18 août 2024
Pain de vie éternelle
Ce 20e dimanche du temps ordinaire, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous invite à réfléchir plus sur le sens sacramentel du lien entre Jésus et l’eucharistie, « Pain de vie pour la vie éternelle ».
LIVRE DES PROVERBES (9, 1-6)
La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. Elle a tué ses bêtes, et préparé son vin, puis a dressé la table. Elle a envoyé ses servantes, elle appelle sur les hauteurs de la cité : « Vous, étourdis, passez par ici ! » À qui manque de bon sens, elle dit : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. »
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ÉPHÉSIENS (5, 15-20)
Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin, car il porte à l’inconduite ; soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint.
Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur. À tout moment et pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, rendez grâce à Dieu le Père.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (6, 51-58)
En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.
« Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Homélie
Aujourd’hui, les deux premières lectures nous invitent à la sagesse; et l’Évangile nous propose une réflexion à haute densité théologique. Alors, c’est un dimanche plus réflexif! En Jean, ces paroles de Jésus viennent à la fin d’un long discours autour du pain vivant et de la manne du désert, de la vie éternelle et de la résurrection, sans compter le lien au Père. Le tout faisant suite aux récits des pains multipliés. Et c’est le 4e dimanche de suite, à nos eucharisties du dimanche, que nous écoutons un extrait de ce chapitre 6 en Jean sur le pain de vie. Alors, en Jean, et dans nos vies chrétiennes, c’est sûrement important! Et cela appelle à bien comprendre (Eph 5,17).
L’enjeu fondamental en ce long discours est celui de croire en Jésus Christ, pain de vie pour la vie éternelle. Nous avons aujourd’hui la fin du discours de Jésus. Juste après, et cela est plein de sens, plusieurs disciples vont décider de le quitter. Ils ne peuvent plus le suivre, ils sont choqués. Finalement, ils ne peuvent croire en lui.
En cette finale, Jean reprend tous les thèmes autour du pain de vie en se centrant plus sur le sens sacramentel du lien entre Jésus et l’eucharistie. Quelle dimension de l’eucharistie cette réflexion fait-elle ressortir? Peut-être peut-elle, encore aujourd’hui, être source d’étonnement et de choc (Jn 6, 52). Nous sommes habitués d’entendre ces textes anciens, avec leurs images pourtant fortes (manger ma chair, mon sang est vraie boisson, ressusciter au dernier jour…). Nous sommes souvent blindés et routiniers face à ces paroles. Ou cela nous semble trop mystérieux pour y porter une véritable attention.
Il y a là pourtant des mots très simples et fondamentaux, qui parlent de Jésus et de notre lien à lui : pain, don, vie; manger, boire; demeurer, vivre…. C’est de cela dont nos existences sont faites. Des réalités premières mais profondes, où se disent nos faims et soifs, notre quête d’une vie vraie, sans fin. Cette réflexion est encadrée par un refrain, au début et à la fin : qui mange ce pain vivra éternellement.
Tout d’abord, il s’agit ici d’une participation active à l’eucharistie et non d’un regard à distance. Il s’agit de manger et boire. Cela engage le corps et ne se vit pas seul. Au temps de cet évangile, pour ses lecteurs, cela supposait une expérience de relations à d’autres personnes croyantes, dans une communauté fraternelle. Nous sommes loin ici d’une approche de l’eucharistie comme dévotion individuelle ou purement intérieure. Nous sommes en plein sacrement. Ce qui veut dire : lien au mystère pascal, dimension corporelle, et communion ecclésiale. Comme en tout sacrement. Cela est capital dans la tradition catholique.
Cette participation est un acte qui exprime un croire en ce Jésus ressuscité. Ce n’est pas évident. Les réactions des auditeurs, qui prennent les paroles de Jésus littéralement, de manière fondamentaliste, disent bien qu’ils ne saisissent pas. Leur regard n’est pas celui de la foi mais un voir immédiat, sans dimension spirituelle. Le sens sacramentel n’est possible que dans l’expérience croyante, où le centre est le mystère pascal de Jésus. C’est parce qu’il est passé de la mort à la vie qu’il peut continuer ce don de la vie qu’il a réalisé sur la croix de gloire. Autrement, sans cette foi en Jésus le Vivant, le pain vivant et offert, celui du Verbe fait chair, ne signifie rien.
Manger et boire font entrer aussi dans une communion large, celle au Christ ressuscité qui conduit jusqu’au Père, d’où vient Jésus. Une circulation de vie qui revient fréquemment dans l’évangile de Jean. Car Jésus est venu pour donner la vie en abondance, cette vie dont la source, comme l’avenir, est une réalité aimante, absolument, au présent.
Cette réflexion en Jean ne nous offre pas de conseils pratiques sur l’organisation de nos eucharisties, le style de nos liturgies. Elle nous redit l’essentiel en nous parlant de don, de vie, de croire en Jésus le Fils, incarné et ressuscité. Elle nous rappelle ou nous invite à découvrir qu’il s’agit d’un sacrement, du signe d’une présence, à accueillir de façon active, avec d’autres, en communauté fraternelle. De quoi nous laisser étonner, surprendre, encore aujourd’hui.
La lecture paulinienne, en Éphésiens, nous invite à célébrer le Seigneur de tout notre cœur. Et à tout moment et pour toutes choses, à rendre grâce à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ. C’est exactement ce que nous allons faire en cette eucharistie (action de grâces), nous inscrivant dans la lignée des chrétiens des premières communautés, entre mémoire et avenir, autour du pain rompu et partagé. Amen..
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Pour ceux qui t’aiment, Seigneur Dieu,
tu as préparé des biens que l’œil ne peut voir :
répands en nos cœurs la ferveur de ta charité,
afin que t’aimant en toute chose et par-dessus tout,
nous obtenions de toi l’héritage promis qui surpasse tout désir.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.