Homélie, lundi de la 21ème semaine du Temps ordinaire

26 août 2024

« Guides aveugles ! »

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous rappelle l’importance de laisser à Dieu sa juste place au centre du Salut et nous montre quelques dérives qui ont résulté de cet égard vers une idée de l’humain qui se sauve lui-même.

Homélie

« Vous fermez à clé le royaume des Cieux ». Accusation grave que celle que Jésus lançait contre les pharisiens et les scribes. Il est fort probable que ces derniers ont trouvé malhonnête une telle accusation. En effet, n’avaient-ils pas sauvegardé les diverses interprétations de la Loi de Moïse transmises par la longue tradition religieuse juive ? En agissant comme ils l’avaient fait, n’avaient-ils pas posé les balises essentielles pour favoriser toute démarche croyante ? Malheureusement, en accumulant progressivement le nombre des lois et préceptes, ils en étaient venus à faire souvent passer le secondaire avant l’essentiel. Toutes les règles concernant les jeûnes, les ablutions, les cultes en venaient à distraire les gens qui cherchaient à les respecter à la lettre. Ils en arrivaient ainsi à vivre dans l’illusion qu’ils contrôlaient leur propre salut. La relation à Dieu n’était plus au centre des préoccupations prioritaires de juifs comme les pharisiens et les docteurs de la Loi. D’où la parole de Jésus : « Guides aveugles ». Car, en écoutant ces guides, les croyants en étaient venus à porter davantage attention à leurs performances religieuses ascétiques qu’à la recherche d’une vraie communion avec Dieu. De la sorte ils laissaient dans l’ombre le rôle central de Dieu comme Sauveur de l’humanité.

Ce détournement malsain en faveur des pratiques ascétiques et cultuelles, beaucoup de chrétiens et chrétiennes ont pensé et pensent qu’il n’a pas été vécu dans l’Église. Ce n’est pas le cas. L’histoire nous rappelle que tout un mouvement spirituel, marqué par le mépris du monde terrestre, a amené des générations de chrétiens et chrétiennes à s’adonner à des pratiques ascétiques extrêmes. Cela s’est manifesté surtout à partir du Ve siècle et tout au long du Moyen Âge. Ces ascètes disaient gagner leur salut en s’imposant des mortifications qui réduisaient nécessairement leur espérance de vie. Très souvent, la place réservée à la charité dans leur vie quotidienne était fort limitée. On aboutissait souvent à des vies chrétiennes où le souffle évangélique était étouffé.

Avec le XXe siècle, on a assisté, dans certains milieux chrétiens, à une volonté de moderniser l’Église et même l’Évangile. On a proposé un modèle de vie chrétienne qui se voulait adapté à une culture individualiste, hédoniste et matérialiste. Dans ce modèle, on le comprendra, il n’y avait guère d’allusions au dépouillement et à l’expérience inévitable de la croix pour toute personne qui voulait suivre le Christ. Dans certaines églises évangéliques par exemple, des pasteurs se permettaient de promettre à leurs membres que Dieu allait les faire accéder à la richesse matérielle et qu’il veillerait à les faire monter dans l’échelle sociale. Vision du salut qui ne correspond pas à ce que l’Évangile présente.

« Guides aveugles », voilà une parole de Jésus qui conserve sa pertinence aujourd’hui. La tentation, c’est d’oublier que le salut révélé en Jésus dépasse de beaucoup les attentes spontanées de l’être humain. Il mène à une communion ineffable avec Dieu. D’où l’importance de toujours nous rappeler que c’est Dieu qui sauve, que c’est Dieu qui nous rend capables, par sa grâce, d’entrer dans son Royaume.

Puissions-nous apprendre à faire confiance au Seigneur de manière à accueillir le chemin de Vie qu’il nous propose, et ce, même si ce chemin de Vie nous semble difficile et déroutant !

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de puissance et de miséricorde,
éloigne de nous, dans ta bonté,
tout ce qui nous arrête,
afin que sans aucun entrave, ni d’esprit ni de corps,
nous accomplissions d’un cœur libre ce qui vient de toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.