Homélie, samedi de la 26ème semaine du Temps ordinaire

5 octobre 2024

La béatitude des petits

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., nous explique comment Jésus semble bien considérer que les pauvres et les petits sont bénis de Dieu, et nous invite à devenir comme eux : capables de voir et d’entendre l’éternelle nouveauté de Dieu manifestée en Jésus Christ.

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Homélie

Les grands de ce monde sont censés avoir des privilèges, c’est pourquoi on les qualifie volontiers de « privilégiés ». Leur position sociale, leur force économique leur donne accès à des biens interdits au commun des mortels. Ils vivent dans une autre sphère, à l’abri des soucis et ne sont jamais qu’à un « clic » de tous leurs désirs. De même, une élite intellectuelle peut se prévaloir de connaissances qui ne sont pas à la portée de tous. Ils participent tous à la béatitude de l’argent, du pouvoir, du savoir. Le monde les félicite ! Mais l’Évangile tient un tout autre langage.

Ces derniers jours, la liturgie semble bien résolue à nous inviter à « se faire comme cet enfant » ou à accueillir « un de ces petits ». Elle nous a aussi plongé dans un climat d’enfance spirituelle avec la mémoire de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et sa petite voie, puis en honorant les anges gardiens, eux aussi en relation avec les petits. L’humble saint François d’Assise indiquait ce même chemin de pauvreté. La liturgie met peut-être autant d’insistance à nous dissuader de vouloir être « grand » ou « le plus grand ». Jésus ne manque pas de stigmatiser l’orgueil de ces villes qui ont rejeté sa venue.

Il nous faut convertir nos ambitions : se faire le dernier, le serviteur de tous, devenir comme de petits enfants pour être le plus grand dans le royaume des cieux, lequel doit être accueilli à la manière des enfants. Comme pour enfoncer le clou, la première lecture nous fait entendre des extraits du livre de Job. Oui, celui que le langage populaire a rendu célèbre : « être pauvre comme Job ». Job qui s’était résigné à tout plutôt que de maudire Dieu pour le malheur qui l’affligeait. Il reçoit finalement le centuple pour sa fidélité : non, contrairement à ce que croyaient ses faux-amis, il n’avait pas perdu la bénédiction de Dieu!

Glorification de la pauvreté ? Invitation aux pauvres à se résigner à leur sort ou même à s’en réjouir ? Cela irait à l’encontre de toute une mentalité biblique qui interprète la richesse, la prospérité, l’abondance des récoltes, comme signe de la bénédiction de Dieu. Pourtant Jésus semble bien considérer que les pauvres et les petits sont bénis de Dieu. Cette réalité ne s’est pas imposée à lui facilement. Jésus est passé par tout un cheminement pour en arriver à une étonnante découverte : ce sont les pauvres, les petits qui ont les yeux pour voir, les oreilles pour entendre.

L’échec de sa prédication, particulièrement auprès des élites religieuses, et le refus de croire de certaines villes orgueilleuses, ont pu plonger Jésus dans la perplexité. Comment, pourquoi, les gens les mieux préparés à accueillir son message y restent-ils insensibles ? Pourquoi le don de Dieu ne les rejoint-il pas ? Il y avait de quoi s’affliger et se lamenter. Mais voilà que sous l’action de l’Esprit se produit un « eurêka », une sorte d’illumination pour Jésus. Soudain, il comprend ! Il comprend ce qu’il n’arrivait pas à intellectualiser et qui fait partie du mystère de Dieu : il y a une profonde affinité entre Dieu et les tout-petits. C’est à eux que Dieu se révèle. Ils ont un appétit de le connaître. Ils ont une antenne pour capter sa parole de grâce, ils ont un cœur capable de l’accueillir. Non pas que Dieu rejette les sages et les savants, non pas que Dieu s’oppose à la raison ou à la recherche scientifique, mais tous ces avantages ne sont pas forcément propices pour rejoindre le cœur de Dieu, sa miséricorde. Les pauvres et toutes les personnes qui s’y apparentent, y ont un accès direct. Ils voient, ils entendent alors que d’autres, en apparence mieux nantis, mieux équipés, restent sourds et aveugles, comme privés du sens de la foi.

Le bienheureux Raymond de Capoue, que les Dominicains célèbrent aujourd’hui, a œuvré avec fermeté pour que ses frères Prêcheurs soient préservés de « cette bête monstrueuse : l’orgueil et le souci de sa réputation qui mine et détruit toute œuvre bonne ». Il disait à ses frères : « Implorez Dieu pour qu’il vous donne l’esprit d’humilité ». Ce sera notre prière aujourd’hui pour que nous puissions rejoindre Jésus dans son mouvement d’exultation envers le Père qui donne aux plus petits de voir et d’entendre l’éternelle nouveauté de Dieu manifestée en Jésus Christ.

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
quand tu pardonnes et prends pitié,
tu manifestes au plus haut point ta toute puissance ;
multiplie pour nous les dons de ta grâce:  
alors, en nous hâtant vers les biens que tu promets,
nous aurons part au bonheur du ciel.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.