29 août 2024
L'Esprit de courage
En ce jour du Martyr de saint Jean-Baptiste, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., souligne le courage dont le Précurseur du Christ a fait preuve en défiant Hérode Antipas, ainsi que le courage de millions de chrétiens et chrétiennes persécutés aujourd’hui, forts de l’Esprit qui les habite.
LIVRE DU PROPHÈTE JÉRÉMIE (1, 17-19)
En ces jours-là, la parole du Seigneur me fut adressée : « Toi, mets ta ceinture autour des reins et lève-toi, tu diras contre mon peuple tout ce que je t’ordonnerai. Ne tremble pas devant eux, sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux.
« Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses princes, à ses prêtres et à tout le peuple du pays. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer, – oracle du Seigneur. »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (6, 17-29)
En ce temps-là, Hérode avait donné l’ordre d’arrêter Jean le Baptiste et de l’enchaîner dans la prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, que lui-même avait prise pour épouse. En effet, Jean lui disait : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. » Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mourir. Mais elle n’y arrivait pas parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.
Or, une occasion favorable se présenta quand, le jour de son anniversaire, Hérode fit un dîner pour ses dignitaires, pour les chefs de l’armée et pour les notables de la Galilée. La fille d’Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives.
Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. » Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c’est la moitié de mon royaume. » Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu’est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean, celui qui baptise. » Aussitôt la jeune fille s’empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. »
Le roi fut vivement contrarié; mais à cause du serment et des convives, il ne voulut pas lui opposer un refus. Aussitôt il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison. Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.
Ayant appris cela, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.
Homélie
Le récit présentant le martyre du prophète Jean-Baptiste est intrigant. Les gens, en Israël, savaient bien que le prince Hérode Antipas, après avoir répudié sa femme légitime, s’était permis de prendre comme épouse la femme de son demi-frère surnommé Philippe. Or, une telle union était interdite par la Loi de Moïse. S’engager dans une telle relation maritale était explicitement perçue, par le peuple, comme une infidélité grave à la volonté de Yahvé. Les juifs se référaient spontanément aux commandements suivants : « Tu ne commettras pas d’adultère. (…). Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni sa servante… ». (Ex 20, 14 et 17) C’est dire que le couple Hérode Antipas et Hérodiade constituait un scandale public largement connu.
Or, à notre surprise, il semble bien que les docteurs de la Loi et les pharisiens n’ont pas dénoncé publiquement ce scandale. Ils ont plutôt choisi de se taire, de faire profil bas, et ce, même s’ils savaient très bien que le prince et sa femme avaient adopté un comportement qui contredisait la grande tradition légale en Israël. Lâcheté de leur part ? Peur de connaître une forme ou l’autre de répression politique qui les a amenés à étouffer l’exigence morale rattachée à toute vie de couple ? Il faut dire que les responsables religieux savaient très bien, à l’époque, que les chefs politiques savaient se débarrasser des gens qui les critiquaient ouvertement en public. Ces chefs avaient une tolérance faible à l’endroit de toute contestation.
Mais voilà : dans ce contexte menaçant pour les observateurs, une voix s’est levée. Celle de Jean le Baptiste. Lui, il a pris le risque de dire ou de faire dire au prince Hérode : « Il ne t’est pas permis de garder la femme de ton frère. » (Mc 6, 18) La réponse du prince n’a pas tardé : il a fait emprisonner son dénonciateur. De la sorte, Jean le Baptiste ne pourrait plus, publiquement, dire aux gens que leur prince et son épouse étaient adultères et qu’ils bafouaient en conséquence la Loi de Dieu.
Qu’a fait Jean Baptiste ? Il est passé à l’action. Il n’a pas fait qu’observer à la manière des autorités religieuses. Il a mis en cause la crédibilité du prince pour son choix moral. Lui, il a pris la décision d’être le porte-parole de la conscience religieuse collective du peuple. Il n’a pas parlé qu’en son nom. Il a parlé pour le peuple en exprimant la volonté de Dieu inscrite dans la tradition. Il a montré comment être fidèle à Dieu dans une circonstance politiquement dangereuse. Il a eu le courage et la force de le faire. À sa manière, il a fait la vérité.
Nous ne pouvons pas rappeler l’intervention de Jean Baptiste et le prix qu’il a été obligé de payer sans penser aux persécutions que vivent des millions de chrétiens et chrétiennes dans le monde. Ils le sont parce qu’ils osent, à partir de l’Évangile, non seulement questionner les idéologies qui sont promues dans bien des pays totalitaires mais les choix sociaux qui y sont faits. Le drame de Jean-Baptiste est ainsi réactivé.
En rappelant cette page du martyre de Jean-Baptiste, nous mettons en évidence la force de l’Esprit qui habite toute personne qui accueille pleinement l’Esprit du Seigneur. Puissions-nous nous réjouir pour le souffle prophétique qui se manifeste au sein de communautés chrétiennes présentes dans divers pays du monde !
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Tu as voulu, Seigneur Dieu,
que le bienheureux Jean-Baptiste soit le Précurseur de ton Fils
dans sa naissance et dans sa mort ;
il a donné sa vie pour la justice et la vérité :
accorde-nous de savoir, comme lui,
lutter avec courage pour confesser ta Parole.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.