Homélie, dimanche de la 34ème semaine du Temps ordinaire

24 novembre 2024

Jésus, le témoin fidèle de la Vérité !

En ce dernier dimanche du temps ordinaire qu’est la fête du Christ-Roi, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique la difficulté humaine à accueillir la Royauté de Jésus fondée sur le témoignage à la Vérité et sur un projet nous menant tous et toutes au Dieu Père et Amour.

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Homélie

Les politiciens ou politiciennes n’ont pas bonne presse. Dans les sondages, ils sont souvent perçus comme des menteurs. J’ai fait une petite recherche sur Internet pour savoir ce que l’on en disait. Voici quelques résultats de ma recherche. « Tous les acteurs sont des menteurs, les plus mauvais font de la politique ». « Le langage politique est conçu pour donner aux mensonges des airs de vérité et faire passer pour solide ce qui n’est que du vent ». Ils se font l’écho de ce commentaire du penseur français du XVIIIe siècle Voltaire : « la politique est l’art de mentir à propos ».

S’ils mentent, ce serait parce que nous, les électeurs et électrices, ne voulons pas entendre la vérité. Ainsi, dans une chronique du Journal de Montréal, intitulée les trois mensonges de la politique, Richard Martineau soutient que le mensonge numéro un est le suivant : « les gens veulent entendre la vérité de la part des politiciens »! Et vlan pour nos illusions!

Le mensonge aurait atteint un sommet avec Donald Trump. Ainsi, d’après un décompte du Washington Post, Donald Trump a fait 30 573 déclarations fausses ou trompeuses pendant son premier mandat entre janvier 2017 et janvier 2021. Pendant le débat qui opposait Donald Trump à Kamala Harris le 10 septembre dernier, la chaîne d’information américaine CNN a décompté 33 fausses informations relayées par le futur président en une heure et trente minutes.

Pauvre Jésus! Comment peut-il survivre si sa boussole n’est que la vérité? Il a bien raison : sa royauté n’est pas de ce monde. Non seulement aucun garde ne se bat pour le protéger, mais avec la seule arme de la vérité, c’est, dans notre monde, l’échec assuré!

La comparution de Jésus devant Pilate s’inscrit dans le procès intenté contre Jésus par les chefs religieux des Juifs. Mais, l’examen de l’ensemble de l’Évangile de Jean révèle que ce procès n’est que le point culminant d’un vaste procès entre Jésus et les Juifs qui remonte au tout début de son Évangile. Après le premier miracle à Cana où il changea l’eau en vin, il se retrouve au temple où il en chasse les vendeurs. Par la suite, Nicodème, un pharisien, viendra le consulter de nuit, de peur des Juifs. C’est à lui qu’il dit « la lumière est venue dans ce monde et les hommes ont préféré les ténèbres à cause de leurs œuvres ». Tout est dit. S’ensuivront violentes controverses, pièges, tentatives de lapidation, résolutions de le faire mourir surtout après la résurrection de Lazare. Voilà pourquoi Jean a pu écrire dans le prologue, le premier chapitre de son évangile, « il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reconnu ».

Ce soir, Jésus nous révèle la raison profonde de ce conflit: « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci rendre témoignage à la vérité ». Lui Jésus, vraiment homme, né en notre humanité, est aussi celui qui vient dans le monde envoyé par Dieu son Père pour être le témoin de la vérité, pour être le témoin de Celui qui l’a envoyé.

Il vient non comme un professeur qui nous enseignerait une doctrine avec un ensemble de propositions, mais comme un témoin, renvoyant à un autre, son Père. « Qui me voit, voit le Père », dit-il à ses disciples. « Le Père et moi sommes un »!

Notre monde résiste et refuse le témoignage de Jésus. À commencer par les chefs religieux qui refusent la vérité d’un Dieu qui serait Amour et qui ne demande que nous l’aimions et nous nous aimions les uns les autres. Les hommes et les femmes de pouvoir refusent la vérité d’un Dieu Père de tout être humain, pour qui chacun et chacune est d’une extrême valeur à ses yeux et d’une égale dignité. Quant à nous, il y a cette vérité sur nous-mêmes qui nous fait peur, ce masque derrière lequel nous aimons nous cacher avec nos médiocrités, nos compromis qui manifestent que, comme l’apôtre Paul le dit, nous ne faisons pas le bien que nous voudrions faire, mais accomplissons le mal qui nous répugne!

Dans un tel monde, Jésus sera jusqu’au bout le témoin fidèle. Lors de son dernier repas avec ses disciples, il leur lave les pieds. Sa vie, il la donne déjà. Sa mort sera l’expression de son amour et de sa fidélité au point que son témoignage qui le conduit sur la croix devient la manifestation, l’icône même de Dieu. Son cœur transpercé par la lance du centurion restera ouvert jusqu’à la fin des temps comme la porte par laquelle nous pouvons entrer dans le cœur de Dieu. Au lieu de nous châtier en coulent l’eau et le sang par lesquels nous devenons enfants de Dieu au point que, comme le dit Jésus, « si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14, 23).

Parce que Jésus est le témoin fidèle, la Croix, par la puissance de sa Résurrection, où le Père vient le confirmer comme son véritable témoin, devient son trône, le siège royal sur lequel est assis le premier-né d’entre les morts, celui qui est l’alpha et l’oméga de l’univers, celui par qui tout a été créé et celui qui mène la création tout entière vers son accomplissement en Dieu.

Alors que dans l’imagerie de notre tradition latine, la croix occupe la première place, chez nos frères et sœurs orthodoxes, la représentation du Christ triomphant domine. Comme nous pouvons le voir sur l’écran, le Christ est très souvent représenté, dans les absides des églises, comme siégeant dans la gloire, tenant la main droite élevée en signe de bénédiction et dans sa main gauche l’Écriture, la Parole de vie. On appelle cette représentation le Christ Pantocrator, c’est-à-dire le Christ tout-puissant. Oui, Jésus, témoin fidèle et expression du Père, a traversé l’épreuve, il partage maintenant la royauté de son Père sur le monde. Il est le Souverain de l’univers.

Depuis la résurrection, il y a une force christique qui, de l’intérieur, par la puissance de l’Esprit, transforme ce monde et nous-mêmes. « N’ayez pas peur : j’ai vaincu le monde ». Comme il le dit à Pilate « quiconque appartient à la vérité écoute ma voix ». Autrement dit, la foi est le seul prérequis. Croire au témoignage du Christ. Croire qu’il est vraiment le témoin que Dieu a envoyé dans notre monde et croire qu’il nous transformera nous aussi. Si Jésus est le témoin du Père, il est aussi le témoin de ce que peut être un humain devenu fils ou fille de Dieu. Il révèle dans sa personne même la beauté de la vérité profonde à laquelle nous sommes appelés.

Avec foi, rendons grâce à Dieu, dans cette eucharistie, pour le Témoin fidèle qui en donnant sa vie pour nous est l’ultime et définitive révélation du Père, le Seigneur Jésus, roi de l’univers.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
tu as voulu récapituler toutes choses,
en ton Fils bien-aimé, Roi de l’univers :
dans ta bonté, fais que, libérée de la servitude,
toute la création serve ta gloire
et chante sans fin ta louange.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.