Homélie, samedi de la 1ère semaine de l’Avent

7 décembre 2024

La compassion, source réparatrice

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite à nous plonger comme croyants et croyantes dans l’amour réparateur de Dieu.

La compassion, source réparatrice

Homélie

« Réparer les vivants », c’est le titre d’un roman publié il y a maintenant dix ans et qui portait sur la greffe d’organes, titre lui-même emprunté à Tchekhov, l’auteur russe. Le roman a connu un succès assez retentissant. Il a aussi été adapté au cinéma et au théâtre. Cette expression « réparer les vivants » est bientôt devenue une formule dont s’est servi, par exemple, François Hollande lors des attaques terroristes en France. « Après avoir enterré nos morts, il nous reviendra de réparer les vivants », disait-il.

Dans le vocabulaire courant, le mot « réparation » s’applique à un travail manuel, lié à la mécanique : réparer un objet brisé. C’est de moins en moins fréquent de nos jours, au point où il faut maintenant faire valoir un « droit à la réparation » qui vise à donner aux consommateurs un plus grand choix et soutenir de la sorte une « économie circulaire ». Ainsi, le gouvernement fédéral annonçait dans son budget 2024, son intention de lancer des consultations pour soutenir l’élaboration d’une politique ou d’une approche en matière de réparabilité pour les appareils électroménagers les produits électroniques grand public. Dans le domaine juridique, on parlera de « réparation » pour un préjudice ou une faute commise. Il s’agit de rendre justice à la victime. Encore dans le domaine judiciaire, ces dernières années, on fait grand état de la « justice réparatrice », ce processus qui encourage les personnes contrevenantes à assumer les conséquences de leur geste et à réparer les torts ou les dommages causés par un crime. Ce peut être une voie de libération à la fois pour les victimes et les responsables du crime.

Récemment, le Centre dominicain d’études et de spiritualité (CEDEVS) présentait une conférence intitulée Vivre avec l’irréparé (malgré tout), par Isabelle Le Bourgeois. Il importe de nommer « l’irréparé », rendre possible toute parole qui mène à la guérison d’une brisure : tristesse, colère, désespérance ont souvent leur source dans des expériences douloureuses qui sont restées « irréparées », séquelles de situations au caractère définitif comme la mort d’un être cher, un accident, un échec et autres circonstances douloureuses. Quelle guérison pour ces âmes brisées ? Quelle consolation leur est offerte ?

De tous les prophètes, Isaïe est celui qui insiste le plus sur la consolation d’Israël. Dieu sèchera les larmes de son peuple éprouvé. Le prophète le dépeint comme un Dieu qui a toutes les attentions, offrant sa présence réconfortante dans la détresse et indiquant un chemin de salut à ses fidèles. Voilà pour le temps présent. Les promesses de bonheur à venir se font emphatiques : la terre sera féconde, le bétail ne manquera pas de nourriture et même les astres du ciel auront plus d’éclat ! Isaïe annonce que la résolution du Seigneur de « guérir les plaies de son peuple ».

Dans l’Évangile, il est aussi question de guérison, et cela à trois reprises. Elle est à l’œuvre en paroles et en actes dans la mission de Jésus. Il guérit toute maladie et toute infirmité. Ce pouvoir de guérison, il l’accorde aussi à ses douze disciples qui, comme lui, selon l’ordre de Jésus, proclameront l’Évangile du Royaume. Les gestes de guérison sont en lien avec l’annonce du Royaume, ils en sont le signe, la manifestation de sa venue.

Il n’y a pas que les maux physiques qui accablaient les gens à l’époque de Jésus. L’Évangile précise, « voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger ». Le même constat vaudrait pour aujourd’hui. Il ne manque pas de messies politiques qui prétendent être la personne providentielle pour « fixer » ces problèmes et se poser en berger du peuple. Tôt ou tard, ils détournent ses anxiétés à leur profit et exploitent ces populations « désemparées » en leur promettant de guérir tous leurs maux. Au bout du compte, les gens ne s’en portent pas mieux. Les faux-bergers ne réparent rien. Ils sont des prédateurs. Au temps de Jésus comme aujourd’hui, ils laissent le peuple à l’abandon. Tout le défi de notre Église est d’intérioriser le regard de Jésus, d’avoir la compassion qui était à la source de son action guérisseuse et réparatrice.

Depuis la première venue de Jésus, nous savons que notre humanité n’est pas irréparable. Elle est en voie de guérison. En cette fête de saint Ambroise, nous prions le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers semblables à lui, attentifs à toutes les personnes qui, de quelque façon, sont blessées, déchirées, meurtries, brisées, abattues, désemparées. N’est-ce pas la mission qu’a confié Jésus à ses Apôtres, de redonner à tous l’espérance ? Le grand travail de réparation a été accompli en Jésus Christ. Depuis Pâques, c’est une reconstruction qui est à l’œuvre. En lui, une humanité renouvelée émergera. Alors, toutes pleurs auront cessé. Alors nous connaîtrons la guérison définitive dans l’Amour réparateur de Dieu.

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu as fait du bienheureux évêque Ambroise
un docteur de la foi catholique
et un modèle de courage digne des Apôtres ;
suscite en ton Église des hommes selon ton cœur,
qui la gouvernent avec courage et sagesse.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.