Homélie, dimanche de la 33ème semaine du Temps ordinaire

17 novembre 2024

C'est la saison de Dieu

En ce dimanche, le frère Yves Bériault, O.P., nous explique comment les récits de type apocalyptique sont utilisés à travers la Bible et quel est le message qu’ils transmettent réellement concernant les desseins de Dieu pour nous.

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Homélie

Tout au cours de l’histoire des derniers millénaires, des mouvements sont apparus prédisant une fin du monde imminente. Que ce soit Nostradamus au Moyen-Âge, ou encore, les Témoins de Jéhovah au XXe siècle, aucune époque n’a échappé à cette angoisse qui s’enracine dans notre finitude humaine, dans la peur de la mort, et, faut-il le dire, la crainte de Dieu.

Les textes de ce dimanche nous présentent des scènes de fin du monde, de catastrophes terrifiantes à l’échelle planétaire. Ce sont là sans doute les passages les plus énigmatiques et troublants de la Bible. Il faut savoir qu’il s’agit d’un style littéraire appelé apocalyptique, d’où le nom bien connu d’apocalypse. Nous connaissons bien ce dernier livre du Nouveau Testament, le Livre de l’Apocalypse, et qui, en anglais, s’appelle The Book of Revelation, qualificatif beaucoup plus compréhensible pour nous aujourd’hui.

Le récit apocalyptique était fort populaire dans les cultures du Moyen-Orient au temps de Jésus et bien avant même. Il s’agissait souvent d’un récit subversif, qui, sous le couvert d’images et de symboles, annonçait des transformations sociales et politiques importantes à venir, afin de redonner espoir et courage. Jésus et le prophète Daniel dans nos lectures aujourd’hui s’inspirent de ce type de récit afin de livrer leur message.

Que veulent-ils nous dire au juste ? Précisons tout d’abord qu’en rester à l’annonce d’une fin du monde dans les paroles de Jésus ou du prophète Daniel, c’est déformer le sens de leur message qui, paradoxalement, est avant tout un message d’espérance. Jésus et le prophète Daniel ne nous parlent pas de fin du monde malgré les apparences, mais ils nous parlent de la fin d’un monde où Dieu va se manifester et sauver son peuple.

Le prophète Daniel écrit vers l’an 170 av. J.-C., alors que le roi grec Antiochus Épiphane règne sur la Palestine vaincue par ses armées. C’est un despote, un homme cruel qui gouverne avec une main de fer et que l’on considère comme l’ennemi du peuple juif. Se prenant pour un dieu, il ordonne même qu’on lui rende un culte dans le temple de Jérusalem et ceux qui refusent sont mis à mort.

Simplement au XXe siècle et, jusqu’à ce jour, nous avons connu et connaissons de tels régimes où l’État s’impose comme une idole à laquelle il faut se donner corps et âme. Rien de nouveau sous le soleil.

C’est donc à ses compatriotes juifs que le prophète Daniel adresse son message en le camouflant dans un récit de fin du monde, mais dont ses lecteurs savent bien lire entre les lignes. C’est l’écroulement du règne de ce despote Antiochus Épiphane qui est annoncé par le prophète Daniel, et qui est représenté par un grand combat dans le ciel où l’archange Gabriel lutte en faveur du peuple de Dieu et remporte la victoire. Donc « courage », leur dit le prophète Daniel, votre libération est proche puisque Dieu est avec vous.

Ce message est d’autant plus vrai dans la bouche de Jésus. Dans l’Évangile, les paroles de Jésus semblent tourner nos regards vers un avenir encore lointain où tout sera détruit. Mais rappelons-nous que le style littéraire apocalyptique ne signifie pas « destruction », mais « dévoilement », « révélation ». Ce qui est annoncé par Jésus, c’est un monde nouveau, un monde non seulement pour demain, mais pour aujourd’hui même.

