26 janvier 2024
Cet aujourd'hui du Salut !
En ce dimanche, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous apprend à voir le monde avec les yeux de l’Esprit agissant de Dieu, à détecter la réalisation de sa promesse dans le présent et à vivre du Salut aujourd’hui !
LIVRE DU PROPHÈTE NÉHÉMIE (8, 2-4a.5-6.8-10)
En ces jours-là, le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi.
Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre.
Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les Lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! »
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS (12, 12-30)
Frères, prenons une comparaison : le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps.
Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres.
Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps », il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourrait-on entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ?
Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous. »
Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres.
Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.
Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses.
Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (1, 1-4 ; 4, 14-21)
Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus.
En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe.
Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Homélie
Cette année, l’Évangile selon Luc est notre premier guide au fil des dimanches. En tout début, nous avons le prologue qui introduit son livre. Il nous éclaire sur sa visée et son approche. Plus de cinquante ans après les événements, Luc a écrit un récit informé et structuré pour soutenir et solidifier la foi des chrétiens, ici d’origine païenne, i.e. non juive. Il s’agit d’une catéchèse qui s’inscrit dans la formation à la vie chrétienne. Et, excellent Théophile, à qui il s’adresse, c’est nous, ses lecteurs actuels.
Au cœur de cet Évangile, Luc fait ressortir l’aujourd’hui du salut qui advient en Jésus. Un salut fait de joie, de libération, de lumière. Parfois, nous nous disons que le salut, ce serait bien beau. Ce le sera sûrement demain, ce demain de rêve où tout sera transformé. En attendant, il nous reste nos routines et nos inquiétudes, des espérances usées et nos sensibilités endormies. Car où sont aujourd’hui les signes de salut ? Comment les reconnaître ?
Ce passage de Luc peut nous aider à regarder autrement notre aujourd’hui, comme croyant ou croyante en recherche, comme personne engagée dans une Église incertaine de son avenir, et comme citoyens de sociétés en crise. Regarder notre aujourd’hui par-delà nos essoufflements et nos soucis. Luc nous présente ici la première prédication de Jésus, à Nazareth où il a vécu, dans un lieu de rassemblement et de Parole, la synagogue. C’est l’occasion de mettre en lumière le programme de Jésus : Qu’est-ce que cet homme Jésus vient faire ? Qu’est-ce qui le préoccupe ?
Nous y rencontrons un prophète qui vient bouleverser des situations, transformer des vies ; non pas un autre rêveur décroché et sans conséquence mais une présence, une parole et des gestes qui vont délivrer les captifs, libérer les opprimés et rendre la vue aux aveugles. Non pas plus tard peut-être, si ça adonne, mais : « Aujourd’hui s’accomplit cette parole ».
Où sont les signes de salut aujourd’hui ? La puissance du même Esprit est aussi agissante aujourd’hui qu’elle l’était en Galilée. À nous de la reconnaître là où une présence, une parole, des gestes annoncent la Bonne Nouvelle, suscitent espérance et unité. En regardant près de nous, plus loin et jusqu’en nous, nous pouvons découvrir des transformations, qu’elles soient visibles ou peu perceptibles, où se reconnaît l’Esprit de Jésus et sa puissance à l’œuvre maintenant.
Là où des gens isolés, jeunes ou âgés, retrouvent la communion humaine et le goût de vivre, le sens de leur dignité. Là où des structures figées, politiques ou religieuses, qui écrasaient des êtres humains, commencent à s’effriter et à se renverser. Là où des préjugés, des méfiances, qui emprisonnaient des groupes, des peuples, des cultures, sont dévoilés et là où des murs de séparation s’écroulent. Là où la création, gémissant sous les esclavages du court terme et du profit, fait entendre sa voix et trouve des gardiens vigilants. Là où des hommes et des femmes se relèvent pour une vie nouvelle, après les blessures d’une vie familiale brisée. Là où la beauté des œuvres humaines, visuelles ou musicales, vient élever et mouvoir les cœurs. Là où…. À chacun ou chacune de compléter.
Ces signes, ils existent. Regardons bien au proche et au loin : il y a des témoins qui vivent et annoncent la Bonne Nouvelle. En y portant attention, peut-être verrons-nous mieux cet aujourd’hui du salut et sa présence vivifiante. Alors, au gré des jours et des décennies, à travers des projets à recommencer et des communautés à bâtir, demain deviendra différent et il sera un nouvel aujourd’hui.
Et nous là-dedans, nous sommes déjà des témoins de cet aujourd’hui et pouvons continuer de l’être avec plus de conviction et de constance. Pour cela, nous avons reçu des dons de l’Esprit, qui aime la diversité, qui donne toutes sortes de capacités aux personnes et aux communautés : la sagesse, la foi, la guérison, le prophétisme, le discernement, etc. (cf. 1 Co 12). Ces dons, ils sont présents dans cette assemblée, ici-même, aujourd’hui, comme aux siècles précédents, et en vue du bien de tous, comme dit saint Paul. Et pour qu’ils s’exercent activement, un autre don de l’Esprit est essentiel, celui de l’espérance. C’est ce que je nous souhaite en cette année jubilaire 2025, sous le thème annoncé par le pape François : Pèlerins de l’espérance.
En ce dimanche de la Parole, rendons grâce au Dieu vivant, pour tous les signes et les témoins de la joie de l’Évangile, hier, aujourd’hui et demain. Ensemble, rendons grâce pour les dons de l’Esprit présents en nous et nos réseaux, pour le bien de tous. Et pour le don et la Bonne Nouvelle du Corps du Christ, dont nous sommes membres. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
dans ta bienveillance, dirige nos actions,
afin qu’au nom de ton Fils bien-aimé,
nous portions des fruits en abondance.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.