Homélie, jeudi de la 31ème semaine du Temps ordinaire

Tous les saints de l’Ordre des Prêcheurs devaient bien avoir été inclus à la fête de la Toussaint, vendredi dernier. La liturgie dominicaine leur fait faire un rappel. Nous voulons les applaudir pour l’inspiration qu’ils ont été pour nous dans la déclinaison du charisme de l’Ordre à travers les âges et les cultures. Nous saluons le génie discret de leurs vocations qui nous confirme aujourd’hui dans notre identité.

Les saints de la Toussaint ont modelé leur vie sur Jésus-Christ. Ceux et celles que nous voulons honorer aujourd’hui y ont superposé un autre modèle, celui de saint Dominique. Tous ces saints et saintes ont généré une multitude d’exemples. Nous ne célébrons pas les nôtres avec l’intention de nous y cantonner, pas plus que nous ne nous pourrions en réclamer l’exclusivité. Tous les saints, y compris les nôtres, appartiennent à toute l’Église. Ce n’est donc pas par chauvinisme que nous faisons mémoire d’eux, mais pour exprimer une affection particulière que nous éprouvons à leur endroit, parce qu’ils nous ont montré, de tant et tant de manières, comment vivre notre vocation dominicaine.

Leur inventivité nous convie à une créativité pour notre temps. Leur sagesse pratique nous démontre que la voie de la sainteté réside souvent en une attention aimante à la réalité la plus quotidienne. Leur simplicité nous parle de la liberté intérieure qu’ils ont su conserver. Aussi différents soient-ils les uns des autres, nous pouvons tous, de quelque façon, les relier à saint Dominique et à son propos de vie.

La Parole de Dieu les a façonnés, les a possédés. Elle les a habités comme elle a habité le cœur de saint Dominique en créant en eux un tourment missionnaire avec une traduction toujours nouvelle du « que vont devenir les pécheurs ? » qui ne laissait pas de repos au Père des Prêcheurs.

Les saints et saintes que nous célébrons aujourd’hui sont à classer dans une catégorie spéciale, ne représentant pas spécialement un modèle ou facette de la sainteté et n’étant pas de ces saints spécialistes, patrons ou intercesseurs. Ce sont « les saints à la manière de » qui suivent une voie ouverte par un grand saint, en l’occurrence, aujourd’hui, saint Dominique dont ils s’inspirent tous de façon explicite. En ce sens, ils sont à la gloire de celui dont ils se revendiquent puisqu’ils révèlent la fécondité de son intuition ou de son propos de vie. Évidemment, comme ceux de la Toussaint, tout en suivant la voie de saint Dominique, c’est l’Évangile qu’ils ont illustré par leur fidélité et leur témoignage.

Ils n’ont peut-être pas la notoriété des saints du calendrier liturgique mais ils nous sont proches. Dans tout l’Ordre des Prêcheurs, une multitude de noms sont évoqués aujourd’hui. Ils défilent en nos cœurs, en nos têtes, en notre mémoire dominicaine, et nous voyons leur ressemblance avec les personnes que nous côtoyons au quotidien. Ils sont les saints et saintes, nous sommes les aspirants, inspirés par leur vie.

Dans la grande famille dominicaine, qui n’a pas repéré, son saint ou sa sainte ? Ce n’est pas un exercice imposé, mais spontanément, nous voyons en telle ou telle personne l’incarnation du charisme de saint Dominique. Ô merveille ! Les frères en sont même venus à détecter des saints et des saintes chez les laïcs dominicains ! Oui, c’est bien une des grâces de ces fêtes successives de la sainteté à la dimension communautaire. Au sein même de nos communautés se déploient quelque chose de la beauté, de la lumière, de l’amour de notre Dieu.

Mais notre regard n’est pas assez exercé pour pouvoir infailliblement les repérer. Combien échappent à nos listes !

Quand même ! Que dans notre vie immergée dans la banalité du quotidien, nous soyons capables de déchiffrer quelque chose de la présence de Dieu chez nos frères et sœurs dont nous sommes tant portés à voir les défauts et les lacunes ! C’est sans doute l’indice le plus certain que Dieu a déposé en chacun et chacune de nous le désir de sainteté. Sinon, nous ne serions jamais en mesure d’en déceler le moindre éclat chez les autres.

Une des qualités de la sainteté, c’est sa constance. Dans un monde trouble où les alliances se défont, où les engagements manquent souvent de conviction, où la parole n’a pas toujours la fermeté souhaitée, les saints et les saintes offrent une solidité qu’ils tiennent de leur enracinement dans la foi. Ils ne déçoivent pas. Comme eux, si l’Évangile est bien le socle de nos vies, nous serons établis, enracinés dans l’amour de Dieu.

Aujourd’hui, alors que nous célébrons tous les saints et saintes de l’Ordre des Prêcheurs, nous affirmons que la maison de saint Dominique constitue un environnement propice à la culture de la sainteté. Elle dégage un doux parfum, parfois bien subtil, mais qui nous parvient à travers l’écoute bienveillante et toujours attentive, le travail effectué avec joie, le service prévenant et désintéressé, l’engagement sans compromis, la sollicitude fraternelle, le sens du bien commun, l’amour de la prière, de l’Ordre et de l’Église : autant d’indices qui nous révèlent la vérité de nos vies et leur destination.

Les saints et saintes de l’Ordre nous font goûter comme on est bien dans la famille dominicaine. Ils nous encouragent et relancent notre marche !

Fr. Raymond Latour, O.P.

PRIÈRE

Seigneur Dieu, source de toute sainteté,
tu as enrichi ton Église
par une grande diversité de dons
chez les saints de notre Ordre ;
accorde-nous de suivre leur exemple :
après les avoir vénérés dans une même célébration sur la terre,
que nous leur soyons réunis un jour
pour une fête sans fins dans le ciel.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.