12 janvier 2024
Bien regarder Jésus
Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous présente, à travers le récit du Baptême, le Messie à la fois actif et priant de l’évangile de Luc, nous révélant sa relation filiale avec le Père et sa liaison libératrice avec son peuple.
LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (40, 1-5.9-11)
Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes.
Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »
Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE À TITE (2, 11-14 ; 3, 4-7)
Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
Lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint.
Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (3, 15-16.21-22)
En ce temps-là, le peuple venu auprès de Jean le Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »
Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »
Homélie
Le temps des fêtes est terminé ! Il ne peut durer tout le temps, car la fête ne serait plus un temps spécial. Et la fête sans fin, qui viendra, est promise dans un avenir qui dépasse absolument nos calculs et projections. Aujourd’hui se termine le temps liturgique de Noël. Nous allons entrer entrons dans le temps ordinaire de l’année liturgique, jusqu’au temps du Carême. Mais, paradoxalement, nous entrons dans ce temps ordinaire de façon très solennelle avec le baptême et l’intronisation de Jésus. Luc le présente de façon particulière, comme le Messie, le Roi universel qui commence à régner. La voix du ciel, à la fin, est celle des Écritures (Psaume 2, 7) où Dieu reconnaît dans le roi son Fils.
Mais de quel règne s’agit-il ? La présentation du baptême de Jésus par Luc est plutôt originale. En fait, il ne dit ni ne montre rien du baptême ! Tout se passe avant et après le baptême, rien pendant. Jean-Baptiste lui-même disparaît de la scène après avoir annoncé Celui qui va baptiser dans l’Esprit et le feu. Mais, c’est important, déjà des traits marquants du Jésus de Luc sont introduits dans ce récit, non du baptême mais à son sujet. Et cela donne le ton pour le ministère de Jésus dans la suite de l’Évangile.
D’abord, Jésus, à ce moment-clé de sa vie, est en prière. Comme il le sera en Luc à tous les moments importants de sa vie, du choix des disciples à l’abandon au Père sur la croix, de la gloire sur la montagne de la transfiguration à l’épreuve au mont des Oliviers. En Luc, Jésus est très actif et relationnel, soucieux des plus pauvres et des pécheurs, brisant le cercle clos des exclusions. Mais régulièrement, il se retire seul ou avec ses disciples pour prier, pour renouer son intimité avec le Père, pour ressourcer son engagement et son don. Il est vraiment le Fils.
Puis, autre trait : Jésus est lié à son peuple. Il n’est pas un spirituel concentré sur sa seule aventure personnelle, toute intérieure et solitaire. Ce n’est pas le style de cet homme de prière. Luc mentionne le peuple avant le baptême : le peuple est dans l’attente et s’interroge. Puis, ce peuple lui aussi est baptisé. Jésus entre avec son peuple dans ce mouvement de recherche et de renouveau initié par Jean Baptiste. Au tout début de son Évangile, Luc avait montré Zacharie, le père de Jean Baptiste, sous la mouvance de l’Esprit, annonçant que Dieu visite et libère son peuple (Lc 1,68) : cela commence à s’accomplir. Dans la première prédication de Jésus à Nazareth, l’Esprit, celui reçu au baptême, est sur lui pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres et proclamer la libération (Lc 4, 18-19). Et cela s’accomplit aujourd’hui (4,20).
Luc insiste aussi tout au long de son Évangile sur cet aujourd’hui de la libération. À la naissance de Jésus, les anges annoncent aux bergers qu’aujourd’hui un Sauveur leur est né. Quand Jésus visite Zachée, il lui dit qu’aujourd’hui le salut est entré dans sa maison. Et sur la croix, Jésus répond au larron qu’aujourd’hui il sera avec lui dans le paradis. Le salut attendu par le peuple n’est pas seulement inscrit dans la mémoire ou espéré dans l’avenir : il advient maintenant. Et après le baptême, la voix du ciel parle d’un aujourd’hui de l’engendrement : Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré (cf. traductions de la BJ et de la Tob).
Ainsi, le baptême de Jésus est plus qu’une introduction à son ministère. Il est une inauguration. La figure du Messie et de son Règne prend des traits vifs et vivifiants, ses couleurs sont annoncées. Il sera un Messie avec son peuple, il sera un Fils d’intense prière, il sera un Sauveur agissant dans l’aujourd’hui de la vie des gens. Et tout cela est approuvé par les plus hautes autorités, avec la présence de l’Esprit évoquée par une colombe et celle du Père suggérée par la voix. Le ciel s’ouvre : la communication est rétablie entre la terre et le monde de Dieu, le ciel, après un passage dans l’eau.
Ce récit du baptême nous invite d’abord à regarder Jésus pour mieux saisir ses traits et pour entrer à notre tour dans l’attente qui prépare sa venue et dans le renouveau qu’il inaugure, marqué par un Esprit de nouvelle naissance. Mais aussi, une bonne façon de vivre maintenant notre propre baptême, au nom du Père, du Fils et de l’Esprit, est de nous laisser habiter par ces traits de Jésus que Luc souligne : la prière au cœur de la vie, la solidarité avec les gens, l’attention à l’aujourd’hui de la visite du Dieu vivant.
Qui sait, peut-être le ciel s’ouvrira-t-il aussi pour nous, avec ses colombes pacifiantes et ses voix encourageantes, en plein temps ordinaire, en plein temps incertains, pour nous redonner élan, pour ranimer notre espérance. Et ainsi (cf. 2e lecture : Tt 2,12-13), nous pourrons vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
quand le Christ fut baptisé dans le Jourdain,
et que l’Esprit Saint descendit sur lui,
tu l’as manifesté solennellement comme ton Fils bien-aimé ;
accorde à tes enfants d’adoption,
qui ont reçu la nouvelle naissance de l’eau et de l’Esprit,
d’être toujours fidèles à ce qui te plaît.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.