15 septembre 2024
Témoins du Christ
En ce dimanche, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous invite à nous identifier aux disciples et aux apôtres dans le temps et les expériences qu’il leur a fallut vivre avant de comprendre qui est vraiment Jésus et avant d’être prêts à prendre tous les risques pour lui.
LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (50, 5-9a)
Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.
Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble !
Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?
LETTRE DE SAINT JACQUES (2, 14-18)
Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ?
Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ?
Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (8, 27-35)
En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.
Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Homélie
Les jours et semaines se suivent, avec leurs variations de température à l’extérieur et à l’intérieur de nous. Nous marchons, nous avançons ou piétinons, sur des chemins qui ont leurs routines et leurs surprises. Comme les disciples de Jésus en Marc.
Ces disciples ont accompagné Jésus sur les routes, dans les maisons et sur les places. Ils l’ont vu accomplir des signes étonnants qui relevaient les gens écrasés, qui rendaient vie aux délaissés, qui redonnaient dignité aux personnes déconsidérées. Ils ont entendu sa parole, qui étonnait et détonnait, qui ouvrait des horizons neufs. Ils ont écouté ses paraboles énigmatiques, qui parlaient de leur univers mais pour les inviter à voir autrement. Ils ont été touchés, bouleversés, mais parfois ils sont restés fermés sur leur petit monde ou ils ont carrément bloqué, comme s’ils étaient bouchés.
Pendant huit chapitres, Marc a montré ces disciples dans leurs élans et leurs reculs, leur volonté de suivre Jésus et leur difficulté à avancer. « Vous ne comprenez pas ? Avez-vous le cœur endurci ? Vous avez des yeux et ne voyez pas… » C’est ce que Jésus leur a dit (8, 14-21) peu de temps avant de les interroger en chemin. Et voici que finalement, au beau milieu de l’évangile, les disciples débouchent, leurs yeux s’ouvrent peu à peu comme cet aveugle que Jésus a guéri juste avant la réponse de Pierre à la question de Jésus : Pour vous, qui suis-je ? Pierre, au nom des disciples, en notre nom, affirme avec clarté sa foi en Jésus : Tu es le Christ. Non seulement un grand prophète, comme Élie et Jean Baptiste, mais vraiment le Messie.
Des disciples en marche : leur cheminement ressemble étrangement aux nôtres, entre enthousiasme et hésitation, entre fermeture et ouverture du cœur et de l’esprit. Il a fallu huit chapitres, tant de rencontres et de gestes, de questionnements et d’échanges, de confusions et d’éclaircies, pour arriver à saisir qui est cet homme de Nazareth, tellement déroutant. Si les disciples, tout proches de Jésus, ont eu besoin de tant de temps et de chemin pour voir plus clair, il n’est pas étonnant que nous-mêmes aussi marchions souvent en tâtonnant. Mais ce qui est encourageant pour nous, c’est que leur cheminement a finalement abouti. Ils affirment leur foi en Jésus le Messie.
Mais le chemin est long. Voici que ce qui semblait une arrivée se transforme en une étape, importante certes, mais qui mène à une autre ouverture à vivre, une deuxième étape plus exigeante et engageante. Et voilà que tout le processus reprend. Oui, Jésus est le Messie, mais pas n’importe quel Messie. Son chemin sera celui de la croix, du risque et du don de sa vie, comme le Serviteur dont parle Isaïe (1ère lecture). Pierre en est choqué : à nouveau il ne comprend pas, il ne voit pas. Il se permet même de faire la leçon à Jésus, de lui passer un savon. La réaction de Jésus est claire et forte : il traite son ami Pierre d’adversaire (Satan). Le disciple devient un obstacle sur le chemin de Jésus.
Encore là, nous pouvons nous reconnaître en Pierre, qui ne cache pas son incompréhension et sa résistance. Il l’exprime vivement, ce qui permet aux lecteurs, nous inclus, de prendre conscience que le mystère de Jésus nous échappe, au moment même où l’on croyait avoir tout saisi. Nous sommes appelés encore à sortir de notre aveuglement, à nous déboucher les oreilles, et à regarder autrement l’homme de Nazareth, si déconcertant.
Suivre Jésus, c’est s’engager sur une route risquée et être prêt à perdre sa vie. C’est ce qu’évoque l’expression « prendre sa croix ». Il ne s’agit pas ici d’une attitude doloriste ou fataliste face aux difficultés et souffrances, mais d’oser prendre des risques et tout donner. Jésus va suivre ce chemin jusqu’au bout. Le suivre, c’est marcher sur ce même chemin. Mais cela n’est pas évident, pour ses disciples d’hier et d’aujourd’hui. Dans les chapitres suivants en Marc, Jésus travaillera de plus près avec ses proches pour les éclairer, pour les inviter à approfondir de l’intérieur le sens de ses options. Le tout aboutira à la guérison d’un autre aveugle, Bartimée (10, 46-52), qui suivra Jésus sur le chemin, celui qui mène au mystère pascal.
Des disciples qui ont à traverser plusieurs étapes, qui doivent réouvrir un dossier qui semblait réglé, qui avancent en tâtonnant dans la générosité et la confusion, entre fermeture et ouverture. C’est avec ces disciples que Jésus a marché, c’est à ces personnes fragiles et souvent déboussolées qu’il a confié son évangile. Cela est très encourageant, car il s’agit aussi de nous !
Chemin faisant, laissons-nous toucher par tous les témoins d’un mystère qui nous dépasse et nous inclut, celui du Christ vivant, d’hier à demain, par qui et avec qui nous rendons grâce aujourd’hui, rassemblés en son nom. Amen.
Fr. Daniel Cadrin O.P.
PRIÈRE
Seigneur, par ta Parole,
Tu nous révèles ton identité.
Aide-nous à être à ton écoute
pour nous laisser entraîner avec toi
sur le chemin de la passion et de la résurrection.
Que grandisse en nous notre confiance
en toi, le Messie de Dieu.
Toi qui vis et règnes avec le Père
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.