Homélie, dimanche de la 30ème semaine du Temps ordinaire

27 octobre 2024

Confiance. Lève-toi !

En ce dimanche, Sylvie Latreille, laïque dominicaine, nous invite à nous identifier au cheminement de l’aveugle Bartimée et souligne l’aspect communautaire de sa rencontre avec Jésus.

confiance-leve-toi

Homélie

Selon vous, quels sont les personnages préférés des enfants dans les récits évangéliques ? Vous savez, au Québec, dans les parcours catéchétiques proposés aux enfants, Bartimée et Zachée remportent la palme. L’histoire de leurs rencontres avec Jésus capte leur attention, peu importe les générations qui passent. Ce sont des récits imagés et joyeux. Les deux se passent à Jéricho, ville célèbre sur la route vers Jérusalem. Jésus s’arrête souvent à Jéricho.

C’est lui qui entre en dialogue avec Bartimée et Zachée. Si Bartimée bondit pour aller vers Jésus, Zachée descend de son arbre pour recevoir Jésus dans sa maison. Tous les deux entendent les récriminations de la foule qui les observent. Mais rien ne les arrête. Leurs histoires finissent bien. Elles se terminent dans la joie de connaître Jésus. Et, même de le suivre.

En ce dimanche, l’évangéliste Marc nous rapporte le récit de Bartimée. L’année prochaine, l’évangéliste Luc nous rapportera le récit de Zachée. Un rendez-vous à ne pas manquer !

Avez-vous remarqué que dès le début de son récit, l’évangéliste Marc dévoile le nom de l’aveugle ? Chez les synoptiques, Marc est le seul à le faire. Son intention n’est pas banale. Qu’en est-il effectivement ?

Le nom Bar Timée signifie « fils de Timée ». En grec commun du temps de Jésus, Timê veut dire « honoré ». Il nous est facile de saisir le contraste entre la situation du père, supposément honoré, et celle de la condition misérable dans laquelle la cécité a plongé le fils. C’est ainsi que, mendiant, aveugle, Bartimée est assis au bord du chemin, manteau sur le dos, à la sortie de Jéricho. Sa condition est misérable l’excluant de la société et le condamnant à la mendicité. De plus, elle ternit la réputation de son père.

Pourquoi ? En effet, rappelons-nous la question des disciples adressée à Jésus en voyant un aveugle dans l’évangile de Jean : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » Jésus répondit : « Ni lui ni ses parents. Mais c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. » (cf. Jean 9, 1) Or, Jésus est bien placé pour que s’accomplissent les œuvres de son Père. De plus, Bartimée est peut-être aveugle mais il est loin d’être sourd. Et de fait, il n’est pas muet.

Bartimée entend que Jésus était là. Que fait-il ? Il crie pour que Jésus de Nazareth l’entende à son tour. Il crie pour faire savoir qu’il est là. Étant assis, tout le monde le cache. Une foule et beaucoup de gens accompagnent Jésus. L’aveugle hurle sa vie pour que Jésus de Nazareth sache qu’il existe même si sa condition l’exclut de la société. Que de récriminations pour le faire taire ! « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »

Cet écho résonne jusqu’à nous aujourd’hui. Combien de fois, avez-vous crié « Seigneur Jésus, prends pitié de moi ! » dans les situations les plus difficiles de votre vie ? Peut-être avez-vous emprunté les mots du psalmiste : « Prends pitié de moi, Seigneur, c’est toi que j’appelle chaque jour. » (cf. Ps 86 (85), 3) Votre demande incessante rejoint celle de Bartimée.

Dites-moi, comment Jésus aurait-il pu faire la sourde oreille aux cris incessants de l’aveugle ? Quel revirement de la situation ! Jésus s’arrête. Il s’adresse non pas à Bartimée mais à beaucoup de monde. « Appelez-le ». Il les interpelle non pas à rabrouer l’aveugle mais à l’appeler en son nom. La demande de Jésus ouvre un horizon sur la présence communautaire de la rencontre. Dans la première lecture, le prophète Jérémie nous rappelle les propres cris de la communauté : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Comment la communauté pourrait-elle demeurer sourde aux cris de l’aveugle ? Jésus marque le rôle de la communauté dans le cheminement de foi. Elle est l’intermédiaire, la porte-parole, la messagère. Elle acquiesce à la demande qui lui est faite. Elle l’a entendue. « Confiance. Lève-toi ; il t’appelle. »

Imaginez la joie des enfants à la catéchèse lorsque l’aveugle jette son manteau, bondit et court vers Jésus. Trois gestes significatifs dans le cheminement de Bartimée vers Jésus. Jeter son manteau dont il est lourdement revêtu. Le manteau symbolise la vie de misère qui fut la sienne jusqu’à sa rencontre avec Jésus et sa guérison. Bondir. Tout comme l’enfant dans le sein d’Élisabeth lors de la visitation de sa cousine Marie. Bondir. En grec, le mot utilisé veut dire « danser » et en hébreu, le mot utilisé veut dire, « danser pour se réjouir. » Courir vers Jésus. Une question d’ordre pratique se pose : comment un aveugle peut-il courir et repérer Jésus entouré des disciples, d’une foule nombreuse et de beaucoup de gens, sans trébucher ? Les paroles du prophète Jérémie se réalisent pour Bartimée. Ainsi, les cris du peuple se transforment en cris de joie puisque le Seigneur le fait revenir. Il le conduit vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas.

Le dialogue s’engage entre Jésus et l’aveugle. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » N’est-ce pas la question que nous aimerions entendre de la voix de Jésus ? Question adressée personnellement à chacun et chacune d’entre nous. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Peut-être aurions-nous une petite hésitation avant de lui répondre ? Ce n’est pas le cas de l’aveugle. La réponse bondit en quelque sorte. « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Étonnant ! L’aveugle s’adresse à Jésus à titre de « Rabbouni ». C’est le diminutif de « Rabbi » qui signifie « maître ». Selon le commentateur, Rabbouni « marque un attachement plus fort. Plus de tendresse et de proximité. »

La réponse de Jésus reconnaît la démarche de foi de l’aveugle. « Va, ta foi t’a sauvé. » Remarquez, « L’homme retrouva la vue. » N’est-ce pas étonnant ? Après la guérison, une nouvelle humanité est redonnée. Le nom de cet homme est Bartimée. Une nouvelle identité. Désormais, il suivra Jésus en chemin vers Jérusalem.

Au Centre étudiant, la dimension communautaire est de grande importance. Lieu de rassemblement, de célébration et de partage. Lieu privilégié des cheminements de foi. Lieu de compagnonnage, d’encouragement et de soutien dans la consolation et le réconfort. Lieu d’interpellation. « Confiance. Lève-toi ; le Seigneur t’appelle. » Qui vous a déjà adressé des paroles semblables ? À qui, avez-vous déjà adressé de semblables paroles ?

Autour de la table de l’Eucharistie, confions au Seigneur nos propres aveuglements. Demandons-lui de nous donner la grâce de retrouver la vue afin de mieux le suivre sur le chemin de la foi. Rendons grâce pour la présence de la communauté étudiante dans chacune de nos vies. « Confiance. Lève-toi ; le Seigneur t’appelle ».

Sylvie Latreille, L.O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ;
et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets,
fais-nous aimer ce que tu commandes.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.