Homélie, dimanche de la 31ème semaine du Temps ordinaire

3 novembre 2024

Proche de l’amour, proche du Royaume!

En ce dimanche, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique le génie d’amour présenté au scribe par Jésus, amour qui a su touché celui-ci dans son intellect et dans son cœur, et termine son homélie avec une litanie poétique aux saints et saintes que nous oublions souvent.

proche-de-l-amour-proche-du-royaume

Homélie

C’est un bel évangile. Pas de polémique, pas de piège tendu, mais simplement deux hommes passionnés par la fidélité à Dieu qui s’interrogent sur ce qui est le plus important dans la Loi. Un évangile qui nous engage au plus profond de nous-mêmes en nous faisant dépasser tout légalisme. Ce matin, notre scribe, épaté par la manière dont Jésus venait de répondre aux sadducéens sur la question de la résurrection des morts, lui demande quel est le premier des commandements ou mieux dit quel est celui qui prévaut sur tous les autres.

Vingt ans avant Jésus, Rabbi Hillel pensait résumer toute la Loi en une version négative de la règle d’or : « ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse, ne le fais pas aux autres ». Jésus, lui, répond différemment. Il cite le livre du Deutéronome ‘Écoute Israël, ‘Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force’. Oui, commence par écouter Israël. Écoute ton Dieu, ton créateur, qui t’a créé, par amour, pour que tu puisses, toi aussi, l’aimer. Écoute Israël ton Dieu, ton libérateur, il t’a délivré, par amour, de tout égoïsme pour que tu puisses l’aimer. Écoute Israël ton Dieu, ton sauveur, qui a détruit la mort pour que ton amour soit éternel. Tel est notre Dieu qui nous aime au point qu’il nous demande de l’aimer, et ce, non seulement avec notre cœur mais de tout notre cœur, non seulement avec notre esprit mais de tout notre esprit, et de toute notre force, autrement dit, avec toute la volonté dont nous sommes capables ! Pour aimer Dieu, le tout de l’être humain est requis. Si Dieu est Dieu, comment peut-il en être autrement ? Alors que le scribe ne demande qu’un commandement, Jésus en ajoute un deuxième qui, nous dit-il, lui est semblable et qui, lui aussi, provient de l’Écriture ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’. Comme Dieu est l’Unique, l’Incomparable, Jésus nous invite à découvrir en chacun l’unique image de Dieu que lui ou elle est. Avant Jésus, les deux commandements étaient énoncés séparément. Jésus, lui, les relie, les combine de sorte que l’un ne peut aller sans l’autre. « Dieu ne prend vraiment toute la place dans un être humain que lorsque celui-ci fait place pleine et entière au prochain comme à lui-même ». Jésus évite ainsi les dangers du faux mysticisme où l’amour de Dieu détacherait du prochain et d’un humanisme replié sur lui-même où Dieu serait évacué.

Pour Jésus, l’amour de Dieu qui est premier libère l’amour pour Dieu et pour l’autre. Comme le dit si bien saint Jean ‘Quant à nous, nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. Celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère’ (1 Jn 4, 11, 20-21).

Le scribe est heureux de la réponse de Jésus. ‘Bien dit, tu as bien parlé’. Et lui de renchérir ‘aimer Dieu et son prochain comme soi-même vaut mieux que tous les sacrifices’. Même les actions les plus sacrées doivent céder la préséance à l’amour. De plus, elles n’ont de sens si elles en sont l’expression.

C’est autour de Jésus de tomber sous le charme du scribe. ‘Tu n’es pas loin du royaume’, lui dit-il ! Remarque surprenante qui en dit long sur la perception que Jésus a de lui-même. La question se pose : comment passer de proche du royaume au royaume lui-même ? N’est-ce pas en aimant ? Non pas simplement en redisant le commandement comme le scribe, mais en le pratiquant, en vivant de l’amour ! Comme dit un commentateur : « c’est au plus proche de l’amour et du prochain que le Royaume de Dieu se fait le plus proche ».

