Homélie, dimanche de la 2ème semaine de l’Avent

8 décembre 2024

Un prophète pour préparer les cœurs

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique en grand détail la proposition spirituelle amenée par Jean-Baptiste dans un contexte de turbulences politiques, sociales et religieuses pour Israël, dans le but de préparer les cœurs du peuple à la venue du Messie.

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Homélie

Chez Jean-Baptiste, tout comme chez les grands prophètes hébreux avant lui (entre autres Élie, Isaïe, Jérémie et Ézéchiel), on rencontre une conviction spirituelle fondamentale : Dieu intervient dans l’histoire humaine pour apporter protection et libération à ceux et celles qui mettent leur confiance en lui. C’est cette conviction qui lui a permis de faire une annonce renversante : Dieu enverra bientôt le Messie pour sauver son peuple. Mais pour accueillir ce Messie promis, il faudra avoir un cœur purifié. Dans le but d’exprimer avec force sa conviction, Jean-Baptiste reprend les paroles du prophète Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers… (…). Et tout être vivant verra le salut de Dieu »

Jean-Baptiste connaissait l’histoire du peuple élu. Il savait que le peuple hébreu avait eu, au long des siècles, un parcours tout à fait étonnant, un parcours rempli de rebondissements difficilement explicables dans une perspective strictement humaine. D’abord le peuple choisi n’avait jamais été une grande puissance économique et militaire. Au contraire, il était demeuré un petit peuple et avait été régulièrement assujetti aux grands empires environnants, qu’ils aient été, tour à tour, assyrien, babylonien, égyptien, grec ou romain. Pourtant, malgré ce statut de faiblesse et de marginalité, il avait réussi à traverser les siècles, à conserver son identité religieuse, et ce, malgré bien des infidélités à l’endroit de son Seigneur. Son culte à Yahvé Sabaoth continuait encore de le distinguer parmi les peuples. Retenons que, dans la bouche des grands prophètes, ce Dieu n’était pas seulement le protecteur d’Israël, mais le sauveur de tous les peuples. Le prophète Isaïe, au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, se faisait le porte-parole du Seigneur lorsqu’il disait : « Moi, je viendrai rassembler toutes les nations et toutes les langues, et elles viendront voir ma gloire ». (Is 66, 18)

C’est avec cet arrière-fond historique et religieux que Jean-Baptiste intervient sur les bords du Jourdain au tournant de l’an 27-28 de notre ère. Ses contemporains reconnaissent rapidement en lui un prophète, un véritable porte-parole de la volonté du Seigneur Sabaoth. Ils constatent que sa foi est vive et que son regard sur son milieu est marqué par une confiance remarquable en la puissance de Dieu. Surtout, ils sont sensibles au fait que Jean-Baptiste annonce que Dieu va bientôt envoyer son Messie. Mais ils entendent bien que pour accueillir ce Messie qui comblera les aspirations du peuple, il faudra que les gens aient un cœur purifié.

Ce besoin de purification du cœur, Jean-Baptiste pouvait en voir la nécessité en Israël. Il le constatait notamment au plan religieux. Il voyait bien les insatisfactions qu’engendraient les exigences excessives des autorités religieuses à l’endroit des gens ordinaires. En parallèle, il n’était pas sans observer que des portions du peuple se déchiraient sur les attitudes politiques à adopter face à la lourde présence qu’avait l’Empire romain sur le territoire d’Israël. Les oppositions entre ceux qui collaboraient avec le pouvoir romain, les collecteurs d’impôts par exemple, et ceux qui, comme les zélotes, attisaient un sentiment de révolte ne lui échappaient pas. Il y avait aussi à prendre en compte l’exploitation des travailleurs manuels par les grands propriétaires terriens. Bref, Jean-Baptiste réalisait que la population juive vivait dans un univers tourmenté et déchiré. Le souci de la justice était souvent bafoué. Le pauvre, le malade, la veuve et l’orphelin étaient habituellement marginalisés. Une telle situation nécessitait une conversion en profondeur de la part des individus et du peuple.

Au cœur de ce contexte difficile, Jean-Baptiste propose un baptême de repentance. Il invite d’abord les gens à s’engager dans un combat intérieur personnel contre les forces du mal. De fait, il les invite à changer la nature de leurs relations aux autres, à ne pas laisser l’égoïsme ou le refus de la justice détruire la solidarité sociale. C’est ce qui l’amène à proposer des comportements qui opèrent une rupture avec le mépris de l’autre, l’exploitation et la violence (cf. Lc 3, 10-14). Ceci dans le but d’être bien disposé à accueillir le Messie quand il se présentera. D’ailleurs, au moment du rituel du baptême dans le Jourdain, les baptisés descendaient dans l’eau vive et s’engageaient à réorienter leur vie en renonçant à ce qui pouvait déplaire à Dieu. Jean-Baptiste, par sa prédication et le baptême qui l’accompagnait, visait à préparer le peuple à la visite de Dieu. Ainsi, lorsque le Messie viendrait, il trouverait un peuple bien disposé à accueillir le salut qu’il apporterait.

Le passage de l’évangile relatant l’entrée en scène de Jean-Baptiste nous invite à regarder notre propre monde et à nous demander s’il n’a pas, lui aussi, à vivre un retournement intérieur. Bien sûr, le christianisme, depuis 2 000 ans, a eu une présence qui s’est petit à petit déployée dans la majorité des pays du monde. Mais, nous devons bien l’avouer, les forces du mal continuent de se manifester. En effet, que de populations sont déchirées par des conflits destructeurs, que de petits pays se voient marginaliser par les grandes puissances. Tout est là pour nous rappeler le besoin de salut au sein de notre monde actuel. Pourtant, quand nous essayons d’être objectifs, nous devons bien reconnaître que le christianisme a façonné, en quelque sorte, des populations entières au long des siècles, qu’il a mené des luttes longues et patientes pour que la justice, le partage et la solidarité deviennent palpables à travers des institutions et des organismes humanitaires.

Ce dernier constat nous invite à imiter l’attitude croyante des prophètes et de Jean-Baptiste : Dieu ne cesse jamais d’être à l’œuvre au cœur du monde. Et quand nous, aujourd’hui, nous faisons appel aux historiens de l’Église, ils viennent nous proposer une longue liste d’événements où, comme certains le disent parfois, il est possible de voir, dans la foi, la « main de Dieu » à l’œuvre. Ces événements singuliers sont là pour nous inviter à faire confiance au Seigneur et à espérer qu’il ne cesse jamais de donner des signes de son salut. Heureusement, dans la foi, nous savons que le Christ Jésus a promis d’être avec nous jusqu’à la fin des temps. Grâce à son Esprit, puissions-nous ne pas nous laisser écraser par les manifestations du mal, que ce mal soit personnel, familial ou collectif. Allons de l’avant en retenant cette promesse : « Tout être vivant verra le salut de Dieu ».

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de puissance et de miséricorde,
ne laisse pas le souci de nos tâches présentes
entraver la marche de ceux
qui se hâtent à la rencontre de ton Fils ;
mais forme-nous à la sagesse d’en-haut,
qui nous fait entrer en communion avec lui.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.