Homélie, dimanche de l’Épiphanie

5 janvier 2024

Les non-dits sur les mages

En ce dimanche de l’Épiphanie, le frère Yvon Pomerleau, O.P., nous invite à plonger dans les non-dits évangéliques à propos des mages pour enrichir notre quête de sens et de vérité.

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Homélie

Encore une fois, en cette nouvelle année, je suis invité à assurer la prédication pour la fête de l’Épiphanie. Comment éviter la répétition d’homélies précédentes? Eh bien, j’ai choisi de vous parler ce matin des non-dits des évangiles sur les mages.

Une remarque préliminaire : le calendrier liturgique a intitulé la fête de ce jour dimanche de l’Épiphanie et non pas dimanche des mages. L’Épiphanie, la manifestation de Jésus, se décline en trois événements : les noces de Cana, le baptême de Jésus et l’adoration des mages. Comme chaque année, c’est le texte de Matthieu 2, 1-12 qui nous est proposé ce matin. En fait, c’est le seul Évangile de Matthieu qui nous parle de la visite de mages. On ne trouve nulle part ailleurs dans les quatre évangiles de mention de mages. Le premier verset de cet évangile.se formule ainsi : « Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem ». Mon attention va porter ce matin sur les non-dits dans ce verset et qui font partie de notre image des mages. Les non-dits dans la lecture des évangiles ont une importance : on cherche à combler les vides et on finit par croire que ce qu’on ajoute fait partie du message évangélique lui-même.

Le premier verset de notre évangile soulève quelques questions. Qui sont les mages? Combien sont-ils? Comment s’appellent-ils? D’où viennent-ils? …Qui sont les mages? Les mages sont devenus, dans le langage courant, les rois mages. On les trouve souvent, dans l’art, coiffés d’une couronne. Le fait que l’un des cadeaux que les mages ont apporté à l’enfant soit de l’or suggère qu’eux-mêmes étaient rois. Dans l’art, on a aussi vêtu nos rois de riches habits qui évoquent la royauté. Cette mention de la royauté pour les mages n’a rien de surprenant mais ne se trouve nulle part dans le récit de Matthieu. Combien sont les mages? Notre réponse spontanée est sans doute de dire trois mais cela n’est précisé nulle part dans l’évangile de Matthieu. C’est probablement à partir des cadeaux remis à l’enfant, des trois cadeaux, à savoir l’or, l’encens et la myrrhe, que le nombre des mages a été fixé à trois. Pourtant dans l’Église d’Orient, on a considéré à une époque qu’ils étaient douze, comme les douze tribus d’Israël et les douze apôtres. Comment s’appellent-ils? Les mieux informés d’entre nous diront : Gaspard ou Caspard, Melchior et Balthazar. En Allemagne, encore aujourd’hui, une belle tradition existe pour la fête de l’Épiphanie : on inscrit sur le linteau de la maison les trois lettres CMB, avec les chiffres de la nouvelle année pour signifier à la fois les noms des trois mages – Caspard, Melchior et Balthazar – et exprimer le souhait suivant : Christus Mansionem Benedicat (Que le Christ bénisse la Maison). D’où viennent nos mages? Encore une fois, l’évangile de Matthieu ne précise pas le pays. Les savants se disputent avec arguments à l’appui entre la Perse, pays où l’astrologie était populaire et l’Arabie plus proche du pays des Juifs.

On pourrait faire la même analyse pour le dernier verset de notre évangile : « ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays ». Ici encore fusent les questions liées au non-dit : Où retournent-ils? Que deviennent-ils? Les réponses fusent… pour combler le vide. Une belle légende nous dit qu’ils se dirigèrent vers l’Asie et qu’ils furent baptisés par l’apôtre Thomas, le grand évangélisateur de l’Inde. Une peinture ancienne, dans une église d’Allemagne, nous montre les trois mages avec couronne sur la tête, dans une même cuve baptismale … et ensuite ordonnés prêtres et couronnés évêques. Leurs dépouilles mortelles se promèneront ensuite de Constantinople à Milan pour enfin se trouver au cœur de la cathédrale de Cologne. Une belle et édifiante histoire, n’est- ce pas?

Quelle conclusion tirer des non-dits de l’évangile des mages … et de beaucoup d’autres récits évangéliques? Si les vides à combler peuvent entrainer des débordements fantaisistes, ne peuvent-ils pas aussi provoquer un enrichissement du message évangélique, une poursuite de la quête de sens, une appropriation culturelle de la Bonne Nouvelle? Bonne fête des Rois Mages … et que le Seigneur bénisse notre communauté!

Fr. Yvon Pomerleau, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
par l’avènement de ton Fils unique,
tu as bien voulu rayonner d’une lumière nouvelle ;
puisque nous l’avons vu prendre un corps comme le nôtre,
en devenant l’enfant de la Vierge,
accorde-nous d’avoir part à la grâce dans son Royaume.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.