27 janvier 2024
Le drame de la non-foi
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., déplore le fait que, à l’image des pharisiens et des scribes de l’époque de Jésus, notre monde moderne à du mal à reconnaître en celui-ci le Dieu-incarné et le Sauveur de l’humanité.
LETTRE AUX HÉBREUX (9, 15.24-28)
Frères, le Christ est le médiateur d’une alliance nouvelle, d’un testament nouveau : puisque sa mort a permis le rachat des transgressions commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l’héritage éternel jadis promis.
Car le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu.
Il n’a pas à s’offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (3, 22-30)
En ce temps-là, les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient : « Ce Jésus est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons. »
Les appelant près de lui, Jésus leur dit en parabole : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut pas tenir. Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir. Si Satan s’est dressé contre lui-même, s’il est divisé, il ne peut pas tenir ; c’en est fini de lui. Mais personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, s’il ne l’a d’abord ligoté. Alors seulement il pillera sa maison.
« Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés. Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. »
Jésus parla ainsi parce qu’ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur. »
Homélie
Jésus, dès le début de son ministère en Galilée, a fait problème, en particulier pour les autorités religieuses. Car il y avait chez lui quelque chose de déroutant. D’une part il avait le pouvoir de guérir beaucoup de malades, même des lépreux. Ses guérisons révélaient qu’il disposait de pouvoirs paranormaux. En parallèle, il proposait un enseignement religieux original mais qui, sur divers points, remettait en question la tradition religieuse d’Israël. La surprise, c’est qu’il enseignait avec autorité alors même qu’il n’était pas passé par les grandes écoles de formation théologique de Jérusalem. D’autre part, lui qui affirmait faire la volonté de Dieu, il se permettait de fréquenter ouvertement des catégories de gens qu’un bon juif ne devait pas fréquenter : des pécheurs comme les gens chargés de collecter les impôts romains ou encore des femmes qui vivaient ou avaient vécu de la prostitution. Face à un tel homme, les scribes et les pharisiens étaient sérieusement déroutés. Ils se sentaient incapables de reconnaître en lui un envoyé de Dieu. À leurs yeux, Jésus constituait en outre une menace, tant pour la transmission de la Loi de Moïse que pour leur propre crédibilité aux yeux du peuple.
Dans l’épisode évangélique du jour, on voit les scribes affirmer que « c’est par le chef des démons qu’il (Jésus) expulse les démons ». Avec cette accusation, ils manifestaient leur refus de croire que Jésus pouvait être le Messie. En conséquence, ils devaient l’empêcher de continuer de semer la zizanie au sein de la population. Il fallait le déshonorer aux yeux du public, et ce, même s’il fallait mentir pour y parvenir. Cet effort de répression était urgent, car les scribes voyaient bien que Jésus regroupait des disciples et des sympathisants. Ils avaient aussi une autre bonne raison pour résister : n’allaient-ils pas trop à perdre en influence et en prestige social s’ils ne réussissaient pas à le réduire au silence ?
Par leurs agissements, les scribes ont très bien illustré la difficulté de croire en Jésus, la difficulté de reconnaître dans ses paroles et dans ses guérisons une manifestation de Dieu lui-même. Leur attachement absolu à leur tradition religieuse les aveuglait. Ajoutons cependant qu’ils n’étaient pas isolés dans leur résistance à Jésus. Bien des gens, en Israël, qui avaient entendu la prédication de Jésus et qui avaient été témoins de miracles, ont continué de faire confiance aux scribes après la mort de Jésus.
La dimension tragique que comporte la non-foi en Jésus, nous l’observons très bien dans notre monde moderne. Depuis le XIXe siècle, dans le monde occidental du moins, nous assistons à l’émergence d’une vision de moins en moins religieuse du monde. On a régulièrement répété que l’avenir de l’humanité devrait avant tout s’appuyer sur les découvertes de la science ainsi que sur les technologies qui en découlaient. On rejetait l’appel à une transcendance située hors de notre univers matériel. Le destin de l’humanité devait se vivre dans le cadre historique que nous connaissons. D’où une résistance explicite, de la part d’une portion fort importante de la population, à une vision de la vie où Dieu pourrait intervenir dans la destinée des humains. Cette résistance est très marquée présentement : en 2024, on évaluait à 345 millions le nombre de chrétiens et chrétiennes discriminés ou persécutés dans le monde. Plusieurs gouvernements asiatiques et du Moyen-Orient sont directement impliqués dans cette répression anti-chrétienne. Jésus, avec son Évangile, dérange, il est vraiment de trop. À déplorer aussi le fait que les pays auparavant façonnés par le christianisme voient actuellement leurs populations de chrétiens diminuer de façon marquée. Le drame, c’est que la promesse d’une vie en communion avec Dieu n’éclaire plus le regard de dizaines de millions de personnes.
Quand nous considérons l’attitude des scribes, quand nous considérons celle de plusieurs gouvernements du monde, nous devons reconnaître que la foi au Christ Jésus constitue tout un défi. Les résistances rencontrées font voir qu’elle est un don de Dieu. C’est pourquoi nous devons rendre grâce pour ce don qui nous a été fait et qui donne un sens plénier à nos vies.
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
tu montres aux égarés la lumière de la vérité,
pour qu’ils puissent reprendre le bon cheminement ;
donne à tous ceux qui se déclarent chrétiens
de rejeter ce qui est contraire à ce nom
et de rechercher ce qui lui fait honneur.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.