2 février 2025
Consacrée à Lui
En cette Journée mondiale de la vie consacrée, Lucile Chiron des Filles de Notre-Dame de l’Inculturation nous livre son parcours touchant où elle répond avec amour à l’appel du Seigneur jusqu’à trouver la place qu’Il lui réservait.

LIVRE DU PROPHÈTE NÉHÉMIE (8, 2-4a.5-6.8-10)
En ces jours-là, le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi.
Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre.
Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les Lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! »
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS (12, 12-30)
Frères, prenons une comparaison : le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps.
Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres.
Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps », il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourrait-on entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ?
Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous. »
Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres.
Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.
Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses.
Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (1, 1-4 ; 4, 14-21)
Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus.
En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe.
Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Homélie
Comme nous l’avons entendu dans l’Évangile, tout premier né de sexe masculin devait être consacré au Seigneur. Ça c’était valable pour la première Alliance (notre Ancien Testament). Mais voici que maintenant nous sommes dans la Nouvelle Alliance, une alliance à la fois nouvelle et éternelle scellée par le sang du Grand Prêtre miséricordieux, Jésus Christ, dont nous avons entendu parler dans la deuxième lecture. Dans cette alliance nouvelle, c’est par le baptême qu’on est consacré à Dieu. Et parmi tous ces baptisés, Il en appelle certains à être unis à Lui d’une manière particulière. Ce sont ces personnes que nous appelons « personnes consacrées ». J’en fais partie.
Je suis membre d’un Institut séculier de vie consacrée. Une forme de vie pas très connue…. Dans les Instituts séculiers, nous vivons la radicalité des conseils évangéliques en plein cœur du monde. Les conseils évangéliques sont la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, c’est à-dire les vœux que font tous les consacrés. Dans notre Institut, on fait en plus un quatrième vœu : celui de la communion, de promouvoir l’esprit de communion.
De mon côté, j’ai fait mes vœux perpétuels il y a moins d’un mois, dans ma paroisse d’origine en France. C’est donc une jeune mariée que vous avez en face de vous ! J’ose parler de « mariage » avec Jésus, car oui, faire ses vœux perpétuels, c’est un acte d’Espérance, en comptant sur la fidélité éternelle de Dieu ; mais c’est aussi et avant tout un acte d’Amour ! Alors, je vous propose de vous raconter (brièvement !) cette histoire d’Amour que j’ai vécue avec Celui de qui je suis récemment devenue l’épouse.
L’histoire de ma relation avec Jésus, c’est l’histoire de mon ami d’enfance, que mes parents m’ont fait connaître depuis ma naissance, et qui est aujourd’hui devenu mon époux pour toujours. Sans doute ne s’attendaient-ils pas à me faire rencontrer l’homme de ma Vie quand ils m’ont portée vers les eaux du baptême… mais ils ont permis que Jésus fasse partie de notre quotidien en famille : on allait à la messe les dimanches, on priait parfois en famille, etc. J’ai donc grandi dans cette amitié avec Jésus qui est devenu un ami de plus en plus intime au fil des ans.
Cette relation avec Lui a pris un tournant décisif lors d’un semestre universitaire en Amérique du Sud. J’étais alors étudiante en cultures et langues étrangères, spécialité espagnol, et, durant ma troisième année de licence, on avait un semestre à faire en pays hispanophone. C’est peut-être parce que j’étudiais alors en espagnol que le Seigneur a choisi de me draguer dans cette langue. Je n’avais pas encore 20 ans et c’était la première fois de ma vie que je partais aussi longtemps et aussi loin de chez moi, de ma famille, de mes amis, de mon quotidien… ça m’effrayait un peu. Alors mon premier réflexe, en descendant de l’avion, a été d’aller chercher l’église la plus proche. Je me suis posée devant le tabernacle et j’ai entendu un refrain de Taizé qui passait en boucle : « Nada te turbe, nada te espante, quien a Dios tiene, nada le falta ; sólo Dios basta » (Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie, qui a Dieu ne manque de rien ; Dieu seul suffit). Je sentais que ce chant était « pour moi » et cette dernière parole a résonné très fort dans mon cœur : Oui, Dieu seul suffit. Lui seul suffit à ma joie ! Et pendant mes 6 mois en Amérique du Sud, cette parole est restée gravée dans mon cœur jusqu’à ce que je comprenne que vraiment Lui seul pourrait à jamais suffire à mon bonheur, combler mon cœur. C’est là que j’ai compris qu’Il m’appelait à être toute à Lui.
