Homélie, jeudi de la 3ème semaine du Temps ordinaire

30 janvier 2024

La foi, à quoi ça sert?

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite à examiner notre façon de vivre notre foi avec la parabole de la lampe sous le boisseau : la laissons-nous vraiment rayonner et, si non, pourquoi?

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Homélie

La question retentit inévitablement dans le milieu scolaire, un jour ou l’autre. Les parents ne manquent pas non plus de l’entendre de leurs enfants : « à quoi ça sert ? » À quoi ça sert, l’étude de l’histoire, des mathématiques, de la philosophie ou de je ne sais quel autre sujet plus ou moins humaniste. La question implique que tout ne vaut que par son utilité et que l’utilité de ce qui est immatériel doit être démontrée. Les grandes valeurs ne viennent pas forcément avec un mode d’emploi.

Si vous faites l’acquisition d’un appareil ménager ou de n’importe quel objet le moindrement technique ou mécanique, il sera le plus souvent accompagné d’un feuillet ou même d’un livret d’instructions, que la plupart des consommateurs ne lisent pas. Personne n’a besoin d’un guide pour le bon usage d’une lampe électrique. Pourtant, la parabole de l’évangile nous parle du bon et du mauvais usage d’une lampe.

L’Évangile ne nous dit rien de la réaction de l’auditoire, mais quelqu’un aurait fort bien pu intervenir pour dire que cela se passe d’explication, que le sens commun veut que la lampe, un objet bien concret, soit mise dans un endroit où elle pourra remplir sa fonction. Il ne viendrait à personne l’idée de la mettre sous le lit ! Ce serait d’un ridicule achevé si quelqu’un agissait de la sorte. Alors, pourquoi nous servir ce petit morceau de sagesse qui tombe sous le sens ? Où l’évangéliste Marc veut-il en venir en nous rapportant cette courte parabole ? Contrairement à celle du semeur, nous sommes à nos frais pour en trouver l’explication.

Tout le monde sait donc comment se servir d’une lampe. Elle peut être décorative, mais sa valeur tient dans son utilité. Cela va sans dire, la lampe éclaire ! Et si nous en détenons une, c’est que nous considérons sa clarté comme bénéfique, nécessaire. Normalement, nous en faisons bon usage. Cela va de soi.

C’est ici que l’évangéliste Marc nous attend au détour pour projeter un peu de lumière sur une zone qui mérite un éclairage. Si nous reconnaissons tout ce que l’on dit sur la lampe, pourquoi n’appliquons-nous pas la même sagesse pratique en ce qui concerne notre foi ? Nous disons volontiers que la parole de Dieu est notre lumière, notre guide. C’est elle qui nous éclaire, donne un sens profond à notre existence. Mais le traitement que nous en faisons correspond-il vraiment à nos convictions ? La parabole ne vient-elle pas dénoncer nos incohérences ? Elle nous tiendrait à peu près ce discours : « vous qui jugez déraisonnable la personne qui mettrait une lampe sous le lit, n’agissez-vous pas de la sorte avec la parole de Dieu ». Il semble que Marc voulait secouer la discrétion des membres de sa communauté chrétienne. À ses yeux, leur témoignage manquait de visibilité. Notre foi n’a pas seulement une dimension de communion entre Dieu et nous. Elle a aussi une utilité, une fonction, une mission. Elle doit éclairer. Ne pas être cachée.

Jésus n’a pas énoncé beaucoup d’exigences envers ses disciples au moment de leur recrutement. Il leur demandait seulement d’être avec lui et de participer à sa mission. Toutefois, dans un passage central, il les invitait aussi à renoncer à eux-mêmes et prendre leur croix. Il ajoutait une remarque qui risque de passer inaperçue et qu’il importe peut-être de relever aujourd’hui, en lien avec la parabole de la lampe. C’est au chapitre 8 : « Car si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’Homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges ». C’est ainsi que le disciple de Jésus est interpellé. Le « respect humain » nous empêcherait-il de vivre notre foi ? d’en témoigner ? La foi, ça sert à désigner une présence aimante.

Notre discrétion aura toujours de bonnes justifications. Il ne s’agit pas d’importuner l’entourage avec une lumière indésirable ou malvenue. Il faut respecter l’autre et son espace. Mais de là à « mettre la lampe sous le lit », à y aller d’un contre-usage, il y a une marge. Le pire, c’est que, dans le cas d’une lampe, nous en voyons immédiatement l’incongruité, pour ne pas dire la stupidité. « Qui serait assez imbécile pour mettre une lampe sous son lit ? », nous récrions-nous. Mais avec quelle indifférence nous arrive-t-il de traiter de la sorte la parole de Dieu, la lumière de la foi !

Il reste que dans une société comme la nôtre, il n’est pas aisé de mettre sa foi en lumière. Et ce n’est pas ce qui nous est exigé. La lumière de la foi doit d’abord être disponible pour soi. Nous nous en privons (métaphoriquement) en la dissimulant sous le lit. Elle ne nous éclaire plus, et notre entourage n’en bénéficie pas non plus. Nous vivons alors avec la foi, sans la foi. Nous sommes appelés à vivre dans la lumière de la foi. Si nous nous exposons à sa lumière, elle sera en mesure de remplir sa fonction pour nous comme pour les autres.

Pour reprendre les mots de la première lecture, « avançons-nous vers Dieu avec un cœur sincère et dans la plénitude de la foi ». Faisons bon usage de cette lumière qui nous est donnée et qui nous éclaire en tous lieux !

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Tu as voulu, Seigneur Dieu,
que par la grâce de l’adoption filiale,
nous devenions des enfants de lumière ;
ne permets pas que nous soyons enveloppés
des ténèbres de l’erreur,
mais accorde-nous d’être toujours rayonnants
dans la splendeur de ta vérité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.