Homélie, lundi de la 30ème semaine du Temps ordinaire

28 octobre 2024

Pourquoi pas nous?

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., en apprend davantage sur les saints Simon et Jude, apôtres plus discrets dans l’Évangile, mais qui avaient tous les deux à cœur leur mission de répandre la Bonne Nouvelle du Christ jusqu’au martyr.

pourquoi-pas-nous

Homélie

Ils étaient Douze Apôtres. Parmi eux, Simon et Jude que nous célébrons aujourd’hui, dans une fête commune, comme si l’un ou l’autre, à lui seul ne pouvait être l’objet de la fête. Pourquoi cette association de Jude et de Simon ? Étaient-ils seulement amis ? Les Évangiles qui associent toujours les deux noms ne nous en disent rien. Une explication veut qu’ils aient travaillé ensemble à la conversion des Gentils. Ils auraient scellé ensemble l’ultime témoignage de leur foi. Ce serait une bonne raison de les jumeler.

Ils ont aussi en commun d’avoir des noms pour les distinguer, pour éviter la confusion avec un autre disciple. Simon, originaire de Cana, était appelé le « cananéen » ou « le zélote » pour ne pas le confondre avec Simon-Pierre, et Jude s’est vu accoler le nom de « Thadée » pour ne pas être assimilé à l’infâme Judas.

Même s’il arrive en bout de liste, il semble que Jude n’était pas le dernier venu. La tradition veut que Jude fût frère de Jacques le Mineur et de saint Siméon, évêque de Jérusalem, et comme eux cousin du Sauveur. Jude, de tous les disciples, peut-être le plus effacé, ne s’en qualifie pas moins parmi les plus populaires. Et je n’ai rien trouvé pour expliquer pourquoi Simon n’a pas été entraîné dans la même notoriété… Mais qui sait, le retour des nationalismes pourrait conférer à Simon un regain de popularité. Simon aurait eu des affinités avec le mouvement nationaliste des Zélotes, caractérisé par son zèle ardent pour l’identité juive, donc pour Dieu, pour son peuple et pour la Loi divine. On imaginerait mal la fête de Simon jumelée à celle de Mathieu le publicain !

Je ne sais s’il faut prêter foi à cette légende, mais on raconte que des païens voulaient contraindre Simon et Jude à sacrifier au soleil. Un ange leur proposa alors d’épargner leur vie et d’anéantir les païens, ce à quoi nos deux Apôtres se seraient récriés : « Miséricorde pour ce peuple ! Que le martyre soit notre partage ! » Ainsi fut-ce fait, non sans une dernière démonstration de la puissance de Dieu qui mit en déroute une armée de démons sortie des statues dédiées aux idoles.

Mais revenons sur un terrain plus ferme, l’évangile de Jean. Le seul à signaler une question posée par Jude, interruption bienvenue, à tout le moins pour faire respirer un peu le long discours de la Dernière Cène. Thaddée dit au Seigneur : « Seigneur, pour quelle raison vas-tu te manifester à nous, et non pas au monde ? ». C’est une question que je qualifierais de « missionnaire ». Pourquoi tous n’ont-ils pas accès aux réalités de la foi ? Pourquoi sommes-nous récipiendaires de tant de grâces ? La question se pose encore plus quand nous considérons notre propre indignité. « Pourquoi moi ? »

La question nous renvoie à notre vocation missionnaire. Cette grâce de la foi qui nous est faite, que nous recevons avec joie comme manifestation suprême de l’amour et de la miséricorde de Dieu, cette grâce de la foi nous dépasse. C’est une lumière que nous ne pouvons garder pour nous-mêmes, un bonheur que nous voulons absolument partager.

La question de Jude est la souffrance du missionnaire qui voudrait que tout le monde connaisse le vrai Dieu et le salut qu’il a manifesté en Jésus-Christ.

Une question missionnaire comme celle de Jude est forcément une question amoureuse. C’est pourquoi le Seigneur lui répond : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui » (Jn 14, 22-23). Tout le travail consistera à aménager la demeure, à préparer chez ceux et celles que nous côtoyons la place que le Christ pourra y occuper.

C’est une grâce, tout cela ne dépend pas de nous. C’est une mission : sans nous, sans une parole et un geste qui pointe dans la direction d’une présence mystérieuse, le don de la foi ne pourrait être communiqué. Créer l’ouverture, voilà le grand travail missionnaire !

Pourquoi moi, pourquoi nous ? Et pourquoi pas eux ? Le « nous » des croyants ne doit jamais être un « nous » fermé sur lui-même. Seule une Église ouverte peut accueillir l’autre, aller à sa rencontre, et lui transmettre de quelque façon la bonne nouvelle qui l’anime. Pourquoi nous et non pas eux ? Eux ce ne sont pas les exclus, mais les invités, ceux et celles à qui nous sommes envoyés.

La vie apostolique de saint Simon et saint Jude a été tout entière consacrée à « eux », tous ceux et celles qui ne connaissent pas encore le Christ et sa Bonne Nouvelle. Quand le Christ est dans notre cœur, comme il était dans le cœur des Apôtres, particulièrement saint Jude qui est ainsi représenté, quand le Christ est dans notre cœur, eux aussi y sont. Nous avons été baptisés et nous avons été envoyés pour eux. Que saint Jude, le saint de l’espérance, et son ami Simon, plein de zèle pour le salut de tous, nous le rappellent toujours !

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu nous as conduits à la connaissance de ton nom
par la prédication des bienheureux Apôtres ;
fais qu’à l’intercession des saints Simon et Jude,
ton Église ne cesse de grandir
en accueillant toujours de nouveaux peuples de croyants.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.