26 août 2024
« Guides aveugles ! »
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous rappelle l’importance de laisser à Dieu sa juste place au centre du Salut et nous montre quelques dérives qui ont résulté de cet égard vers une idée de l’humain qui se sauve lui-même.
DEUXIÈME LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX THESSALONICIENS (1, 1-5.11b-12)
Paul, Silvain et Timothée, à l’Église de Thessalonique qui est en Dieu notre Père et dans le Seigneur Jésus Christ. À vous, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
Frères, à tout moment nous devons rendre grâce à Dieu à votre sujet, et c’est bien de le faire, étant donné les grands progrès de votre foi, et l’amour croissant que tous et chacun, vous avez les uns pour les autres. C’est pourquoi nous-mêmes sommes fiers de vous au milieu des Églises de Dieu, à cause de votre endurance et de votre foi dans toutes les persécutions et les détresses que vous supportez. Il y a là un signe du juste jugement de Dieu ; ainsi vous deviendrez dignes de son Royaume pour lequel vous souffrez.
Que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi. Ainsi, le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui, selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (23, 13-22)
En ce temps-là, Jésus disait : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer ! Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un seul converti, et quand c’est arrivé, vous faites de lui un homme voué à la géhenne, deux fois pire que vous !
« Malheureux êtes-vous, guides aveugles, vous qui dites : “Si l’on fait un serment par le Sanctuaire, il est nul ; mais si l’on fait un serment par l’or du Sanctuaire, on doit s’en acquitter.” Insensés et aveugles ! Qu’est-ce qui est le plus important : l’or ? ou bien le Sanctuaire qui consacre cet or ? Vous dites encore : “Si l’on fait un serment par l’autel, il est nul ; mais si l’on fait un serment par l’offrande posée sur l’autel, on doit s’en acquitter.”
« Aveugles ! Qu’est-ce qui est le plus important : l’offrande ? ou bien l’autel qui consacre cette offrande ? Celui donc qui fait un serment par l’autel fait un serment par l’autel et par tout ce qui est posé dessus ; celui qui fait un serment par le Sanctuaire fait un serment par le Sanctuaire et par Celui qui l’habite ; et celui qui fait un serment par le ciel fait un serment par le trône de Dieu et par Celui qui siège sur ce trône. »
Homélie
« Vous fermez à clé le royaume des Cieux ». Accusation grave que celle que Jésus lançait contre les pharisiens et les scribes. Il est fort probable que ces derniers ont trouvé malhonnête une telle accusation. En effet, n’avaient-ils pas sauvegardé les diverses interprétations de la Loi de Moïse transmises par la longue tradition religieuse juive ? En agissant comme ils l’avaient fait, n’avaient-ils pas posé les balises essentielles pour favoriser toute démarche croyante ? Malheureusement, en accumulant progressivement le nombre des lois et préceptes, ils en étaient venus à faire souvent passer le secondaire avant l’essentiel. Toutes les règles concernant les jeûnes, les ablutions, les cultes en venaient à distraire les gens qui cherchaient à les respecter à la lettre. Ils en arrivaient ainsi à vivre dans l’illusion qu’ils contrôlaient leur propre salut. La relation à Dieu n’était plus au centre des préoccupations prioritaires de juifs comme les pharisiens et les docteurs de la Loi. D’où la parole de Jésus : « Guides aveugles ». Car, en écoutant ces guides, les croyants en étaient venus à porter davantage attention à leurs performances religieuses ascétiques qu’à la recherche d’une vraie communion avec Dieu. De la sorte ils laissaient dans l’ombre le rôle central de Dieu comme Sauveur de l’humanité.
Ce détournement malsain en faveur des pratiques ascétiques et cultuelles, beaucoup de chrétiens et chrétiennes ont pensé et pensent qu’il n’a pas été vécu dans l’Église. Ce n’est pas le cas. L’histoire nous rappelle que tout un mouvement spirituel, marqué par le mépris du monde terrestre, a amené des générations de chrétiens et chrétiennes à s’adonner à des pratiques ascétiques extrêmes. Cela s’est manifesté surtout à partir du Ve siècle et tout au long du Moyen Âge. Ces ascètes disaient gagner leur salut en s’imposant des mortifications qui réduisaient nécessairement leur espérance de vie. Très souvent, la place réservée à la charité dans leur vie quotidienne était fort limitée. On aboutissait souvent à des vies chrétiennes où le souffle évangélique était étouffé.
Avec le XXe siècle, on a assisté, dans certains milieux chrétiens, à une volonté de moderniser l’Église et même l’Évangile. On a proposé un modèle de vie chrétienne qui se voulait adapté à une culture individualiste, hédoniste et matérialiste. Dans ce modèle, on le comprendra, il n’y avait guère d’allusions au dépouillement et à l’expérience inévitable de la croix pour toute personne qui voulait suivre le Christ. Dans certaines églises évangéliques par exemple, des pasteurs se permettaient de promettre à leurs membres que Dieu allait les faire accéder à la richesse matérielle et qu’il veillerait à les faire monter dans l’échelle sociale. Vision du salut qui ne correspond pas à ce que l’Évangile présente.
« Guides aveugles », voilà une parole de Jésus qui conserve sa pertinence aujourd’hui. La tentation, c’est d’oublier que le salut révélé en Jésus dépasse de beaucoup les attentes spontanées de l’être humain. Il mène à une communion ineffable avec Dieu. D’où l’importance de toujours nous rappeler que c’est Dieu qui sauve, que c’est Dieu qui nous rend capables, par sa grâce, d’entrer dans son Royaume.
Puissions-nous apprendre à faire confiance au Seigneur de manière à accueillir le chemin de Vie qu’il nous propose, et ce, même si ce chemin de Vie nous semble difficile et déroutant !
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Dieu de puissance et de miséricorde,
éloigne de nous, dans ta bonté,
tout ce qui nous arrête,
afin que sans aucun entrave, ni d’esprit ni de corps,
nous accomplissions d’un cœur libre ce qui vient de toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.