Homélie, dimanche de la 22ème semaine du Temps ordinaire

et-ton-coeur
1er septembre 2024

Et ton cœur?

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., se penche sur la question de ce qui rend pur l’être humain et de ce qui plaît vraiment à Dieu.

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Homélie

On entend souvent toutes sortes de critiques sur le christianisme ou sur la religion en général. Même s’il faut les accueillir avec honnêteté, je suis rarement troublé, car notre Maître, le Christ Jésus, est, me semble-t-il, le critique le plus incisif, décapant et pénétrant de la foi. Non seulement il la connaît de l’intérieur, mais son point de vue est celui de de Dieu, son Père, qui l’a envoyé parmi nous pour être sa Parole. Nous en avons un bel exemple dans la controverse qui l’oppose à des pharisiens et à des scribes venant de Jérusalem.

La question soulevée vise les rites et la pureté, questions importantes pour toutes les religions, tout particulièrement, pour les premières communautés chrétiennes. Marc écrit aux chrétiens de Rome qui, pour la plupart, proviennent du paganisme qui ne connaissent rien des rites juifs de purification. Cependant, parmi eux, quelques juifs convertis d’où la pertinence du débat opposant Jésus aux pharisiens encore faut-il bien décrire ces pratiques, ce que fait l’évangéliste Marc.

Il est intéressant de noter que Jésus ne commence pas par répondre directement à la question : pourquoi ses disciples ne se lavent pas les mains, ne suivant pas la tradition des anciens ? En citant le prophète Isaïe, il les attaque en les accusant d’hypocrisie, eux qui honorent Dieu que des lèvres avec un cœur loin de lui. Ensuite, il s’en prend à cette tradition que les hommes se sont donnée qui contredit expressément la volonté de Dieu exprimée dans le décalogue. Il donne l’exemple du soin que les enfants doivent accorder à leurs parents. Si les enfants déclarent un bien comme étant consacré, il ne sera pas utilisé pour venir en aide à leurs parents. Que font-ils alors du commandement de Dieu d’honorer père et mère ? Conclusion : vos règles ne sont que des constructions humaines qui, en plus, sont contraires à la volonté même de Dieu. « Vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez ».

Un aparté. Dans un commentaire, j’ai appris que ces règles qui semblaient concerner tous les Juifs n’étaient pratiquées en fait que par les pieux pharisiens. « Au temps de Jésus, on lave la vaisselle dans le sable tant l’eau est précieuse. Et l’hygiène est plus que basique… Autrement dit, ce sont des règles que les riches pouvaient se permettre de suivre. Raison de plus pour que Jésus s’insurge comme une Tradition supposée venir de Dieu, mais qui n’est qu’hommerie ».

Jésus poursuit en invitant la foule à l’écouter. Il propose un enseignement fondamental sur le pur et l’impur. « Il n’y a rien à l’extérieur de l’homme entrant en lui qui peut le rendre impur ».

Alors que le premier récit de la création répète inlassablement ‘Et Dieu vit que cela était bon’, l’être humain, au cours de l’histoire, a regardé la création autrement. Au regard de Dieu s’est substitué un regard humain méprisant pour certaines créatures, pour certaines catégories sociales, certains malades en particulier, les étrangers, tous ces impurs qu’il faut éviter. Ce regard n’a cessé de dresser des murs et des frontières pour se garder, pour rester purs de tous les autres. Que nous sommes loin du regard de Dieu !

Jésus le sait, lui qui voit le monde avec les yeux de Dieu. Jésus regarde les humains et la nature avec le regard du Père. Il n’exclut personne. Aucun mur ne l’empêche d’aller vers le malade, le pécheur public ! Toute la création est belle et bonne. Elle renvoie même à la beauté et à la bonté du Créateur.

Pourtant, tout n’est pas parfait. Au lieu de regarder le monde et les autres avec suspicion et mépris, regardez donc vos cœurs, dit Jésus. Ce que nous mangeons est digéré et éliminé par les voies naturelles. Cependant, le cœur peut être habité par toutes sortes de pensées perverses. C’est de lui qui proviennent inconduites, vols, meurtres, cupidités, débauche et démesure.

En cette journée consacrée à la prière pour la sauvegarde de la création, comment ne pas constater la démesure du désir humain qui se considère le maître absolu de la création, qui la pille pour satisfaire dans la plus grande injustice ses désirs ? Je lisais récemment un article dans lequel un riche dirigeant d’une entreprise vivant à plus 1 500 km du siège social s’est vu offert un jet privé pour qu’il puisse s’y rendre 3 jours par semaine. Aucune considération sur l’impact écologique !

Voici ce qu’écrivait le pape François dans son encyclique Laudato Si : « En effet, plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer. […] Si c’est ce genre de sujet qui tend à prédominer dans une société, les normes seront seulement respectées dans la mesure où elles ne contredisent pas des besoins personnels. C’est pourquoi nous ne pensons pas seulement à l’éventualité de terribles phénomènes climatiques ou à de grands désastres naturels, mais aussi aux catastrophes dérivant de crises sociales, parce que l’obsession d’un style de vie consumériste ne pourra que provoquer violence et destruction réciproque, surtout quand seul un petit nombre peut se le permettre » (219).

Démesure, avarice, exploitation. En cette veille de la fête du Travail comment ne pas penser à tous ces travailleurs et travailleuses exploitées et en particulier les enfants qui travaillent pour que nous puissions profiter d’objets pas trop chers ! Le journal le Monde consacrait cette semaine un article à la situation du travail dans la partie du Congo occupée par le Rwanda. Je cite : « Le conflit avec le Rwanda a fait une victime inattendue : le système de certification qui devait garantir que nos téléphones portables ne contiennent pas de ‘minerais de sang’ ».

Heureusement, il n’y a pas que les aliments qui entrent dans le corps humain, il y a aussi la Parole de Dieu, la Parole manifestée dans le Christ Jésus qui entre par nos oreilles et qui peut atteindre notre cœur pour le transformer et pour qu’ainsi nous puissions regarder les autres et le monde avec les yeux de Dieu, ce qui s’appelle un regard pur ! L’Esprit Saint à l’œuvre en nos cœurs diffuse une pureté qui n’enferme pas, qui n’exclut pas mais qui, au contraire, ouvre à toute détresse. Comme le dit si bien saint Jacques « Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous » pour adopter le comportement pur et sans souillure qui plaît à Dieu « visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse ».

Soyons bien conscients que chacun vaut devant Dieu, ce que vaut son cœur, ce centre de nous-mêmes où les décisions de notre liberté se prennent. Qu’ainsi la parole que nous avons entendue, ce matin, n’entre pas par une oreille pour sortir par l’autre, mais qu’elle fasse son chemin jusque dans nos cœurs ! Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de l’univers,
de qui vient tout don parfait,
enracine en nos cœurs l’amour de ton nom ;
augmente notre foi pour développer ce qui est bon en nous ;
veille sur nous avec sollicitude
pour protéger ce que tu as fait grandir.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.