Homélie, Dimanche de la Joie

15 décembre 2024

La Joie, c'est sérieux !

En ce dimanche de la Joie et dernière messe universitaire du Centre pour l’année 2024, le frère Yves Bériault, O.P., nous aide à découvrir les racines de notre joie pour accueillir le Christ dans nos vies.

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Homélie

Sur l’affiche annonçant notre célébration, il est écrit : La joie, c’est sérieux! Vraiment? N’est-ce pas un peu rabat-joie une joie qui est sérieuse? Il faut savoir que ce troisième dimanche de l’Avent, comme chaque année liturgique, est appelé le dimanche de la joie. Mais de quelle joie voulons-nous parler? Pour introduire ce dimanche, la liturgie reprend un passage du prophète Sophonie où il ne semble pas y avoir de retenue dans l’expression de cette joie :

Pousse des cris de joie, fille de Sion !
Éclate en ovations, Israël !
Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie,
fille de Jérusalem !

Et saint Paul d’insister dans notre deuxième lecture : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. » Mais une joie sérieuse? Certainement, c’est tout à fait juste. Bravo au concepteur de cette affiche.

Pour comprendre cette joie à laquelle nous sommes appelés, regardons comment il se fait que nous soyons ici ce soir en tant que communauté chrétienne ; comment par monts et par vaux, la joie d’une bonne nouvelle s’est frayé un chemin jusqu’à nous à travers ces quelques millénaires qui nous séparent des prophètes et de Jésus, le fils de Marie, et comment cette joie nous engage et nous rends responsables.

C’est ainsi qu’à chacune de nos eucharisties nous écoutons des textes bibliques, qui nous parlent à la fois de Dieu et de nous, de nous et de Dieu, de manière inséparable. Ces textes nous rappellent d’où nous venons et où nous allons, et qui est ce Dieu qui nous parle et nous conduit.

C’est ainsi que tout au long de la Bible, nous assistons à un lent dévoilement de qui est Dieu. Le mystère se déploie au fil des pages et des siècles que nous contemplons dans ce livre sacré, qui est une véritable bibliothèque, couvrant une période de près de 1000 ans d’histoire.

On y voit Dieu se révéler tout d’abord dans un contexte religieux du Moyen-Orient où les idoles surabondent, rivalisant parfois de cruauté et d’arbitraire. Les textes qui nous parlent de Dieu, ou qui lui donnent la parole, évoquent un Dieu qui se fraie un chemin au cœur d’un petit peuple de rien du tout, avec le seul but de se faire connaître et aimer. L’histoire de la Bible, c’est avant tout l’histoire du dévoilement de Dieu, et du sens même de ce monde avec ses milliards de galaxies.

Si Dieu se fait tout d’abord connaître dans la Bible comme le Dieu Tout Autre, le Dieu Créateur, le Dieu Tout-Puissant qui libère son peuple de l’Égypte et lui donne une terre ; peu à peu, Celui que l’on a appelé le Dieu des Armées, celui qui accompagne à la bataille, voilà qu’on le découvre dans la bouche des prophètes, comme le Dieu désarmé, le Dieu dont la seule puissance est celle de l’Amour et de la Miséricorde ; un Dieu qui, loin de s’imposer à nous, vient plutôt quémander notre amour, comme un mendiant. Il se révèle même comme un Dieu vulnérable, que l’on peut aisément blesser, et qui pourtant ne désespère jamais de nous, qui n’a de cesse de nous chercher jusqu’à ce qu’il nous trouve.

Le prophète Sophonie, que nous avons entendu dans la première lecture, est un tout petit prophète du septième siècle avant J.C. Son livre fait en tout cinq pages dans la Bible. Et pourtant, c’est encore la voix de ce prophète que nous entendons 2,600 ans plus tard, nous dire : « Le Seigneur ton Dieu est en toi… Il aura en toi sa joie et son allégresse. Il te renouvellera par son amour. » Et voilà que la promesse est lancée!

