8 janvier 2024
Se laisser parler d’amour
Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., inspiré par les lectures du jour, nous invite à laisser notre foi chasser nos peurs et à nous laisser parler d’amour par Dieu.
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT JEAN (4, 11-18)
Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection. Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné part à son Esprit. Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.
Voici comment l’amour atteint, chez nous, sa perfection : avoir de l’assurance au jour du jugement ; comme Jésus, en effet, nous ne manquons pas d’assurance en ce monde. Il n’y a pas de crainte dans l’amour, l’amour parfait bannit la crainte ; car la crainte implique un châtiment, et celui qui reste dans la crainte n’a pas atteint la perfection de l’amour.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (6, 45-52)
Aussitôt après avoir nourri les cinq mille hommes, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule. Quand il les eut congédiés, il s’en alla sur la montagne pour prier.
Le soir venu, la barque était au milieu de la mer et lui, tout seul, à terre. Voyant qu’ils peinaient à ramer, car le vent leur était contraire, il vient à eux vers la fin de la nuit en marchant sur la mer, et il voulait les dépasser. En le voyant marcher sur la mer, les disciples pensèrent que c’était un fantôme et ils se mirent à pousser des cris. Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
Il monta ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba ; et en eux-mêmes ils étaient au comble de la stupeur, car ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci.
Homélie
Au Québec, qui ne connaît pas la célèbre chanson composée par Gilles Vigneault à l’occasion de la fête nationale ? Elle est reprise systématiquement à tous les anniversaires : « c’est à ton tour de te laisser parler d’amour ! »
Ce petit refrain nous permet d’exprimer notre affection pour les personnes qui nous sont chères. Il laisse toutefois entendre que ce n’est pas notre langage habituel, que l’on fait un spécial ce jour-là. Pour la personne objet de ces mots d’amour, c’est comme si son tour de se laisser parler d’amour ne venait qu’au moment de célébrer son anniversaire.
Autre petit sous-entendu de ce refrain populaire : nous résistons en temps normal à nous « laisser parler d’amour ». La personne célébrée est invitée à renoncer à se défendre contre cette expression, à l’autoriser, à laisser son entourage lui « parler d’amour ». Grâce à Gilles Vigneault, il nous est devenu plus facile de dire notre amour à nos proches, et aussi d’accepter d’accueillir ce déferlement d’affection, affection bien dissimulée la plupart du temps. C’est que nous, humains, avons de ces pudeurs !
Dieu, pour sa part, ne se prive pas de nous dire son amour. Les lettres de Jean, dont l’extrait entendu un peu plus tôt, parlent d’amour sans discontinuer. Pas moins de 12 occurrences dans la seule lecture d’aujourd’hui ! C’est notre fête ! Un véritable florilège : « Dieu nous a tellement aimés », « nous devons nous aussi nous aimer les uns les autres », « si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour atteint la perfection », « Dieu est amour », « qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui », « il n’y a pas de crainte dans l’amour », « l’amour parfait bannit la crainte ». Ce message nous est destiné, à nous, ses « bien-aimés » !
Laissons-nous aimer ! Abandonnons nos résistances ! Laissons-nous parler d’amour par Dieu !
Si « L’amour parfait bannit la crainte », comme l’affirme saint Jean, l’Évangile selon saint Marc nous fait comprendre de façon saisissante que la foi aussi chasse la peur. Les disciples ont déjà accepté de s’aventurer en mer. Dans l’imaginaire collectif des gens de Judée, la mer est le lieu de tous les dangers, l’habitat de puissances maléfiques. Ce serait le contraire de la paix de qui demeure dans l’amour ! Le vent se mettant de la partie, l’équipée devenait de plus en plus menaçante. Et voilà que les disciples aperçoivent Jésus qui vient à eux en marchant sur la mer ! Il ne prend à personne l’idée d’applaudir comme à une représentation du Cirque du Soleil. Ils sont plutôt saisis d’effroi devant cette apparition. Arrivé à leur hauteur, Jésus les rassure. Il n’est pas un fantôme et leur fait cette injonction : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
L’évangéliste Marc ne nous transmet aucune apparition du Ressuscité, mais cet épisode en contient tous les éléments. La liturgie, en nous le présentant dans la semaine qui suit l’Épiphanie, s’attache à nous manifester le mystère de la personne de Jésus. Comme Dieu, il a son sentier sur les eaux. En marchant sur la mer, c’est comme s’il marchait sur ses ennemis, victoire acquise par sa Mort et Résurrection. Il a piétiné les forces du mal et même le vent lui obéit !
Nous pouvons lui faire confiance ! (au point d’abandonner toutes nos peurs…) Il est même assez puissant pour que nous acceptions de nous laisser parler d’amour par Dieu !
Fr. Raymond Latour, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
toi qui éclaires toutes les nations,
accorde aux peuples de la terre,
la joie de vivre toujours en paix,
et diffuse en nos cœurs cette admirable lumière
que tu as répandue sur nos pères dans la foi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.