Alors que vendredi dernier, nous célébrions la fête de la Toussaint, cette foule immense de saints et de saintes qui sont dans le Royaume, et qu’hier nous avons prié pour que tous les défunts et défuntes soient admis dans le Royaume, je pense à toutes ces personnes que j’ai connues et qui, même si elles ne manifestaient pas une foi explicite en Jésus, ont vécu cet amour que Jésus nous demande. J’aime les penser auprès de Dieu justement dans son Royaume ou qu’un jour elles y seront. Saint Jean ne dit-il pas ‘celui qui aime connaît Dieu et est aimé de Dieu’ (1 Jn 4, 7) ?

C’est ainsi que je pense à ce collègue de travail à Bell Canada qui m’impressionnait par les soins qu’il accordait à ses parents vieillissants. Je pense aussi à ces préposés que j’ai connus lors de mon dernier séjour à l’hôpital qui étaient là avec le sourire même dans l’accomplissement de tâches ingrates et qui ne cessaient de m’encourager. Si, dans leur vie terrestre, ils ne sont pas loin du Royaume, j’aime croire qu’un jour ils y seront, car comme le disait saint Jean de la Croix ‘au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour’.

C’est ainsi que je terminerai cette homélie par une litanie des saints inconnus ou anonymes composée par le jésuite belge Charles Delhez. Comme dans toute litanie, je vous invite à répondre ‘priez pour nous’.

Saints et saintes de Dieu
qui n’avez pas trouvé de date dans nos calendriers,
mais qui avez reçu de Dieu une place éternelle,
priez pour nous.

Vous les humbles laboureurs de la terre,
qui avez accueilli les fruits de la Création,
priez pour nous.

Vous les femmes de ménage,
cuisinières et bonnes d’enfant,
qui, jour après jour, avez semé la tendresse,
priez pour nous.

Et vous, travailleurs
dans les usines obscures ou à la chaîne,
toujours attentifs aux autres,
priez pour nous.

Vous les artistes, et vous, les gens du spectacle,
qui avez apporté un peu de la beauté
et de la joie de Dieu sur notre terre,
priez pour nous.

Et vous qui avez prêté
une oreille attentive à toute solitude
et avez toujours accueilli les désespérés,
priez pour nous.

Vous, les simples prêtres de paroisse
et les religieuses de couvent,
qui fidèlement avez servi Dieu et témoigné de Lui,
priez pour nous.

Vous, les parents, parfois incompris,
qui, à la sueur de votre front,
avez travaillé pour vos enfants,
priez pour nous.

Vous, grands-parents,
qui avez enveloppé de tendresse vos petits-enfants,
après avoir éduqué leurs parents,
priez pour nous.

Vous, les éducateurs,
qui avez voulu communiquer votre foi et votre espérance,
vous qui avez veillé sur les jeunes pousses de notre humanité,
priez pour nous.

Et vous, les enfants morts trop jeunes,
qui avez égayé la terre de vos balbutiements
et offert votre voix juvénile,
vous qui avez suscité tant de larmes d’amour,
priez pour nous.

Vous, les missionnaires partis porter l’Évangile
jusqu’au bout du monde,
priez pour nous.

Vous, les apôtres de nos campagnes et de nos villes,
après avoir parcouru routes et chemins
pour inviter à la conversion,
priez pour nous.

Vous dont les noms ne seront jamais inscrits sur une tombe,
anonymes des charniers et des guerres sans merci,
priez pour nous.

Et vous qui avez connu la gloire humaine,
mais êtes toujours restés pauvres de cœur,
priez pour nous.

Vous tous, saints et saintes,
bienheureux enfants de Dieu,
faites monter notre louange vers le Père,
par le Fils, dans l’Esprit Saint.
Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de puissance et de miséricorde,
c’est ta grâce qui donne à tes fidèles
de pouvoir dignement te servir ;
nous t’en prions :
accorde-nous de courir sans que rien nous arrête
vers les biens que tu promets.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.