5 novembre 2024
Faire place à la transcendance
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., déplore la philosophie sociétale individualiste et consumériste qui éloigne bien des gens de ce qui peut réellement nourrir leur besoin de sens et de transcendance : l’amour actif de Dieu et du prochain.
LETTRE DE SAINTE PAUL APÔTRE AUX PHILIPPIENS (2, 5-11)
Frères, ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (14, 15-24)
En ce temps-là, au cours du repas chez un chef des pharisiens, en entendant parler Jésus, un des convives lui dit : « Heureux celui qui participera au repas dans le royaume de Dieu ! » Jésus lui dit : « Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. À l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : “Venez, tout est prêt.”
« Mais ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser. Le premier lui dit : “J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi.” Un autre dit : “J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi.” Un troisième dit : “Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir.”
« De retour, le serviteur rapporta ces paroles à son maître. Alors, pris de colère, le maître de maison dit à son serviteur : “Dépêche-toi d’aller sur les places et dans les rues de la ville ; les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux, amène-les ici.” Le serviteur revint lui dire : “Maître, ce que tu as ordonné est exécuté, et il reste encore de la place.” Le maître dit alors au serviteur : “Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner.” »
Homélie
Jésus, pour parler du Royaume de Dieu et des personnes qui y accèderont, utilise des paraboles. C’est le cas aujourd’hui avec la parabole de l’homme fortuné qui avait invité des proches à un grand dîner. Immédiatement, derrière les figures de l’homme fortuné et de la première catégorie de ses invités, nous imaginons Dieu qui offre très généreusement à notre humanité un accueil généreux dans son Royaume. Mais l’invitation de cet homme est, pourrait-on dire, ignorée par les premiers invités, par ceux qui avaient la priorité dans l’esprit et le cœur de l’homme fortuné. Ces derniers ne refusent pas son invitation par malice, mais parce qu’ils ont, pensent-ils, mieux à faire en s’occupant de leurs projets personnels et familiaux plutôt que d’aller à un banquet. Comme l’homme fortuné est généreux, il ne veut pas laisser sa salle vide. Il envoie son serviteur sur les places pour qu’il amène chez lui des pauvres, des aveugles et des boiteux. Ainsi la salle sera remplie au moment où le repas sera servi.
Au terme de la parabole, on constate que toutes sortes de gens sont invités à la table du Royaume de Dieu, des bons comme des mauvais. Au temps de Jésus, pour les gens ordinaires, les premiers invités, les bons, étaient les gens qui faisaient partie des autorités religieuses et les pharisiens. Mais on sait que ces derniers n’ont pas daigné prendre réellement en compte l’enseignement de Jésus sur le Royaume à venir. Ils ont continué de penser et d’agir comme ils l’avaient toujours fait et ont refusé l’invitation que Jésus leur faisait.
De nos jours, qu’en est-il de cette invitation à participer au banquet du Royaume de Dieu ? Comment les hommes et les femmes de nos milieux, au Québec par exemple, la reçoivent-ils ? Il semble bien que la majorité des gens de chez nous ignorent maintenant cette invitation. Les objectifs prioritaires de leurs vies, c’est de réussir financièrement, c’est d’atteindre un statut social enviable, c’est d’accéder à une vie qui apporte le bien-être, c’est de voir réussir leurs enfants. À leurs yeux, il n’est pas nécessaire de croire en Dieu, encore moins de suivre la voie évangélique pour se donner une vie satisfaisante. Le « viens et suis-moi » que Jésus propose à tous pour entrer pleinement dans le Royaume de Dieu, ces gens ne l’entendent plus. Pas toujours par malveillance. Plutôt parce qu’ils se sont laissé entraîner dans une vision de la vie où il n’y a plus de transcendance, où il n’y a que la vie matérielle présente.
Face à ce constat, des chrétiens et chrétiennes plus âgés se rappellent bien que notre société, il y a plus d’un demi-siècle, était considérée comme une société christianisée. Ils déplorent, souvent avec douleur, que tant de gens prennent le risque de se priver d’une communion avec Dieu qui va se déployer un jour dans sa gloire. Avec tristesse, ils déplorent la légèreté avec laquelle l’offre que le Christ Jésus a faite soit si peu considérée. Pour un certain nombre de baptisés, l’indifférence religieuse observée chez une portion importante de la population est une conséquence de la culture matérialiste et consumériste des sociétés favorisées contemporaines. Cette culture engendre un aveuglement spirituel et un repliement sur le monde immédiat. D’où la capacité fort limitée d’entendre l’invitation à participer au banquet du Royaume de Dieu.
Pour notre part, nous nous considérons probablement comme des invités qui essaient de répondre le mieux possible à l’invitation que Jésus a faite au nom de son Père. Mais, nous savons bien que nous sommes conditionnés par la culture matérialiste et hédoniste qui façonne, dans une certaine mesure, nos objectifs et nos aspirations. Nous aussi nous sommes fragiles. Et si nous pouvons tenir sur la voie qui mène au banquet, c’est parce que nous nous appuyons sur le travail de l’Esprit Saint en nous. Puissions-nous continuer de nous laisser séduire par la promesse du Royaume !
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
toi qui unis les cœurs des fidèles dans une seule volonté :
donne à ton peuple d’aimer ce que tu commandes
et de désirer ce que tu promets,
pour qu’au milieu des changements de ce monde,
nos cœurs s’établissent fermement
là où se trouvent les vraies joies.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.