Homélie, dimanche de la 28ème semaine du Temps ordinaire

13 octobre 2024

Attachements et détachements

En ce dimanche, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous invite à réfléchir aux choses et aux personnes auxquelles nous sommes attachés et qui pourraient nous alourdir, nous empêcher de suivre librement le Christ et son Évangile.

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Homélie

La figure du jeune homme riche est connue : c’est celui qui n’a pas répondu à l’appel de Jésus. Cela arrive. Cela nous est peut-être déjà arrivé ! Voici une rencontre à la fois touchante et questionnante. En Marc (10, 20), il s’agit d’un homme ; en Matthieu (19, 20), d’un jeune homme ; en Luc (18, 18), d’un notable. Mais dans les trois cas, il a de grands biens (Mc 10, 22 ; Mt 19, 22), il est très riche (Lc 18, 22). Marc nous présente Jésus en dialogue avec cet homme, qui ne se met pas à sa suite ; puis en dialogue avec ses disciples qui, eux, l’ont suivi mais se posent des questions. Dans les deux cas, le regard de Jésus est mentionné (v. 21 et 23).

Nous voyons cet homme arriver à Jésus en courant et se jeter à ses pieds. Voilà quelqu’un d’ardent et de décidé ! Il est motivé : il veut savoir ce qu’il faut faire pour accéder à la vie éternelle. De plus, il a confiance en Jésus, qu’il appelle Bon Maître. Jésus lui répond en lui rappelant des éléments des dix Paroles qui touchent la relation à autrui de diverses manières. Tout cela, l’homme le fait déjà : c’est vraiment un bon gars ! On comprend la réaction de Jésus : il regarde avec attention cet homme fidèle et attachant et il l’aime.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais elle continue. Car, en suivant Jésus, il s’agit d’aller plus loin, il ne suffit pas d’être un bon gars, de ne faire de tort à personne. Ni d’ailleurs d’être un pécheur. Jésus lui demande de faire un pas de plus, un engagement personnel à sa suite, i.e. de devenir un disciple. Et l’homme qui courait perd son élan. Il bloque. Il retourne en arrière et s’en va, triste. Pourquoi ? Jésus a touché le point sensible, là où une libération était possible en demandant un dépassement. Cet homme est riche ; mais en plus, il est attaché d’abord à ses biens. Plus qu’à Jésus.

Notre vie est faite d’attachements et de détachements. Les deux sont liés. Pour cet homme, s’attacher à Jésus, y trouver son trésor implique de se détacher des biens, qui par définition sont bons. Dans la Bible, les biens sont tellement bons qu’ils sont faits pour être partagés, particulièrement avec ceux dans le besoin. Il semble que, pour cet homme, ses biens étaient devenus des idoles, le séparant de Dieu et des autres. Il manque ainsi un tournant de sa vie, d’où sa tristesse.

Cette rencontre porte à réflexion. Jésus lui-même fait une observation sur l’entrée dans le Royaume et sa difficulté. Celui-ci, fait de miséricorde, de paix et de justice, appelle à un retournement, à un décentrement, pour se tourner vers l’essentiel, de façon risquée. Sur ce chemin à la suite de Jésus, les richesses risquent d’alourdir et de bloquer. Dans cet échange, les disciples sont étonnés, stupéfaits ! Pour eux, et c’est la même mentalité d’hier à aujourd’hui, la réussite matérielle est un signe que Dieu nous bénit. Alors comment Jésus peut-il se montrer si exigeant ? Ils sont confus.

Jésus voit les choses autrement. Il voit le cœur des humains de l’intérieur, leur fermeture et leur attachement aux moyens plutôt qu’au but, et en même temps leur capacité d’ouverture et toutes ses possibilités. Et les réactions des disciples lui permettent d’élargir l’horizon. Le salut, le Royaume, n’est pas acquis seulement au bout de nos efforts, juste par nous-mêmes. Il est un don de Dieu pour qui tout est possible. Un don qui peut toucher le cœur humain et le transformer quand il accueille, quand il prend le risque de s’ouvrir à plus grand. Parce que Dieu est bon, comme le disait Jésus au début de cet évangile (v.18).

Et la preuve est là : ces disciples qui ont tout laissé pour suivre Jésus, malgré les attachements de toutes sortes qui les retenaient. Ils ont fait ce détachement non en soi, mais à cause de Jésus et de l’Évangile, à cause d’un attachement qui venait les chercher plus profondément, radicalement, avec tout leur être. Et il semble bien que cela valait la peine. Peut-être que l’homme riche a poursuivi sa quête, entre richesse et sagesse, ou qu’il la poursuit encore, autour de nous et en nous. Quand je regarde mon parcours, quels attachements et quels détachements ont marqué ma marche à la suite de Jésus ? Et actuellement, dans cette marche, qu’est-ce qui m’alourdit et qu’est-ce qui me donne des ailes ?

En cette veille de l’Action de grâces, rendons grâce au Dieu bon, qui nous appelle à aller plus loin, à la suite de Jésus notre frère et notre guide, sur les chemins du don et de la gratitude. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Nous t’en prions, Seigneur,
que ta grâce nous devance
et qu’elle nous accompagne toujours,
pour nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.