C’est la saison de Dieu qui arrive avec son figuier en fleurs, c’est la nouveauté du Christ. C’est pourquoi les certitudes des hommes, avec leur superbe et leurs sentiments de puissance, en sont ébranlées, comme si le ciel se décrochait. Car c’est le règne de Dieu qui se manifeste avec la venue de Jésus Christ. La victoire définitive de Dieu contre le Mal, c’est pour tout de suite, et c’est ainsi que « le Père donne au monde sa dernière parole, la plus belle et la plus profonde en son Fils fait chair. » (Karl Rahner)

Jésus va employer des images puissantes afin de nous faire comprendre qu’il y a un avant et un après avec sa venue. Même si le ciel et la terre passent, dit-il, « mes paroles ne passeront pas », car elles sont promesse de vie, paroles de Dieu.

Jésus nous invite donc à cette ferme espérance qui n’est pas un banal espoir, mais cette conviction inébranlable que Dieu est avec nous en ce monde fragile et menacé, ce monde aux prises avec ses guerres, ses catastrophes et ses violences, avec ses populations qui gémissent, ses saisons qui se dérèglent. À travers tout cela, nous dit Jésus, Dieu est avec nous. Confiance, courage !

Mais, attention, il ne s’agit pas là d’une invitation à la passivité. Le Christ se tient à notre porte, nous dit l’Évangile, et il frappe. Il nous invite à lui ouvrir et à marcher avec lui. L’espérance chrétienne n’est pas seulement tournée vers l’avenir, mais elle est pour ce présent qui nous est donné.

C’est pourquoi l’Évangile nous rappelle sans cesse que c’est moins l’homme qui se tourne vers Dieu et qui espère en Lui, que Dieu qui se tourne vers nous et qui espère en nous, puisque c’est Lui qui nous a aimés le premier en nous donnant la vie et en nous donnant son Fils.

Bien sûr, on nous demandera où elle est cette présence du Christ dans la vie de tous les jours. Où est-il ton Dieu ? La victoire du Christ peut sembler dérisoire à l’œil nu, et pourtant, notre foi nous donne de le reconnaître, de deviner les signes de sa présence, de le savoir tout proche de nous. Nous croyons qu’il est à l’œuvre dans le monde, comme le levain dans la pâte, qu’il est présent dans tous nos gestes d’amour et de solidarité. Car notre espérance s’enracine avant tout dans le présent. C’est pourquoi nous croyons et nous aimons pour aujourd’hui et non pas seulement pour un futur lointain.

Alors, la fin du monde est-elle pour bientôt ? Nous n’en savons rien et ce n’est pas là la question qui importe. Jésus vient nous dire qu’il inaugure un monde nouveau qui prend sa source dans le cœur de chacun et chacune de nous, et qui nous donne la force et le courage d’avancer avec lui au-devant de tous les combats et de toutes les épreuves. Comme l’affirme l’apôtre Pierre : « Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. Dans l’attente de ce jour, faites donc tout pour que le Christ vous trouve nets et irréprochables, dans la paix. » (2P 3, 13-14).

Frères et sœurs, la foi en Dieu c’est le plus beau cadeau qui soit, et cette foi nous engagent à marcher les yeux ouverts dans l’existence, affrontant courageusement les défis qui sont les nôtres sur cette terre trop souvent malmenée, défis qui se vivent tout particulièrement dans nos relations de couples, de familles, de travail et d’amitiés.

Car, voyez-vous, le premier pas vers la paix dans ce monde nouveau que le Christ vient inaugurer, ce premier pas commence tout d’abord autour de nous et, chaque fois que nous faisons ce pas, c’est l’Évangile qui est annoncé. C’est la joie de croire qui prend le dessus dans nos vies et il n’y a pas de plus grand bonheur. Promesse de Jésus Christ !

Fr. Yves Bériault, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu, nous t’en prions :
accorde-nous la joie de t’appartenir sans réserve,
car c’est un bonheur durable et profond
de servir constamment le créateur de tout bien.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.