne : « sur ta parole, je vais jeter les filets ». Il pose un acte de foi dans la parole du Maître. N’a-t-il pas été témoin de son enseignement à bord de sa barque ?

Imaginez le grand effroi éprouvé à la vue de la surabondance des poissons au risque de déchirer les filets. Après une nuit de travail sans succès, le contraste est saisissant. Simon ne panique pas. Que fait-il ? Il fait signe aux compagnons de l’autre barque de venir à l’aide. Détail très intéressant. L’appel de Jésus à Simon porte écho auprès des autres pêcheurs, ses compagnons, de même qu’auprès de Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses associés. C’est ensemble « qu’ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles s’enfonçaient. » La dimension communautaire entre en scène dans le récit de la pêche miraculeuse.

Comment est-il possible de vivre une telle expérience sans reconnaître la puissance salvatrice de Jésus et reconnaître sa propre condition de pécheur pour s’approcher de lui ? Tel est le cri de foi de Simon-Pierre. Il ignore qu’un changement de mission vient de lui être donné. Changement souligné par le changement de son nom. Cette expérience ouvre un horizon insoupçonné. « Sois sans crainte Simon-Pierre, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » De plus, il ne sera pas le seul à recevoir cette nouvelle mission. En effet, Simon-Pierre, Jacques et Jean suivirent Jésus « après avoir ramené les barques au rivage et laissant tout derrière eux. »

À l’instar du prophète Isaïe dans la première lecture, ils répondent à la voix du Seigneur. « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? »

Le prophète de répondre : « Me voici : envoie-moi ! » À l’instar de Paul dans la deuxième lecture, sa lettre aux Corinthiens, Simon-Pierre, Jacques et Jean répondent de la grâce du Seigneur. « Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »

Entre vous et moi, le récit évangélique ne vise pas à faire la promotion de la pêche et ce, même pour le CéDum. Déjà, beaucoup d’activités y sont offertes. Peut-être que plusieurs pourraient en être intéressés ?

Le récit vise autre chose et ça concerne aussi le Centre étudiant : Jésus vient chercher Simon dans l’ordinaire de son quotidien. Simon est un homme simple. Il exerce un métier connu. Jésus emprunte son langage et ses représentations pour entrer en dialogue avec lui. Son appel vient s’ancrer dans l’expérience de vie de Simon. Désormais, Jésus le Seigneur se fait proche de Simon-Pierre dans tout le mystère de son être. Mais en même temps, il le bouscule sérieusement. Il lui demande d’être pêcheur d’hommes. Une telle mission comporte des défis et des risques et, à première vue, dépasse Simon-Pierre complètement.

Comment le Seigneur s’y prend-il pour s’approcher de nous là où nous sommes dans chacune de nos vies ? Il nous invite à avancer au large. Comme il est difficile de quitter nos zones de confort pour aller de l’avant en eaux profondes à la suite de Jésus. Poser cet acte demande audace, patience, espérance au souffle de l’Esprit du Christ Ressuscité.

Mais vous n’êtes pas seul.e.s. Souvenez-vous toujours de la présence de votre communauté. Elle vous aide à suivre le Seigneur tout comme pour Simon-Pierre, Jacques et Jean dans la simplicité de vos quotidiens. De la table de la Parole, passons à la table de l’Eucharistie, demandons-lui, la grâce de Dieu d’être toujours avec nous.

Sylvie Latreille, L.O.P.

 

PRIÈRE

Dans ton inlassable tendresse,
nous t’en prions, Seigneur,
veille sur ta famille :
elle s’appuie sur la grâce du ciel, son unique espérance ;
qu’elle soit toujours assurée de ta protection.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.