Homélie, jeudi de la 3ème semaine de l’Avent

19 décembre 2024

Dieu a fait grâce !

Alors que la liturgie du jour nous présente deux naissances miraculeuses qui ont précédé celle de Jésus, le frère Raymond Latour, O.P., nous explique comment ces deux histoires et leurs personnages ont pavé la voie pour le Messie en préparant le peuple juif pour son arrivée.

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Homélie

Il aurait peut-être fallu adresser une mise en garde aujourd’hui : « attention, la liturgie vous présentera le Dieu de l’impossible, vous entendrez — par des anges! — deux annonces de naissances miraculeuses. » Notre culture est en effet plutôt à distance avec des récits où le merveilleux intervient pour confondre une sagesse toute humaine.

Il n’empêche que ces récits ont parlé à des générations de croyants et croyantes et conservent une portée que nous aurions tort de négliger. Le cadre des naissances mystérieuses intervient régulièrement pour signaler que l’enfant à naître aura une mission particulière et décisive, marquant par là une étape dans le dessein de salut de Dieu. « Le salut est l’œuvre de Dieu », veut-on nous faire comprendre. Pas d’autre garantie que sa parole ! Le pauvre Zacharie en est resté bouche bée!

Ce n’est qu’à la naissance de Jean Baptiste qu’il a confessera l’intervention divine, parlant et bénissant Dieu. Cette naissance répondait à ses prières, déclarait l’ange. La prière de Zacharie visait peut-être autre chose qu’une naissance : la réalisation des promesses de Dieu… Comme Zacharie, il nous arrive d’être déconcertés par les voies surprenantes que Dieu peut emprunter. Idéalement, nous devrions nous attendre à tout et n’être surpris de rien ! Que Dieu se serve par exemple de naissances extraordinaires pour exprimer que son plan de salut est un acte de recréation.

Deux naissances nous sont données, quelques jours avant de célébrer l’avènement du Fils de Dieu en notre monde. L’œuvre de Dieu ne s’est pas réalisée sans préparation. Une longue préparation, jalonnée d’étapes qui menaient à une réalité qu’aucun prophète n’avait pu concevoir : l’entrée de Dieu dans l’histoire humaine, le Verbe fait chair, la Parole qui habite parmi nous.

Samson et Jean Baptiste auront été des relais prophétiques qui avaient pour mission de « préparer un peuple bien disposé ». Samson. Le nom signifie « soleil ». C’est un personnage de haute stature, aux dimensions de Hercule dans la mythologie romaine. Il était doté d’une force extraordinaire qui résidait dans ses cheveux. Dans mon enfance, le cinéma nous présentait des films avec ces hommes plus grands que nature qui pouvaient littéralement faire tomber les colonnes du temple! Il était « nazir », consacré à Dieu, dès avant sa naissance et exercera la fonction de Juge en Israël pendant une vingtaine d’années. Il incarne la tradition des Juges.

Quant à Jean le Baptiste, la prophétie adressée à Zacharie nous laissait attendre un homme avec « l’esprit et la puissance du prophète Élie ». Pour l’esprit, tous conviennent qu’il en était rempli, mais malgré les comparaisons soutenues avec le prophète Élie, on ne lui connaît pas de miracles ou d’actions prodigieuses. Sa mission de prédicateur annonçait bien celle de Jésus qui l’a classé comme le plus grand des prophètes. Tous deux ont manifesté la force de Dieu d’une manière inattendue.

Il y a quand même deux femmes dans ces récits aujourd’hui, il ne faudrait pas les passer sous silence. La mère de Samson était une femme stérile. Avant même Marie, elle reçoit cette étonnante affirmation : « tu vas concevoir et enfanter un fils ». Malgré son état, elle accueille la révélation de l’ange et la rapporte intégralement à son mari. Aucune question, aucune protestation de leur part. Le couple semble répondre docilement à un décret divin, une obéissance de foi qui sera bien récompensée. Quant à Élisabeth, qui était déjà vieille, elle partageait aussi le sort de la « femme stérile », ce qui, nous dit l’Évangile, « était sa honte devant les hommes ». Malgré cet état qu’elle aurait pu vivre comme une malédiction, elle restait fidèle à Dieu, suivant les commandements de « façon irréprochable », précise-t-on. Voilà pour nous des modèles d’une ouverture à Dieu qui se nomme espérance.

Nous ne sommes peut-être pas Samson, mais cheveux longs ou cheveux courts, nous sommes tous des « nazirs », des êtres consacrés à Dieu. « Dieu a fait grâce », c’est la signification du nom de Jean dont la principale fonction sera de manifester par le baptême la proximité du règne de Dieu. Par notre baptême, comme eux, nous aussi avons été « remplis d’Esprit Saint ». Nous avons à exercer dans notre monde une vocation prophétique, avec cette conscience de la naissance mystérieuse qui nous a été accordée. La grâce de notre baptême nous a-t-elle déjà fait découvrir que rien n’est impossible à Dieu ?

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
par la maternité de la Vierge sainte,
tu as voulu révéler au monde la splendeur de ta gloire ;
nous t’en prions :
accorde-nous de vénérer le mystère si grand de l’incarnation
dans la pureté de la foi
et de le célébrer toujours dans l’obéissance du cœur.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.