La seule forme de vie consacrée que je connaissais était la vie religieuse. Alors, dès mon retour en France j’ai commencé à chercher une congrégation religieuse. Je me suis approchée de plusieurs… mais je sentais qu’aucune ne correspondait véritablement à l’appel que je ressentais. Un déclic a eu lieu le jour où un ami prêtre m’a donné la signification de mon prénom : Lucile, ça vient de lucis ancilla = servante de la Lumière. Cette Lumière qu’est le Christ, Lumière que nous célébrons de manière toute particulière aujourd’hui. Je me suis alors « vue » comme un tabernacle vivant duquel jaillissait la Lumière du Christ sur le monde. Ce jour-là, j’ai compris quelle était ma vocation spécifique : 1/ une vie toute donnée à Dieu et à l’annonce de la Bonne Nouvelle de Son Amour ; 2/ une vie en plein cœur du monde pour y rayonner Sa Lumière ; 3/ une vie avec d’autres en fraternité. Je savais ce à quoi j’étais appelée… mais sans trouver de cadre ecclésial correspondant à cet appel.
C’est finalement plusieurs années plus tard que le Seigneur m’a « donné » ce cadre, lorsque j’ai fait la rencontre de Catherine. Catherine est une amie d’une dizaine d’années de plus que moi que j’avais rencontrée sur ma paroisse à Angers. Je ne savais pas grand-chose d’elle si ce n’est qu’elle venait d’Afrique (du Bénin spécifiquement) et qu’elle était consacrée. Le Seigneur a permis que je lui partage spontanément, comme à une amie, les intentions et aspirations qu’Il avait Lui-même déposées en mon cœur. Elle me disait que cela rejoignait ce qu’elle vivait avec ses Sœurs. Et quand elle me partageait ce qu’elles vivaient ensemble, mon cœur brûlait. C’est ainsi que l’été suivant, je suis allée partager plusieurs semaines avec Catherine et ses Sœurs, au Bénin et au Burkina Faso. J’ai découvert d’une part qu’Il s’agissait d’un tout jeune Institut, dont Catherine elle-même était la fondatrice. Mais j’ai surtout su que c’était précisément là que le Seigneur m’attendait. Pourtant cela m’effrayait, car tous les membres de l’Institut sont des Africaines… et nos cultures sont si différentes, nos manières de penser et de fonctionner parfois opposées…. Pourtant, le Seigneur avait mis en mon cœur une paix profonde. J’ai donc commencé à cheminer avec elles.
Un an plus tard, je quittais définitivement la France pour faire mon entrée en probation au sein de l’Institut, au Bénin. Quelques jours après cette étape, je suis allée avec mes Sœurs à une prière de Taizé qui rassemblait des centaines de jeunes à Cotonou (Bénin). Et lors de cette prière, le côté insurmontable de cet appel spécifique me revenait : je me sentais incapable de vivre comme seule Française au milieu de mes Sœurs Africaines… Et, alors que j’offrais en silence mes larmes au Seigneur, un chant a commencé à apaiser mon cœur. Je ne comprenais pas les paroles qui étaient en langue fon mais déjà il me donnait la paix. J’ai alors pris le feuillet et regardé la traduction de ce chant : « Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie. Qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit. » J’ai alors compris de nouveau et pour de bon que le Seigneur vraiment suffisait à mon bonheur, et que c’était vraiment au milieu de celles qui sont aujourd’hui mes Sœurs qu’Il m’assurait que je trouverais ce bonheur.
Depuis à peine un mois, je suis donc membre pour toujours de cet Institut qui s’appelle les Filles de Notre Dame de l’Inculturation. Dans « Inculturation », c’est le « in » de « Incarnation » : le Seigneur qui prend chair de notre humanité vient nous rejoindre chacun et chacune dans nos cultures humaines pour les transformer de l’intérieur. Et cette œuvre de l’Inculturation ne peut se vivre sans la dimension de l’interculturalité. C’est en Jésus, cette Lumière des Nations que Syméon avait déjà discernée, que tous les hommes, toutes les nations, toutes les cultures, sont appelés à communier avec Lui et en Lui. Qu’Il nous en donne la grâce, à tous et chacun, et de manière toute particulière en cette terre et cette Église montréalaise, si profondément interculturelle, mais unie dans une même Espérance : celle de son Salut qui est déjà donné et révélé à la face des peuples de la terre. Amen.
Sr. Lucile Chiron, F.N.D.I.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant, Dieu de majesté,
nous t’adressons cette prière :
puisque ton Fils unique, ayant pris notre chair,
fut en ce jour présenté dans le Temple,
fais que nous puissions, avec une âme purifiée,
être présentés devant toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.