Le prophète Osée va comparer l’amour de Dieu pour son peuple à celui de l’amour d’un fiancé pour sa fiancée. Ce thème des épousailles de Dieu avec l’humanité va peu à peu devenir une constante dans la bouche des prophètes. Qu’il s’agisse d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel, ou encore d’un livre poétique comme le Cantique des Cantiques, l’on retrouve chez ces prophètes tout le vocabulaire des fiançailles et des noces. Et ce Dieu, qui aime tellement le monde, va venir ultimement à nous en la personne même de son Fils, porteur de cette passion de Dieu pour chacun de ses enfants. C’est dans cette bonne nouvelle que s’enracine notre joie.

Elle est tout particulièrement au rendez-vous tout au long des évangiles. Dès le début, l’archange Gabriel salue Marie en lui disant « Réjouis-toi » (Lc 1, 28). La visite de Marie à sa cousine Élisabeth fait en sorte que Jean tressaille de joie dans le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41). Dans son cantique, le Magnificat, Marie proclame : « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 47). Et quand Jésus commence son ministère, Jean le Baptiste s’exclame : « Telle est ma joie, et elle est complète » (Jn 3, 29). Jésus lui-même tressaille de joie sous l’action de l’Esprit-Saint (Lc 10, 21). Son message même, à ses apôtres, est source de joie quand il leur dit : « Je vous dis cela, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11).

Oui, frères et sœurs, la joie promise par le Christ frappe à la porte de nos souffrances physiques, morales et spirituelles, et elle nous invite au rendez-vous de Dieu, qui est d’accueillir le Christ dans nos vies, lui qui nous entraîne dans le sérieux de nos vies. L’affiche annonçant cette messe ne s’y est pas trompée.

Car être « Chrétien », c’est être « du Christ », c’est lui appartenir, lui qui nous donne force et courage dans la nuit de l’épreuve et les combats de cette vie, là où nous sommes invités à nous tenir debout, au nom même de cette joie qu’il a mise en nos cœurs. Car voyez-vous, comme le dit un poète :

Voici un poème en terminant pour nous préparer à la fête de Noël :

Il y a la joie qui vient du dedans et il y a celle qui vient du dehors.
Je voudrais que les deux soient tiennes,
Qu’elles remplissent les heures de ton jour, et les jours de ta vie ;
Car lorsque les deux se rencontrent et s’unissent,
il y a un tel chant d’allégresse,
que ni le chant de l’alouette ni celui du rossignol ne peuvent s’y comparer.
Mais si une seule devait t’appartenir,
Si pour toi je devais choisir,
Je choisirais la joie qui vient du dedans.
Parce que la joie qui vient du dehors
est comme le soleil qui se lève le matin et qui, le soir, se couche.
Comme l’arc-en-ciel qui paraît et disparaît ;
Comme la chaleur de l’été qui vient et se retire ;
Comme le vent qui souffle et passe ;
Comme le feu qui brûle puis s’éteint…
Trop éphémère, trop fugitive…
J’aime les joies du dehors. Je n’en renie aucune.
Toutes, elles sont venues dans ma vie quand il fallait…
Mais j’ai besoin de quelque chose qui dure ;
De quelque chose qui n’a pas de fin ; qui ne peut pas finir.
Et la joie qui vient du dedans ne peut finir.
Elle est comme une rivière tranquille, toujours la même ; toujours présente.
Elle est comme le rocher,
Comme le ciel et la terre qui ne peuvent ni changer ni passer.
Je la trouve aux heures de silence, aux heures d’abandon.
Son chant m’arrive au travers de ma tristesse et de ma fatigue ;
Elle ne m’a jamais quitté.
C’est Dieu ; c’est le chant de Dieu en moi,
Cette force tranquille qui dirige les mondes et qui conduit les hommes et les femmes,
et qui n’a pas de fin, qui ne peut pas finir.
II y a la joie qui vient du dedans et il y a celle qui vient du dehors.
Je voudrais que les deux soient tiennes.
Qu’elles remplissent les heures de ton jour et les jours de ta vie…
Mais si une seule devait t’appartenir
Si pour toi je devais choisir,
Je choisirais la joie qui vient du dedans.

Auteur anonyme.

Fr. Yves Bériault, O.P.

 

PRIÈRE

Tu le vois, Seigneur Dieu,
ton peuple attend avec foi
la fête de la naissance de ton Fils ;
nous t’en prions, accorde-nous de parvenir
au bonheur d’un tel salut,
et de le célébrer solennellement
avec une joie toujours nouvelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.